Diane a les épaules de Fabien Gorgeart avec Clotilde Hesme, Fabrizio Rongione, Thomas Suire et Grégory Montel

Synopsis : sans hésiter, Diane a accepté de porter l’enfant de Thomas et Jacques, ses meilleurs amis. C’est dans ces circonstances, pas vraiment idéales, qu’elle tombe amoureuse de Fabrizio.

Diane a les épaules est le premier long métrage de Fabien Gorgeart et s'inscrit dans la lignée de ces précédents courts métrages dont la principale thématique est la parentalité. Le sens de l’orientation racontait ainsi l’histoire d’un homme, interprété par Fabrizio Rongione, qui n’avoue pas à sa petite amie sa stérilité et dans Un chien de ma chienne, Clotide Hesme incarnait une femme dont la soeur vit une interminable et épuisante grossesse.

Diane est l’archétype de la femme enceinte pour autrui non pas un stéréotype. Clotilde Hesme est une actrice de précision technique. Nous vivons sa grossesse sans remords ni regrets. Mois après mois, la métamorphose du corps s’opère. Un choix accepté ? Une envie de changement ? « Diane a les épaules » se déboîte pourtant souvent l’épaule. Toute une logique de procréation nous porte avec une tenue de route implacable, vers la naissance. Là où réussit Fabien Gorgeart dans ce premier film sans prétention, ni ambition particulière, c’est de nous faire réellement vivre cette expérience de gestation pour autrui. Tout se conduit depuis cette mère porteuse. On la suit, on l’aime, on la déteste, nous prenons le temps de réfléchir au sujet exposé. Cela démocratise et donne un bel exemple contrairement aux documentaires télévisuels dont l’inconnu nous dépasse. Une façon donc de bien accepter la thématique et d’ouvrir le débat. C’est une source de réflexion pour la GPA très agréable à travers cette histoire d’amour, d’humour, de légèreté. Un bémol pour la réalisation parfois trop court-métrage, les dialogues courts qui nécessiteraient plus de longueur. Les acteurs semblent naturels, ne forcent pas sur l’interprétation tandis que Clotilde Hesme performe à chaque plan.

Prendre le large de Gaël Morel avec Sandrine Bonnaire

 

Une belle ode à la vie et au partage. Beaucoup d’humanisme, de tendresse dans ce Film. Portrait psychologique tout en filigrane d’une grande poésie. Nous retrouvons Sandrine Bonnaire, que de chemin parcouru depuis Sans Toit ni Loi d’Agnès Varda qui vient de recevoir un Oscar d’honneur pour sa magnifique carrière cinématographique. L’objectif même de « Prendre le large » est de sortir d’une grande solitude, une solitude humaine. Profond, vrai, Edith Clairval sublimement interprétée par l’actrice Sandrine Bonnaire va se faire licencier. Mais dans le même temps, elle fait un choix incroyable : se faire reclasser et délocaliser au Maroc. Commence une histoire loin de son usine en grève. « C’est bien la seule française » au lieu de toucher ses indemnités. Elle part, laissant son fils pacsé en couple sur Paris. Cette décision va être capitale pour son avenir. Le réalisateur Gaël Morel, co-scénariste de Rachid O., nous livre une œuvre filmique tout en justesse. Sandrine Bonnaire est de quasiment de tous les plans. Nous la scrutons mais elle réussit son interprétation : nous la suivons au fil de l’histoire tout en l’explorant. Elle est touchante, émouvante, malgré ses aspects figé, rigide, fermé sur elle-même, introvertie. Elle joue au même niveau que tous les autres personnages étonnants de vérité. De fil en aiguille, elle se découvre une nouvelle vie à Tanger … S’accomplir soi-même, telle est la devise de ce Film. Une très belle histoire à découvrir et à vivre sur vos écrans.

Jeune Femme de Léonor Séraille avec Laetitia Dosch, Souleymane Seye Ndiaye, Grégoire Monsaingeon, Marie Rémond et Julie Guio

 CAMERA D’OR Cannes 2017

 

Un vrai tour de force pour l’interprétation féminine. Elle nous tient en haleine du début à la fin. « Jeune Femme », au goût de la sélection Acid, met une pêche, une énergie quand on voit la galère du quotidien … A Paris. Oui c’est un film 100 % français, bien d’ici, vue de la capitale. Je n’avais pas eu cette sensation particulière depuis « La vie rêvée des anges », d’aussi loin que je me souvienne. Un portrait sans démesures, juste de ton, rythmé, dans lequel nous pouvons nous y glisser très facilement dans une forme de décadence de nos actes. Marabout, bout de ficelle, selle de cheval ... De fil en aiguille, la réalisatrice nous fait vivre un quotidien peu ordinaire où tout est difficulté à surmonter. D’une situation amoureuse inextricable, pas à pas, arpentant les solutions possibles, nous suivons notre héroîne par la main. Elle remonte la pente sans son compagnon Joachim avec qui elle a vécu quand même 10 ans. Angélique visage, ongles rongés vite vernis, maquillage personnel, touche vestimentaire, rien n’est laissé au hasard. Nous avons un personnage fictionnelle dans une posture proche du documentaire, un monde qui existe, surtout au démarrage du film. Très vite, repère en tête, nous entrons dans la fiction. Elle, au féminin, s’accommode d’une homosexuelle dans une situation burlesque, puis, d’une rencontre avec un agent de sécurité fort rigide puis sympathique. Je ne citerai pas son prénom, vous découvrirez pourquoi en allant voir ce film. Mais continuons, un peu répétitif dans l’exposition du personnage tout au long de l’œuvre. Beaucoup de plans rapprochés, au plus près, afin de cerner les moindres détails et notamment les contre-champs sur le chat ! Enfin tout repose sur l’actrice en pleine performance d’elle-même et de ce qu’elle peut produire à l’image. Gros plans donc et plans moyens pour accentuer le contre-champ. Chaque parole, chaque geste nous sont dictés. Errance, tribulations, au bas de l’échelle, hôtel, job d’appoint, chambre de bonne, baby-sitter, … Oui, rien ne vous échappe, il s’agit bien d’une galère en immersion !                                                           

Nos années folles d’André Téchiné

 

Un film subtil d’une époque sombre, la première guerre mondiale.

 

Le cinéaste nous projette habilement dans une atmosphère particulière. Les couleurs pourpres, de bleu, de rouge, donnent un effet de raffinement à la Jean Renoir. Le film est « séquencier » par son introduction à vif. André Téchiné nous permet de vivre intensément une vie de couple ordinaire qui bascule vers l’originalité. Il rend hommage à la famille Grappe. Déserteur, notre héros se dérobe sous de belles robes de strass et de paillettes. Il va user de ces charmes, vêtu de parures féminines, pour gagner de l’argent facile au lieu de travailler. En parallèle, le spectacle de son existence se joue entre les mains d’un homme de cabaret. La charpente du récit, emprunt de théâtralité, se construit peu à peu sous nos yeux. Le réalisateur nous montre comme atemporel le travestissement réussi d’un homme difficile à combler. Les interprétations sont de justesse et il est bon de les accompagner du regard étant captivée par l’écran. Tout est chorégraphie sans fausse pudeur avec humilité. Nous savourons chaque instant, à nous de nous réfugier dans cette adaptation libre. Les corps émettent beaucoup de sensualité. Le désir naît suivant l’intensité, le charme de la scène. Un exercice rigoureux plein d’entrain et de belles attentions qui nous replongent dans un temps de guerre. Suave, romantique, le Maître Téchiné vous propose « nos années folles » tout en finesse.

 

« Djeca » de Aïda Bejic

 

Portrait d'une jeune femme voilée Rahima après les bombes.. D'après une expérience sensorielle, le temps imparti se concentre entre le vendredi et le mercredi. Perte, fuite en avant sans discontinuité ...

Le petit frère a cassé le portable du fils du ministre en vigueur. Rapports de force installés, le stress gagne la partie. Filmé comme un huis clos avec de possibles échappées, Rahima s'est convertie pour se cacher, se réfugier dans l'introspection. Elle élève un garçon, son frère, sorte de petit délinquant. Chaque jour, elle a peur, elle vérifie sa présence dans leur appartement. Elle dit que le voile c'est politique. Elle travaille dans un restaurant tenu par un tyran névrosé. Les formes vidéos parsèment cette réflexion sur l'avenir, celui de la reconstruction après les tirs et les destructions. La réalisatrice Aïda Bejic nous transporte dans son monde par l'expérimentation sonore. Le bruit des pétards mêlé au bruit des tirs se confondent. La musique électronique reflète la nouvelle génération. Elle se comporte comme les jeunes occidentaux. Au travers des quartiers dévastés, une ode à l'espoir, celui de vivre au niveau des pays voisins se déclare .. La renaissance, une vie meilleure, tout reste en suspend …

 

Rengaine de Rachid Djaïdani Avec Slimane Dazi: Slimane, Sabrina Hamida : Sabrina et Stéphane Soo Mongo : Dorcy. Sortie : le 14 novembre 2012

Sélection du 24ème Festival d'automne de Gardanne

 

Une ode contre la haine multiraciale où les corps se heurtent à la caméra.. Le son en continu devient le ronronnement orchestral de cette vision sectaire et réductrice proche de « Shadows » de John Cassavetes. La violence des mots côtoie celle des regards des gestes et des postures. Comment s'en sortir ? Pris au piège de la spirale effet papillon, les personnages se posent les mêmes questions tous assujetis à l'incompréhension générale. Personne ne s'entend et dans cette cacophonie de dialogues incessants, un va et vient sur l'amour et les différences se perpétue. Comment une jeune magrhébine peut-elle aimer un noir au point de se marier ? Vaste débat somme toute bien exposé dans ce film, nous sommes tenus en haleine du début à la fin. Caméra épaule, caméra embarquée, rien n'arrête le regard de Rachid Djaïdani le réalisateur. Au départ en simple amateur, il se positionne en professionnel au fil du temps, confronté à une dure réalité celle qu'il est en train de vivre dans la spontanéïté de l'acte de filmer .. C'est le drame de l'amour familial et fraternel, une tragédie hors trajectoire se profile déjà ..

« Liberté » de Tony Gatlif, France, 1h51, 2010. Scénario : Tony Gatlif. Photographie : Julien Hirsch. Composition musicale : Delphine Mantoulet et Tony Gatlif. Avec Marc Lavoine (Théodore), Marie-Josée Croze (Melle Lundi), James Thiérrée (Taloche), Rufus (Fernand), Kevyn Diana (Zonka), Mathias Laliberté (P'tit Claude), Carlo Brandt (Pierre Pentecôte), Arben Bajraktaraj (Darko), Georges Babluani (Kako) et Iljir Selimoski (Chavo).

 

Durant la second guerre mondiale, en 1943, des Tziganes sillonnent la campagne en roulottes avec leurs chevaux. Un jour, ils sont suivis par P'tit Claude, un petit orphelin français, qu'ils adoptent dans leur campement. Près d'un village, Taloche, Zonka, Kako et toute la famille font la connaissance de Théodore, le vétérinaire, alors que les chevaux sont malades. Maire du village, celui-ci accueille P'tit Claude tandis que Mademoiselle Lundi, l'institutrice, régularise les Tsiganes venus pour faire les vendanges dans le pays. Elle décide de scolariser les enfants avec Taloche très proche de P'tit Claude. Mais les contrôles d'identité imposés par le régime de Vichy se multiplient et le peuple nomade n'a plus le droit de circuler librement. Théodore cède alors un de ses terrains familiaux aux bohémiens désormais sédentarisés. Cependant les pressions de la police et de la Gestapo menacent cet équilibre tandis que les Tsiganes souhaitent reprendre la route.. Ouverture au grand jour et en grande lumière, des tziganes parcourent la basse campagne, des verts paturages aux forêts sauvages. Suivis, ils attrapent symboliquement l'orphelin P'tit Claude dans cette fuite en avant vers un ailleurs autant inconnu que cet état sauvage. Ces hommes inoffensifs, atypiques par leur aspect forain, s'imposent à l'écran de façon surprenante et burlesque. Leurs caractères spontanés, proches de la nature, font ressortir toute leur humanité, celle d'être proche des hommes. Mais la guerre les contraint à fuir et à se reclure sur eux-mêmes. Inspiré d'une histoire vraie, Tony Gatlif raconte, avec humour, poésie et tendresse, un épisode tragique du sort des tziganes sous l'occupation. Par la voie comique et avec générosité, il dépeint à travers un panel de valeurs humaines la condition des Roms. Il introduit la folie avec le personnage de Taloche magnifiquement interprété par James Thiérrée. Sa force d'interprétation est incroyable de justesse. Marc Lavoine incarne avec prestance le digne maire. De profession vétérinaire, il est prêt à sacrifier une terre pour sauver ce peuple nomade. Marie-Josée Croze joue l'institutrice Mademoiselle Lundi, un personnage ayant réellement existé. Ainsi Tony Gatlif rend hommage aux Tziganes arrêtés puis déportés à une époque paroxysmique de la Seconde Guerre Mondiale. Le cinéaste nous fait vivre une part d'histoire avec sa touche personnelle. Il dessine des personnages hauts en couleurs et en vibrations par la musique si festive avec le contraste de la déportation. Le cinéaste dépeint cette course avec beaucoup de poésie et d'humilité pour le peuple Tzigane. L'innocence se traduit par le rire dans cette intrigue sous le coup de la magie. Sauvés puis perdus, les personnages représentent un état d'esprit, une culture ancestrale mais ils sont aussi le symbole d'une migration choisie puis contrainte. La force du film tient en la spontanéîté de ces ces petits moments de joie dans un temps de grand danger. Tony Gatlif rend légitimement cet aspect sauvage des bohémiens en contraste avec la civilité des français comme le refus des normes sans violence. Ils introduit ces propres personnages dans l'Histoire et montrent leurs destins, conservant intacte leur part d'humanité jusqu'à même sombrer dans la folie. Le réalisateur nous offre ainsi des instants comiques sous le poids incommensurable de la déportation. Il démarque le peuple gitan pour en expliquer sa situation plus que complexe, sans papiers et sans attaches, dans cette période de guerre. Contraste fort encore entre les grands espaces, la maison de théodore perçus par les gitans et l'enfermement dans les camps de concentration.. Un pas sépare donc la comédie de la tragédie. Avec ces personnages vivants, dans la trajectoire de leur exode, Tony Gatlif inscrit un mouvement fort vers cette liberté jamais atteinte.

Pauline et François de Renaud Fely, 2010, 1h35, avec Laura Smet, Yannick Renier et Léa Drucker

 

Les oiseaux volent dans un ciel incertain .. En pleine expression, la patte de l'auteur se sent dès les premières images, installant un climat particulier dans l'apesanteur d'un évènement à venir. Les personnages usés, râpés par la vie évoluent dans le contraste de leur posture figée par le temps et de leurs attitudes spontanées. La campagne renforce notre perception d'un microcosme familial. Cette proximité fabrique des entités uniques, à part entière. L'actrice Laura Smet apparaît à l'écran comme cet évènement tant attendu. Elle regarde par la fenêtre .. Pauline est une belle jeune femme armée de pudeur et de retenue. Elle exprime la perte de l'être aimé dans le silence. Le réalisateur Renaud Fely est cet insoumis. La caméra fuit, lors du pique-nique en forêt. Elle se déporte vers la belle soeur Léa, fuyant, lâche du regard, ce qui est en train de naître à l'image, nous épargnant toute accablement, toute souffrance inutile. Le décadrage vient se perdre dans les nuages, une façon d'être gêné et de poser cette question : Comment réagir face au deuil ? Cette autre forme de la pudeur nous invite à fuir le plus vite et le plus loin possible. Mais, déjà dans le film, nous accompagnons Pauline et ce qu'elle ressent. Ainsi un changement de point de vue va s'opérer à notre insu. Nous, spectatrices, sommes désormais prêtes à nous identifier à ce personnage énigmatique. Dans la sincérité de l'acte, la simplicité se dégage une humanité toute familière, celle du coeur avant celle de l'esprit. Renaud Fely expose un bonheur perdu puis retrouvé. Le travail du deuil du mari vers cette renaissance un an après porte l'espoir d'une nouvelle vie possible. L'intrigue quelque peu secondaire entre Léa et Pauline confirme notre présence et encourage à une résolution de cette solitude intérieure tant la vie peut être difficile parfois. La dynamique de l'apparition de Pauline sous-tend le déshabillage de François, associant ainsi la venue de Pauline dans la vie de François sous le signe de l'amour. Les corps en souffrance, écorchés par la vie, se retrouvent. Cette forme muette du deuil se retrouve ensevelie dans une forme abjecte du quotidien où la confiance fait mine de faux semblant. C'est un film résolument minimaliste avec, comme cadre, un lieu neutre, sans confrontation, existant quelque part dans nos campagnes .. Le rythme lent impose aux personnages ce temps de paroles tandis qu'il nous offre ce temps de penser la vie. Une forme pieuse et sensée de l'amour dessine le chemin vers le bonheur. Au niveau esthétique, l'exposition des personnages en dit long sur la façon dont l'auteur nous laisse dans le labyrinthe de nos questions. Il ne souhaite pas trop en dire sur chacun des protagonistes. Pauline a un visage christique. Elle ressemble à une poupée de porcelaine. Naturelle, belle dans son âge, béate d'amour, elle sourit à la vie. L'actrice Laura Smet réussit une belle interprétation de Pauline. François, lui, joué par Yannick Rénier, reste beaucoup plus dans son rôle d'ouvrier, en jeune homme hirsute des temps modernes, le visage marqué par le labeur. L'amour familial existe pourtant dans la belle famille malgré le climat financier délicat. La soeur de François, Catherine, incarnée par Léa Drucker, apporte la joie mais elle cède face à l'argent tandis que son mari, Serge, interprété par Gilles Cohen, est figé dans son rôle du père aimant sa petite fille. Dans ce problème domestique, Pauline découvre François et accepte son amour. François a ce regard fou et perdu, les traits tirés de sa fatigue. Pauline est un bel ange marqué par le destin. Retranchée dans son deuil, reclus sur elle-même, elle s'ouvre à François et c'est là que nous pouvons nous identifier à elle. Le film propose une manière adulte de vivre cet instant de reconstruction, d'offrir un peu de réconfort et de revenir à la vie. Il y a des douleurs qu'on ne pénètre pas .. Le deuil devient cette forme intacte conservée par la pudeur vers une intimité retrouvée. Accompagnons Pauline vers son bonheur avec François au chant de la nuit des brâmes ..

 

« C'est ici que je vis » de Marc Recha (Drame, Espagne, 2010, 1h32. Scénario de Nadine Lamari et Marc Recha. Avec Marc Soto (Arnau) , Sergi Lopez (Ramon), Eduardo Noriega (Sergi), Eulalia Ramon (Sole) et Pere Subirana (Araignée)


Arnau, un adolescent âgé de 17 ans, vit dans la province de Barcelone, à Vallbona. Il se rend à la prison pour rendre visite à sa mère mais la voir n'est pas possible. Arnau se réfugie dans les concours d'oiseaux chanteurs avec son chardonneret très bien dressé. Il habite avec son frère Sergi, sa soeur Sole et son mari Araignée dans une modeste maison à la campagne. Les fins de mois sont difficiles pour payer le loyer. Dans des conditions de vie simples, Arnau cherche à gagner de l'argent pour libérer sa mère. Son oncle Ramon, arrivant de la ville, lui propose de parier aux courses au cynodrome de la Meridiana ..
Une vie simple, une condition modeste, Arnau incarne cette jeunesse innocente, belle et naturelle qui aspire au bonheur des siens pour son propre bonheur. Le film commence au moment où un événement sourd et douloureux devient intenable dans l'existence de cet adolescent. Sa mère Filo est enfermée en prison. On ne la voit pas et Arnau ne peut lui-même la voir. Sain d'esprit, il vit dans un monde empreint de poésie et de petites joies qu'il a lui-même construit. Arnau fait des concours de chants avec ses petits oiseaux. Mais l'absence de la mère rend complexe cette situation. Arnau entreprend de gagner beaucoup d'argent pour payer un bon avocat. Le cinéaste Marc Recha, dans une réalisation sobre et naturaliste, nous fait vivre un conte de fées en décors et lumière naturels avec des personnages réalistes, proches de leur propre condition, sur fond de précarité et de mutation économique. Proche de l'autisme symbolisant cette douleur intérieure, le personnage d'Arnau caractérise ce refus de la société face à ses dérives économiques et sociales. Il nous montre ses sentiments au travers d'une fable, celle de l'oiseau et du renard. Arnau continue le fil de sa vie. Mais l'incompréhension de cette absence demeure. Retranché dans son monde, ses proches essaient de partager ses émotions sans y parvenir. Le générique sous forme de dessin-animé amorce le récit lyrique, proche du conte pour enfant. Ce film peut faire figure de support pédagogique. Sous les traits singuliers de ce jeune adolescent espagnol, se dresse le portrait d'une vie simple et modeste, sans artifices, dans le respect des origines et des traditions. De jour, quasi uniquement en extérieurs pour contraster avec le monde intérieur de la prison, les personnages ont la franchise de leurs rôles, crédibles dans leur vie au jour le jour. Les sentiments ont de la pudeur. Cette couche populaire est directement concernée par les effets de la ville sur la campagne. A travers cette réflexion sur l'évolution d'une petite ville aux abords de Barcelone, les gens continuent de vivre d'après leurs habitudes, sûrement dans ce souci de conservation. Marc Recha filme les expressions mais avant tout les femmes et les hommes en train de vivre, offrant cet instant de réalité dans la spontanéité de l'acte. Le réalisateur espagnol nous délivre un beau message sur le patrimoine et sa conservation. Dans cette fable cinématographique, Arnau nous emmène au coeur de ce quartier, regarder ces gens qui y vivent, loin de cette modernité imposée. Son oncle Ramon interprété par l'acteur Sergi Lopez devient ce père absent, jovial et bon vivant, joueur mais généreux, faisant vivre ses neveux et nièces. Habitant la ville, Il essaie de se rapprocher d'Arnau, durant l'été, avec les courses de lévriers. Il se démarque par son franc-parler face à Sole aux prises à son loyer. Tandis que Sergi fait sa vie sans soucier de l'avenir, Arnau cherche une solution pour sa mère. Leitmotiv visuel, sa quête se décline sur le mode du conte dramatique. L'univers des oiseaux est celui d'Arnau, proche de la nature et des animaux. Il participe à des concours de chants. Son oiseau favori, fidèle compagnon, et seul ami, devient champion de Catalogne. Marc Recha amène un peu de douceur à cette atmosphère pesante de l'enfermement en traduisant poétiquement l'univers d'Arnau. Ce jeune garçon fait réfléchir par sa propre conscience du drame familial. L'approche n'en demeure que juste et profitable. Entré dans son monde, son fardeau se dissimule dans la solitude de l'être. Ancré dans son âge, toute la magie se dégage de cet hermétisme. Le monde adulte ne peut totalement entrer dans le monde d'Arnau. A nous de nous glisser à ses côtés pour mieux le comprendre. Ainsi sommes nous ses plus proches confidents. Entre innocence et naïveté, Arnau passe de sa dimension d'enfant à celle d'adulte par son onirisme. A travers son parcours, sa force et son courage laisse à penser toute la mesure de son affiliation. Autant l'émotion se perçoit dans son regard, autant la peur se dissimule. Ainsi plusieurs degrés de lecture sont à percevoir, celui objectif des évènements bientôt repris par celui subjectif de la contemplation. D'un côté, ces plans des maisons et des immeubles en bas de montagne, des fils électriques à haute tension.. De l'autre, la rivière, les champs, les potagers.. Arnau aime la nature et les animaux de façon instinctive. C'est pourquoi il gagne les concours mais tout s'accélère à la venue de l'oncle qui l'entraîne dans les courses de lévriers jugés dangereux.. « C'est ici que je vis » est un film proche du support pédagogique. Le réalisateur Marc Recha prouve son attachement aux moeurs et traditions de son pays. Une réalisation soignée, des instants photographiques, un quartier aux prises à ses métamorphoses, Marc Recha apporte aussi sa vision sur l'aménagement du territoire. Il regarde cette banlieue de Barcelone plutôt côté campagne où la modernité est l'impair de cette évolution. Il l'inscrit comme le cadre de ce conte poétique où chaque métaphore demeure cette frontière entre l'imaginaire et la réalité.

Notes du réalisateur Marc Recha

 

« Vallbona est un quartier de Barcelone. Il se trouve dans une zone montagneuse, à la frontière entre Barcelone et Montcada i Reixac. La construction des autoroutes à la fin des années soixante a pratiquement isolé le quartier du reste de la ville. Ce no man's land traversé par le fleuve Besós – qui suit son chemin jusqu'à la mer - situé entre les régions du Barcelonés et du Vallés, a permis à l'équipe de travailler dans une zone de frontière souvent oubliée par les habitants de la grande capitale. Il s’agit d’un endroit dans lequel règne l’incertitude des gestions de l’espace : On ne sait pas encore si on construira une université ou bien un centre culturel, si l’endroit continuera à être un quartier ou finira par se transformer en zone résidentielle. Si l’on jette un coup d’oeil aux alentours, en observant les gens et en parlant avec eux, on se rend compte que Vallbona fait penser à l’Hospitalet de Llobregat des années soixante dix ( lieu de naissance du réalisateur Marc Recha ) : A l’époque, c’était aussi un quartier en pleine transformation, dans lequel tout était à faire et où il y avait une solidarité et un accord entre les divers mouvements associatifs qu’aujourd’hui encore on peut ressentir dans ses rues. Tout ce processus de transformation, la possibilité d’aller d’un endroit à un autre se retrouve dans l’histoire de ce film. Vallbona sera le premier écoquartier de Barcelone. Par conséquent, il interférera avec le reste de la ville au travers d’une structure urbaine dense qui se trouvera intégrée, en même temps, dans la nature.
L'écriture du scénario a débuté en 2004. A ce moment-là, Vallbona était en pleine transformation et les éléments du quartier ont été pris en considération dans l'état dans lequel ils se trouvaient à ce moment précis. Lorsque, quatre ans plus tard, le tournage du film démarre, le décor naturel a changé une fois de plus, à cause des travaux du TGV, de la construction de ponts et de bâtiments, et de la disparition des potagers si caractéristiques de la zone. Cette situation a contraint l'équipe à travailler des détails du scénario pour les adapter à la nouvelle réalité du paysage.
Le cynodrome de la Meridiana a été le dernier cynodrome ouvert en Espagne. D'architecture moderne (Prix FAD d'Architecture en 1964, et patrimoine de la ville), c'était un lieu de loisirs et de rencontres situé dans le quartier barcelonais du Congrés dans lequel, dit-on, on pariait plus qu'on ne gagnait. Les retraités et les chômeurs étaient les clients habituels. Le cynodrome a fermé ses portes en février 2006. Il était donc abandonné depuis longtemps au moment du tournage. Par conséquent, il fallu recréer l'endroit et effectuer un travail considérable pour le rendre tel qu'il était à l'époque. Une petite anecdote concernant les figurants qui sont présents dans le film : Nous avons retrouvé différentes personnes, qui, auparavant, pariaient pendant les courses de lévriers. Les anciens employés se sont vus exécuter, à nouveau et, avec nostalgie, les gestes de nombreuses années de travail et ce devant les caméras. »

 

« Les plages d'Agnès » écrit et réalisé par Agnès Varda, France, documentaire, 2008, 1h51. Avec Agnès Varda


Agnès Varda regarde l'horizon, celui de sa vie ..


Ce documentaire est une reconstitution de la vie d'Agnès Varda vue par elle-même au travers d'évènements marquants du cinéma mais aussi de sa vie.. La cinéaste retrace les étapes de sa carrière à partir d'un tableau de famille. Portrait d'une vie consacrée au cinéma ou hommage solennel, Agnès Varda s'inscrit dans la lucarne comme véritablement un personnage cinématographique. Comme un petit poucet, les galets semés deviennent des instants inoubliables, des moments de cinéma comme les tournages respectifs de Jacques Demy et Agnès Varda. La cinéaste aboutit son propos en mettant un point d'honneur entre famille et cinéma. Autobiographique, Agnès Varda prolonge ses réflexions et nous donne d'autres pistes. Elle nous révèle de vrais secrets de tournages. Aujourd'hui, elle retrouve des souvenirs cocasses, des pensées intimes. Dans le rapport de la vie et du cinéma, Agnès Varda devient une figure emblématique du cinéma français comme la réalisatrice qui sait le mieux décrire son univers. L'artisane du cinéma se met en scène et nous fait confession de ces impressions. L'amour du cinéma ne doit pas nous faire oublier l'amour de la vie. Ce documentaire nous fait penser doublement au cinéma par les films cités « La pointe courte », « Les créatures », « Daguerréotypes ».., mais aussi des cinéastes Jacques Demy et Jean-Luc Godard pour « Lola » et « A bout de souffle ». En analyste, en historienne de l'art, Agnès Varda pose un regard humain sur son travail. Puis elle évoque la mémoire de Jacques Demy avec « Jacquot de Nantes ». Agnès Varda s'étonne de faire une installation artistique de son cinéma. Elle montre Noirmoutier et ses veuves. Emotions, rires, larmes, Agnès Varda ouvre son coeur de sa voix chaleureuse. Elle déroule le fil d'Ariane et laisse quelques lanternes cinématographiques allumées. Comment le souvenir peut ainsi résister aux affres du temps ? Plus qu'un film de famille, au sens commun et au sens cinématographique, ce film de patrimoine est exemplaire de la démarche de la réalisatrice et de son parcours. Regard en arrière ne signifie pas marcher en arrière. Allez voir le film et vous comprendrez au travers du regard d'Agnès Varda sur sa vie, quand vie et cinéma ne font qu'un.

 

« It's a free world..» de Ken Loach, Grande-Bretagne, Italie, Allemagne, Espagne, durée 1h36. Avec Kierston Wareing, Juliet Ellis, Leslaw Zurek, Joe Sifflet, Davoud Rastgou et Frank Gilhooley

 

Dans un bureau, en Pologne, une agence britannique recrute des chômeurs. Angie est une employée qui fait passer les entretiens d'embauche. A la suite d'un licenciement abusif, Angie et sa colocataire Rose décide de créer leur propre entreprise de recrutement « Angie et Rose Agency ». Seulement Angie veut gagner beaucoup d'argent. Elle va offrir du travail aux chômeurs et aux immigrés ainsi qu'aux sans-papiers quelque soient les méthodes et les conditions de travail. Le réalisateur Ken Loach dénonce le système actuel en travaillant sur des sujets d'actualité. Le chômage, l'immigration, la clandestinité, les sans papiers sont au coeur de ce film tout en traçant un portrait de femme. A échelle humaine, Ken Loach choisit la mise en perspective de l'employeur, la position d'Angie plus que délicate. Elle symbolise les patrons qui proposent du travail dans la plus grande illégalité, sans payer de charges ni d'impôts. Ken Loach épuise le sujet jusqu'à ses propres limites, estimant les pertes humaines. Dans un cinéma engagé et social, il accomplit une oeuvre indispensable dans sa carrière. Il demeure l'un des rares cinéastes capables de travailler les thèmes de société « à chaud ». Une jeune femme, Angie, mère de famille, dont le fils Jamie est élevé par les grands-parents a accumulé « les petits boulots » et souhaite désormais s'en sortir. Elle se lance, avec son amie Rose, dans une agence de recrutement d'emploi intérimaire à l'heure, à la semaine ou au mois, pour les chômeurs, les immigrés de tout pays, pour les classes populaires dans l'extrême précarité et pauvreté. « Pas de papiers, pas de travail » sauf qu'Angie en veut plus...Ken Loach la qualifiera de personnage odieux. Ce film est une satire et une critique dures de la société. Le réalisateur décrit les défaillances sociales du système d'intégration et dénonce ainsi les perversions du monde du travail. Il met en avant la condition humaine de ceux qui n'ont rien, ni même l'obtention officielle de papiers. Angie croit au travail qu'elle propose mais rapidement nous nous apercevons des dysfonctionnements du système bravant les lois, les conditions de travail et même les conditions de vie. Simplement rien ne fonctionne et n'est possible de fonctionner en ces termes. Ken Loach aborde ici toutes les facettes et les enjeux de l'intégration et de l'insertion professionnelle. Au summum de la critique sociale actuelle, Angie, dans l'illégalité la plus totale, caractérise, définit le cauchemar , les peurs et les angoisses liés à l'exploitation de la société face aux sous-couches populaires. C'est la femme « battante » qui s'investit à temps plein. Elle remet tout en jeu même sa propre vie personnelle, jusqu' à altérer son propre statut dans la société. Elle sera sans limites jusqu'à la démesure et l'inhumanité. Elle interprète une patronne plus qu'excessive qui va jusqu'à maltraiter ses employés et les rabaisser à une forme nouvelle d'esclavagisme, l'esclavagisme moderne. Ken Loach propose ainsi une solide critique de la société en pleine mutation économique dont les travailleurs bon marché n'ont plus aucun choix face à la dureté de leur condition de survie. Son cinéma s'inscrit désormais dans « le no limit social ». Ce film est une oeuvre essentielle à caractère universelle qui semble indispensable à l'heure d'aujourd'hui pour mieux construire demain. Cette forme de révolte immaitrisable pousse l'individu aux solutions les plus difficiles et les plus impossibles. Ken Loach filme l'immontrable en dépeignant un personnage imbus de ses pouvoirs, un personnage amoral et atypique. Le cinéma est à nouveau vecteur de communication, instrumentalisé à des fins d'alerter, d'alarmer la société concernant les grandes dérives du système social. De la condition du travail à la condition humaine, Ken Loach investit sa caméra aux services des plus démunis pour dénoncer les rouages, déconstruire les ficelles d'une gigantesque machine d'exploitation humaine dans le sillage de la pauvreté, de l'immigration clandestine et du chômage. « It's a free world.. » porte les stigmates, les plaies d'une société qui n'a pas encore trouvé les véritables solutions de la précarité. Ken Loach raconte une histoire, la plus tragique soit elle, en montrant l'envers du décor. Il est de son devoir de lever le voile sur les aberrations de nos systèmes sociaux. L'engagement de Ken Loach ne se limite plus, accordant tous les droits à ses personnages pour en montrer toutes les conséquences. Il montre tous les risques, toutes les difficultés des individus qui essaient d'avoir un statut dans la société notamment les sans papiers et les clandestins. Virulence des thèmes, sujet dérangeant, Ken Loach bouscule les consciences pour délivrer de véritables messages et réflexions sur notre Temps. Le cinéaste nous communique le malaise social. Il nous propose ainsi de débattre des sujets les plus délicats et les plus controversés de l'actualité, ciblant principalement les pays développés en Europe. Dans la lignée de tous ces films, Ken Loach aborde ici le versant de l'injustice sociale. Un coup de chapeau pour l'audace et la pertinence du sujet.

 

«Les trois singes » de Nuri Bilge Ceylan, Turquie, France, Italie, 35 mm, scope, drame, 1h49. Avec Yavuz Bingöl, Hatice Aslan, Ahmet Rifat Sungar et Ercan Kesal. Prix de la mise en scène Cannes 2008


Une famille disloquée à force de secrets devenus mensonges, tente désespèrement de rester unis en refusant d'affronter la vérité. Pour ne pas avoir à endurer des épreuves et des responsabilités supplémentaires, elle choisit de nier cette vérité en refusant de la voir, de l'entendre ou d'en parler comme dans la fable « Les trois singes ».. Après « Uzak », en 2003, et, « Les climats », en 2006, le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan réalise « Les trois singes », récompensé par le prix de la mise en scène à Cannes 2008. Le fil conducteur cousu de main de maître est maintenu par des raccords impeccables, sur un geste, une expression, ou encore une porte de la maison. La lumière cinématographique incroyable rapproche le cinéma au plus près de la peinture, comme un tableau « mouvant » cinématographique. La mélancolie se complait dans un mélodrame entre statisme et lenteur. De la répétition naît cette idée de déjà vu pour le spectateur et cette impression de déjà vécu pour le personnage, dimensions parallèles dans l'effet de réalité. La boucle du temps s'exprime dans la spirale du quotidien. De gros plans expressifs traduisent l'intensité des regards et la violence des sentiments. Nuri Bilge Ceylan explore la nature humaine, comme il dit lui-même, il dramatise les pensées abstraites. Les couleurs se fondent et se lissent dans la masse chromatique. Elles se formalisent au récit dont le traitement repose sur la narration soutenue. Les états d'âme se figent dans le flottement des pensées des personnages en apesanteur. Le réalisateur s'applique à chaque plan, en retravaillant à l'étalonnage numérique les ombres et les lumières. Cette intensité sourde et intérieure retient notre souffle tout au long du film et crée ce silence cinématographique quand l'image se suffit à elle-même. La translation des corps personnifiés par leur position figée provoque le choc des personnalités. La réflexion muette, dans la concentration du propos, se véhicule d'image en image à son degré des plus intenses. Ce ciné-poème est une ode à l'âme humaine et à sa complexité. La caméra de Nuri Bilge Ceylan est désormais au plus proche de ces personnages qui se répondent d'un simple geste, d'une simple expression. Le réalisateur prometteur revisite le genre populaire du cinéma turc en insufflant un vent de mélancolie sur les personnages. Les psychologies s'entrechoquent dans ce microcosme humain. L'émotion se perçoit dans l'errance des pensées et dans leurs dérives face aux rapports conflictuels. Ceux-ci plongent les personnages dans l'abyme noire, la noirceur de leurs sentiments à leur intensité maximale. Le voile du mensonge se pose sur la vérité. Nuri Bilge Ceylan croit véritablement aux pouvoirs de l'image. Proche du mysticisme de ses héros, le réalisateur nous offre une partition cinématographique à la hauteur de son talent. Images usées, habitées d'un sentiment dépassé qui s'incruste dans les pensées, cette oeuvre filmique constitue une source de réflexion sur la condition humaine. « Les trois singes » s'inspire de la philosophie de Confucius « Les trois singes », ne pas entendre le mal, ne pas le voir et ne pas en parler. Cette famille turc, le père, la mère et le fils incarnent chacun cette philosophie à la gestion des conflits, en pratiquant le mensonge. Parfum de tristesse et de regret, ivresse et dégoût des sentiments à leur paroxysme, la perspective du réalisateur est de décrire un certain réalisme, dépassant le cadre de la réalité, par son parti pris esthétique. La sagesse s'applique à regarder le problème dans son entité afin d'apaiser les consciences et bouleverser la pensée humaine. Le récit est élaboré de façon à traduire l'univers mental des personnages. Nuri Bilge Ceylan dit à ce propos: « C'est en connaissant mieux la part sombre de soi-même qu'on a l'espoir de s'améliorer. » Cette oeuvre forte est équivalente, sur le fond, à une oeuvre littéraire, et, sur la forme, à une oeuvre picturale. Ainsi le cinéma est à nouveau le lieu de cette rencontre entre les Arts par un propos esthétique sur la nature humaine. Le père charismatique mais retranché sur ses positions, le fils dans l'énigme de sa propre psychologie, une mère perturbée par son mensonge, sont des portraits réussis de cette famille turc. Nuri Bilge Ceylan crée des images stylisées pour une ambiance chromatique aux tons désaturés. Il dit notamment : « Ces images sont celles de mon âme ».

 

« Quatre minutes » de Chris Kraus, Allemagne, 2008, durée 1h36
Avec Monica Bleibtreu, Hannah Herzsprung, Jasmin Tabatabai, Sven Pippig et Richy Muller

 

Frau Traude Kruger enseigne le piano au centre pénitencier de Manheim. Quatre femmes détenues, incarcérées pour peine lourde, pourront suivre les cours de musique depuis l'arrivée du nouveau piano. Dans l'enfer carcéral, Jenny Von Loeben est remarquée par le professeur Kruger. Attisant toutes les jalousies, Jenny découvre sa vocation cachée puis révélée. Enfance tragique, elle est accusée d'un meurtre violent et purge une peine importante. Traude Kruger doit inculquer les règles à Jenny. Elle accumule les concours de piano jusqu'au grand concours du conservatoire sous le regard attentif et sérieux de son professeur.. Dans une mise en scène sobre et concise, Chris Kraus réussit le contraste entre les deux personnalités féminines. Dans un univers filmique sombre voire obscur, la pâle clarté de l'extérieur demeure éphémère. La grande force du film repose sur les interprétations magistrales des deux actrices Monica Bleibtreu interprétant Traude Kruger et Hannah Herzsprung interprétant Jenny Von loeben. A elles deux, elles apportent de l'humanité, ce souffle de liberté nécessaire à ce monde clos. L'histoire sous-tend, dans une ambiance « noire », d'une part, le poids de l'enfermement et le repli sur soi incarnés par le personnage de Jenny. D'autre part, le film nous mène de révélation en révélation portées par la patience et l'enseignement de Traude Kruger. Une série de flashbacks effroyables nous dévoile son homosexualité sous la seconde guerre mondiale. Une porte est désormais ouverte grâce peut-être à cette clé qui ouvre le piano. La jeune détenue Jenny est guidée dans son apprentissage de la musique classique. Elle doit réussir « sa mission ». Au travers de thématiques difficiles, une vie brisée se voit bouleverser. Sauvage et impulsive, elle se plie difficilement aux cours. A chaque plan où elle apparaît les épaules courbées, elle s'impose le regard fou et méchant. Ainsi elle accepte d'écouter et d'apprendre en se vouant une passion sans limites pour le piano. Dans son combat permanent du jour le jour, Jenny se découvre pianiste prodige, adulée par la presse qui reconnaît en elle tous les talents. Mais elle demeure asociale et déconnectée de la réalité. Ses émotions les plus secrètes se retranscrivent sur la partition de Robert Schuman. Les forces hermétiques se concentrent dans sa vocation. Mais le film se veut fataliste, croit encore aux potentiels de chacune qui lutte en contraste permanent de leurs positions, celle de la liberté et du savoir pour Traude Kruger et celle des souffrances et de la violence pour Jenny. Ce film dur, émouvant, sans clichés, rend hommage à Madame Kruger, ayant réellement existé (1917-2004). Grand courage d'un côté, adversité et persévérance de l'autre, Traude Kruger enseigne le piano à Jenny pour améliorer son jeu et non pas sa nature.

« Into the wild » de Sean Penn, Etats-Unis, 2008, 2h27
Avec Emile Hirsch, Maria Gay Harden, Willima Hurt, Jena Malone, Brian Dierker, Catherine Keener, Vince Vaughn, Kristen Stewart et Hal Holbrook

 

En 1990, dans l'état de Virginie de l'Ouest, après l'obtention de son diplôme de bachelier, Christopher Mc Clandless quitte, sans mot dire, sa famille, sa vie aisée de jeune étudiant à Oxford pour voyager en Alaska. Plus aucune responsabilité, plus d'argent, notre héros lui-même baptisé « Alexander Supertramp » décide de vivre ses propres libertés. A partir d'un voyage initiatique, il va traverser les états du Dakota du sud, du Colorado, de l'Arizona, du Golfo de Mexico , en pensant toujours atteindre l'Alaska. En osmose avec la nature, il communie avec les grands espaces américains majestueux. « Alone », seul un sac à dos comme seul bagage, il se construit ainsi une nouvelle identité de « sa première naissance » à « la sagesse »..
Le réalisateur Sean Penn adapte l'ouvrage de Jon Krakauer, écrit en 1996, retraçant la vie de Christopher Mc Candless qui sillonna Les Etas-Unis, à l'âge de 22 ans, avec pour seul objectif « voyager en Alaska ». « Voyage au bout de la solitude » est dans un souci permanent de vérité. Sean Penn décrit, dans le moindre détail, les moments les plus intenses, avec une mise en scène qui est lui propre, reconnaissable depuis son premier film « Indian Runner », rappelant le cinéma américain des années 70. Alexander tient un journal intime où il retranscrit chaque pensée de ce qu'il ressent et de ce qu'il peut vivre sur l'instant. Cet incroyable histoire vraie peut être qualifiée d'autoportrait d'un homme de 24 ans dont la témérité le conduisit jusqu'au bout de ses propres limites. Son parcours retranscrit un monde où l'homme, réfugié dans la solitude, se nourrit de ces rencontres humaines et ne peut vivre définitivement seul. Mais Alexander ne soucie que de lui. La voix de sa soeur, l'image de ses parents hantent son voyage en quête de liberté absolue. Ce pur américain se défait ainsi de toute contingence matérialiste pour se retrouver à l'état sauvage, en osmose avec la nature. Vivant au jour le jour, avec un leitmotiv incroyable de découvrir , d'explorer les contrées américaines, Alexander Supertramp est en perpétuel réflexion sur lui-même pour mieux revivre. La mise en scène ne faiblit pas sous le poids des retour en arrière entre civilisation et état primitif. L'expérience cinématographique bonifie le réalisateur Sean Penn qui raconte cette histoire vraie. Cet homme n'est ni un hippie qu'il croise, ni un agriculteur, ni aucun des personnages qu'il rencontre sur son chemin parsemé d'obstacles. Il les occultera deux ans durant jusqu'à l'inévitable. Ce film est un hommage solennel à Christopher Mc Candless, au demeurant courageux, seul face à l'adversité et à la trivialité du monde sauvage qui vécut dans la grande solitude, l'enfermement sur soi pour se découvrir une nouvelle nature. Sean Penn réalise des images magnifiques de cette expérience impossible. Ce jeune aventurier mourut de sa quête, digne des pionniers américains. L'intensité vient du travail cinématographique dans ces espaces inconnus où le temps se maîtrise par la pensée.

« Dream », « Bi-Mong » de Kim Ki-duk (Corée du Sud, drame, durée : 1h35) Avec Jô Odagiri (Jin), Lee Na-young (Ran), Mi-hie Jang (Le docteur), Tae-hyeon Kim (L'ex de Ran) et Ji-a Park (L'ex de Jin)

 

Un accident de voiture... Un conflit. Le rêve d'un jeune garçon, Jin, rentre dans celui d'une belle jeune fille, Ran. Il s'accuse de l'évènement, confronté aux autorités de la police, seuls représentants de la réalité. Ensemble, ils ont un rêve. Il veut revoir son ex-fiancée tandis qu'elle déteste son ex-compagnon. Une spécialiste du sommeil les réunit et les associe par leurs deux rêves : S'ils s'aiment, les rêves disparaîtraient. Sur le Mode de l'imagerie jusqu'aux chocs visuels, Kim Ki-Duk explore sous forme expérimentale l'attraction et le pouvoir des rêves. Leur affiliation est la perpétuelle recherche des psychanalystes tandis que les protagonistes vont jusqu'à les vivre. Le cinéaste va jusqu'à nous soumettre la mutilation de l'être définissant le personnage-objet, désormais objet de son rêve. L'autre, Ran, distinct du sentiment antinomique qui la lie à Jin, le rejoint dans l'aliénation. Vers la folie, donc, les deux sujets se prêtent à une mise en scène sur le jeu du raccord. Le réalisateur s'évertue à un exercice de style périlleux, sans parfaitement l'atteindre par ses imperfections. Cependant l'étrangeté de son approche le conduit à la noirceur des sentiments, insuflant la violence des maux. Ses personnages, parfois dans l'interprétation théâtrale, empreints de leur culture traditionnelle, sont contaminés par la représentation de leur rêves. Ils essaient de s'en défaire, en s'attachant au moment de dormir. Ils choisiront l'auto-destruction comme seule porte de sortie à leur Mal. Kim Ki-Duk choisit l'emprise du rêve comme point de connexion. La dualité d'une situation, formes et symbolisme, a une expression plutôt labyrinthique dans ce dédale de rêves inaboutis. L'emprise de soi, les intérieurs du personnage conduisent à l'emprise des autres. De personnifier les rêves, le jeune garçon et la jeune fille ne forment plus qu'un. Interprétation certes, mais peux t-on percevoir dans les mouvements saccadés de l'image vidéo, une forme de rejets de l'image inculquant la violence par le mouvement ? C'est ainsi, l'image cinématographique débat face à l'image vidéo comme une évocation au genre expérimental. Cette forme de négation du rêve demeure à interprétation unique et individuelle puisque la folie guette nos anti-héros lorsqu'ils se rejoignent dans l'aboutissement de leurs désirs. Jin tente veinement de sauver Ran mais leurs pulsions sont plus fortes. Le papillon les unit, seul lien véritable de leurs formes de rêves. La conséquence d'une particulière similarité mène à l'envers de la ressemblance. Une espèce de boucle sur la nature du rêve les conduit au meurtre. Ce film demeure quelque peu un objet hermétique par le manque d'émotions. La notion de dramaturgie dépasse ici la dimension psychologique des personnages figés dans leur incompréhension. Une idée fait corps, se matérialisant, se réalisant jusqu'à la destruction. Sacrilège de l'image, le langage cinématographique s'approprie une symbolique. Les rêves similaires auraient-ils le même type d'explication tandis que leur inversion tendrai vers leur résolution ? Somnambules, Jin et Ran ne sortent pas de leur histoire, se menottant pour éviter de « commettre l'erreur ». Les acteurs Lee Na-young et Jô Odagiri maîtrisent parfaitement leurs rôles dramatiques. Toutefois « Dream » s'avère être un cauchemar sans issue. Le danger réside dans cette forme de contamination du rêve jusqu'à sa possible transmission. Le réalisateur Kim Ki-Duk choisit un sujet complexe à sa hauteur mais néammoins un peu décevant par certains aspects esthétiques négligés, sous la contrainte d'un traitement véritablement sombre d'un imaginaire personnel.

 

« Premières neiges » de Aida Begic, Bosnie-Herzégovine, Allemagne, France, Iran, 1h39, couleur, 35mm, VO bosniaque. Titre originale « Snijeg ». Avec Zana Marjanovic (Alma), Jasma Ornela Bery (Nadija), Sadzida Setic (Jasmina), Vesna Masic (Safija) et Emir Hadzihafizbegovic (le grand-père). Grand prix de la semaine de de la Critique Cannes 2008. Ouverture du 13ème festival de Sarajevo 2008. Sortie mercredi 8 octobre 2008.

« La neige ne tombe pas pour couvrir la colline, mais pour que chaque animal laisse une trace de son passage. » Cette phrase de l'auteur amorce un film magnifique sur la condition féminine bosniaque après les luttes armées serbes. Bosnie, en 1997, dans une province musulmane de l'est, à Slavno, Alma et sa famille vivent avec quelques habitants dans un hameau détruit par la guerre. Seules les femmes, le grand-père et un petit garçon ont survécu. Chaque jour, elles croient au retour de leurs pères et maris mais c'est un monde qu'elles s'inventent.. Alma et sa famille cueillent les prunes pour les mettre en bocaux sous une photographie sublime. Une gradation de couleurs suivant un spectre chromatique uniforme inscrit la saison d'hiver, aux prémisses de la neige. Couleurs estompées de leur force pour marquer l'empreinte du temps dans l'image, les couleurs vont du blanc au bleu passant par les couleurs chaudes des fruits et du vert magnifique du jardin. Le paradis perdu se révèle comme l'abyme d'un monde dévasté où le futur ne doit pas oublier le passé. Sans violence, ni éclat, le personnage d'Alma, fil conducteur du récit, sous-tend le poids des traditions portant le foulard de sa religion. Dans ses gestes repose un dialogue silencieux sur la douleur et les souffrances sourdes dans la pudicité et le respect de ceux disparus. Alma boit à nouveau à la fontaine, symbole fort de paix, où l'eau apaise son corps et son esprit. Le regard de ces femmes figent les idées en leur temps. Elles portent sur la perte humaine, l'absence puis le manque. Montre arrêtée, temps suspendu, le souvenir demeure. La mémoire doit subsister aux affres du temps. Les réflexions quotidiennes agrémentent celles d'une vie. L'image cristallise, dans l'espace de ses représentations, le symbole d'un jour, d'une éternité. Les portraits de ces femmes incarnent les valeurs d'un peuple attaché à ses fondements et à ses racines. Les saisons passent mais se ressemblent à l'est de l'europe où les conflits n'ont cessé de meurtrir un pays, la Bosnie. Le petit garçon, abyme d'un personnage lacunaire, symbole d'une reconstruction fragile, ne parle pas. Ses cheveux poussent encore. Génération aux prises à sa modernité, la campagne doit s'adapter à la ville pour effacer les stigmates de la guerre. Mais Alma et les habitants de Slavno résistent comme les traces du temps sous le poids de sa mesure. Tableaux iconiques de la vie, scènes du quotidien, jour après jour, une réflexion se tisse à une autre, image après image. Dans l'esprit du jardin d'Eden, l'émotion se concentre sur la sensation. Dans une écriture visuelle et sonore purement cinématographique, le film, empreint de poésie, est un roman filmé comme l'oeuvre d'une tragédie. « Premières neiges » d'Aida Begic a reçu le grand prix de la semaine de la critique au festival de Cannes 2008.

« Je veux voir », écrit et réalisé par Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Liban, France, 2007, couleur, 35 mm, durée 1h15. Avec Catherine Deneuve et Rabih Mroué. Sélection officielle « Un certain Regard » au Festival de Cannes 2008. Sortie mercredi 3 décembre 200.

Après « A perfect day », réalisé en 2005, un projet de film s'impose pour le couple cinéaste libanais lors de la tragédie du conflit israélo-libanais en juillet 2006. Le film débute par cette rencontre remarquable entre la star de Cinéma Catherine Deneuve et l'acteur libanais Rabih Mroué. L'actrice française apparaît en citant ses propres mots « Je veux voir », phrase symbolique pour une icône cinématographique. Filmé de Beyrouth au sud du Liban, le film devient un documentaire proposant un voyage initiatique de l'image du conflit, un an après. Les deux acteurs sillonnent en voiture les régions touchées par la guerre. Quand l'Histoire du Cinéma s'ancre dans l'Histoire, l'image montrée ne peut être une image éphémère. Le temps empreint de ces séquelles stigmatise non plus le conflit mais bien sa représentation. Quand l'éternité de l'Image incarnée par l'Icône Catherine Deneuve et l'acteur Rabih Mroué, rencontre le temps d'une époque de guerre, temps historique, dans une démarche moderne, nos héros sont confrontés à un monde. De leur présence à l'image, le temps du regard insufle un peu de vie et d'espoir à la paix. Que peut leur regard ? Que peut-il nous montrer ? L'impression est forte, l'émotion est grande, palpable à l'image. Champ et contre-champ permettent d'établir ce rapport entre voir et regarder dans la notion de montrer différemment. Les constats de guerre se succèdent dans une situation complexe. Où le danger réel du conflit est permanent, le danger fictif devient celui de montrer mais aussi celui de voir. Catherine Deneuve et Rabih Mroué nous guident sur cette route, image après image, point de connexion dans l'abyme de notre regard. Ainsi le pouvoir de l'image s'exerce sur lui-même. L'emprise est grande tant pour en conserver les fondements mêmes de ce regard simplement posé, de ce regard désormais documentaire. Dans l'espace des représentations, l'horreur devient beau comme pour conserver ses titres esthétiques. La défiguration physique ne doit pas être la défiguration mentale sinon l'espoir peut disparaître. Philosophie de l'image, l'image du conflit existe. S'elle n'existait pas, plus rien ne serait montré et cette peur dans l'absence prendraient le pas sur l'humanité. L'image devient ce symbole de vie et de beauté. Dans l'effet-miroir de l'image, tout le paradoxe réside. Le champ des réflexions s'ouvre tandis que l'image se parle à elle-même comme une conscience de l'image. Le temps n'efface pas les cicatrices du temps. Sur les ruines du passé, le cycle de vie rejoint le cycle de l'Image. Quand l'ère des ressemblances s'effacent sous le poids de ces dissemblances, la fiction rencontre le documentaire, l'imaginaire rencontre le réel. Le regard des stars se figent. La beauté saisissante du visage de Catherine Deneuve saisit l'insaisissable. Cette rencontre improbable entre un monde féerique, imaginaire et un monde à reconstruire nous confirme que la dure réalité du conflit perdure à travers les générations. Que peut le cinéma pour le monde ? Que montre t-il quand il veut voir ? Lui-même est stupéfait de ce qu'il voit, lui-même subit son propre regard. Plus rien ne se maîtrise mais le présent garde secrètement espoir en ces paysages pudiquement retranscrits en portraits. L'éternité d'un regard subsiste. Ce magnifique geste cinématographique s'élève comme un rempart contre l'oubli. Catherine Deneuve peut se dire « J'ai pu voir » à la frontière symbolique.

 

« Dans la vie » de Philippe Faucon, France, 2007, durée 1h13. Avec Sabrina Ben Abdallah, Ariane Jacquot, Zohra Mouffok, Hocine Nini et Philippe Faucon.

Esther, une femme âgée de confession juive est handicapée dans un fauteuil roulant. Elle a besoin d'une assistance à domicile. Elle reçoit les soins de Sélima, une jeune infirmière. D'humeur difficile, elle se sépare de sa garde-malade permanente. Sélima lui propose l'aide de sa mère Halima de confession musulmane. Une grande complicité va naître entre les deux femmes.
Après « Samia » et « La trahison », Philippe Faucon nous parle des communautés religieuses.
Il choisit le regard des femmes pour exprimer les différences liées aux us et coutumes de chaque religion. Le réalisateur met en parallèle l'Histoire. La guerre d'Algérie et le conflit israelo-palestinien sont au coeur du débat. « Comment se voient les musulmans et les juifs qui ont vécu à Alger dans leur jeunesse ? Que faut-il penser des juifs « bombardant » les musulmans au Proche-Orient ?Est-ce péché d'heberger, de s'occuper d'une personne de confession juive ? »
Chaque génération exprime son points de vue sur son choix de vie et sur son rapport au monde. Le film est le lieu de tous ces questionnements. Esther appartient à la communauté juive ainsi que son fils Elie. Halima pratique la religion musulmane, ainsi que toute sa famille. Sa fille Sélima vit dans son époque, respectant les traditions mais sont point de vue est encore différent par rapport à la génération de ses parents. Philippe Faucon opère ainsi les consciences. Le film travaille une pluralité de thèmes à partir de ceux de la religion, du culte et des traditions musulmanes et juives. Les parents de Sélima, Halima et Ali préparent le pélerinage à la Mecque. Ils évoluent dans un milieu populaire tandis qu'Esther et Elie sont issus d'une famille bourgeoise. Quels sont les possibles rapprochements de ces cultures? A travers la rencontre de ces deux femmes, se crée un propos nécessaire où les points communs et les différences dépassent le simple constat d'une société. Emouvant, sur le ton de la comédie, cette fable contemporaine s'inscrit dans une modernité conservant les devoirs du passé. Les actrices Ariane Jacquot qui interprète Esther et Zohra Mouffok qui joue le rôle d'Halima ont une présence incroyable. Sélima interprétée par Sabrina Ben Abdallah est naturelle avec un jeu pétillant de vérité et de justesse. Philippe Faucon se met en scène pour appuyer son discours, et infirmer quelque part sa vision de documentariste sur les questions éthiques et religieuses qui lui sont proches. Il propose une véritable réflexion sur les différences, celles qui ont existé ,celles qui perdurent , essentiellement au travers des femmes qui portent en elles des valeurs universelles. Philippe Faucon a l'art et la manière de s'exprimer au cinéma en une vision résolument intimiste. Il développe son sujet sur le fondement du respect de l'individu. Philippe Faucon se penche à nouveau sur les rapports humains et délivre un véritable message de paix.

 

« Dans la vie » de Philippe Faucon, France, 2007, durée 1h13. Avec Sabrina Ben Abdallah, Ariane Jacquot, Zohra Mouffok, Hocine Nini et Philippe Faucon.

Rencontre avec Philippe Faucon lors de l'avant-première de son film « Dans la vie » au cinéma Les Variétés

Philippe Faucon : « Au début de l'écriture du scénario, nous avions envie avec ma femme Yasmina, de parler de ces femmes qu'elle avait beaucoup fréquentées lorsqu'elle était infirmière. Les patientes avaient l'habitude de l'appeler souvent. Elle se rendait compte de ça. Elles avaient ce besoin particulier. Ces femmes venaient du Maroc, de Tunisie et d'Alger. Elles recommençaient des vies à des âges matures, dans des pays où elles ne connaissaient pas forcément les codes. Elles avaient des reproches à faire par rapport à l'Histoire. Leurs points communs viennent du fait qu'elles ont recommencé leur vie. Dans cette nouvelle vie, elles ont élevé des enfants et ont construit une famille. Pour ma femme et moi, l'envie est venue de parler de ces femmes. Ceux sont de vrais personnages qui peuvent exister. Au moment où le film s'est fait, vers 2002, quelque chose de très réactif est venu par rapport à ce qui se passait durant le conflit Israelo-Palestinien. Il y avait des résonnances et des échos. Dans ce projet, c'était dans le climat. Jusqu'à aujourd'hui, on voulait, sans rapport didactique, incruster le conflit dans le film. Cela est toujours évoqué dans la subjectivité des personnages, dans l'assimilation et la dérision de soi-même, dans le rêve. Je voulais faire appel à une proximité avec les personnages réels. Je voulais une connaissance intuitive. Il s'agissait de donner une densité au personnage, lui donner une épaisseur à l'écran. Il fallait incarner les personnages à l'image. J'aime beaucoup le moment où Halima fait la cuisine à Esther. Le parti pris, à l'allure de fable, est de montrer cette rencontre. Ces deux femmes sont dans les marches du monde. De leur vie accomplie, ceux sont deux solitudes, deux isolements qui se rencontrent. Elles ont cette énergie nouvelle. Ceux sont des personnages qui sont en train de vivre des petits moments de la vie, dans l'échange et le plaisir. Le film est plutôt un conte mais pas dans le sens moraliste. Dans la vie, ceux sont des personnages dans leurs certitudes, dans leurs mouvements, en pleine vitalité. Esther et Halima se rendent compte qu'il n'est pas trop tard pour elles de vivre de petites choses. Le message arrive, passe quand on réussit à faire exister les personnages parce que les personnages existent. Dans le scénario écrit, il y a des moments, des instants vrais dans le film parce que certaines choses sont réellement arrivées. Le film est fait à partir de faits réels et de vrais dialogues.»

 

« En la ciudad de Sylvia », de José Luis Guerin, 2007, Espagne, drame, durée 1h24, avec Pilar Lopez de Ayala et Xavier Lafitte. Scénario de José Luis Guerin. Sélection officielle à la Mostra de Venise 2007. Sortie officielle le mercredi 10 septembre 2008.

 

Un jeune homme, dans sa chambre d'hôtel, pense, carnet à la main. Sur la table, un plan de la ville, une carte « Les Aviateurs ».. Ce portrait d'un jeune artiste annonce source de réflexions sur cette histoire où peu d'éléments mais sûrement l'essentiel se joue : L'Amour. Les extérieurs filmées sont ceux d'une ville inconnue, qu'on ne peut reconnaître au prime abord. Le nom de l'hôtel est Patricia faisant écho avec la jeune fille recherchée Sylvia. Il se rend à la terrasse extérieure du café de l'Ecole Supérieure d'Art Dramatique. Il dessine, sur son carnet de croquis, le visage d'une femme. Il inscrit «Dans la ville de Sylvia », annonçant celle qu'il veut revoir, depuis ce matin-là. Il cherche autour de lui sa présence.. Le réalisateur José Luis Guerin nous introduit dans l'histoire de ce personnage, avec une séquence remarquable dont la mise en scène est digne d'un ballet chorégraphique où chaque élément sonore s'assimile et s'associe à l'image. Le cinéaste nous fait partager, suivant plusieurs points de vue, la vie autour du jeune homme, les clients du café. Cette mise en scène peut nous faire penser au début du film « l'année dernière à Marienbad » d'Alain Resnais, pour le détachement du regard sur chaque personnage et notre attention particulière à s'arrêter étrangement sur un geste, une parole, un son. Chaque source visuelle et sonore, dans cet espace réduit, est exploitée pour faire corps et devenir en soi le fil conducteur de l'intrigue. Dans la contemplation et l'observation, le travail du cinéaste se précise par l'anonymat des rues, des voies, des personnages qui se promènent et vivent dans ce quartier. C'est un monde proche de celui des artistes impressionnistes et notamment d'un certain réalisme, en pensant aux premiers films d'Eric Rohmer « La boulangère de Monceau » ou encore « La carrière de Suzanne ». La bande-son fait référence aux sons naturalistes-véristes c'est-à-dire à toutes sources sonores naturelles concentrées dans le champ et, parfois, dont le hors-champ devient lui-même contre-champ. Une partition composée de sons multiples, de sources diverses, les bruits de pas dans la rue, le son des vélos et du tramway orchestre le silence. Le tramway, transport terreste, décrit un parcours rectiligne, en une voie horizontale. Dans ce monde, un jeune artiste est en quête d'une jeune femme rencontrée quelques années auparavant. A sa mémoire ressurgit sa présence, quelque part, proche de lui. Il cherche son image, dans une démarche intimiste et individualiste. Au fil des rencontres, les chemins de vie se côtoient dans un langage universel. Les plans étroits des rues créent un contexte mais décontextualise le lieu par son caractère neutre, avec la seule référence du monde urbain. Le son dans un souci permanent d'esthétisme sonore, accompagne la quête de ce jeune homme. Ces bruits, ces sons sont ceux que la ville, dans son battement incessant, nous laisse entendre. Le cinéaste José Luis Guerin les traduit en notes musicales et compose une partition où le dialogue demeure minimal au profit de la contemplation et de la recherche esthétique. Le jeu cinématographique des apparences et des ressemblances se joue suivant cette orchestration du silence. La quête d'un amour perdu se dessine au travers de cette fable cinématographique contemporaine.

 

Voici quelques propos recueillis du réalisateur José Luis Guerin, lors du festival de cinéma espagnol Cine Horizontes, au Cinéma « Les Variétés » :

 

« C'est un peu le mythe du chevalier en quête de sa princesse, comme au temps du Moyen-Age. J'ai travaillé sur le support de la Ville. La bande sonore très importante, dans ce film, est en rapport étroit avec l'image. Une partie de la prise de son a été faite dans le quartier de Noailles, à Marseille. J'aime le cinéma de Eric Von Stroheim et celui de Murnau pour leur direction, leur mise en scène importante de chaque détail à l'image. Le film s'est réalisé dans la ville de Strasbourg par choix mais cela aurait pu être une autre ville. Ce qui compte c'est la ville en elle-même comme ses rues et son tramway. J'ai réalisé ce long-métrage en 16 mm. Pour moi, le cinéma, c'est celui des frères Lumières où seule la direction à l'image compte. Le film « En la ciudad de Sylvia » est une fable. Nous ne connaissons pas la vie, ni le contexte de nos personnages. C'est une chorégraphie parfaite qui est dûe à la relation entre l'image et le son. J'ai étudié la ville à partir d'un travail d'observations. Je raconte une histoire. Le silence est un contre-point dialectique. Nous sommes dans la rêverie. Je déteste l'utilisation de la musique dans le cinéma. Je préfère faire de la musique avec les sons. Robert Bresson a dit: « Le cinéma sonore a inventé le silence ». Etre cinéaste, pour moi, c'est comme écrire et lire. »

 

« AU VOLEUR » de Sarah Léonor (France, drame, durée1h36) Avec Guillaume Depardieu, Florence Loiret-Caille et Jacques Nolot

Sélection Officielle Festival International du Film de Locarno 2009

 

« Saisir l'instinct, saisir l'instant.. »


Une histoire d'amour se décline.. Temps figé dans l'image, les instants se traduisent avec humilité et justesse. Les dialogues exultent sous le poids d'un silence accablant de vérité. La diégèse du film rejoint le récit. Elle se construit suivant cette notion atemporelle de l'instant choisi, cette part de vécu dans la fiction. Cette discontinuité temporelle, en ces cristaux du temps, repose sur la continuité de la force et de l'élan des personnages. Le couple Isabelle et Bruno se l'approprient pour vivre cet ultime voyage, ce parcours de liberté. Leur conviction propre est de se fier à eux-mêmes là où l'instinct humain se confond à l'instinct cinématographique. Des forces traversent inexorablement l'écran. Ce cadre délimité fait oublier le hors-champ puis le hors-cadre tant l'action est concentrée au coeur de cette image intense. Le vécu des personnages se compose en de furtifs moments de joie, de rires mais aussi de peur et de doutes. Suivant un rythme soutenu, Florence Loiret-Caille et Guillaume Depardieu maîtrisent les dialogues écrits du scénario sans improvisation pour une rencontre passionnelle entre deux acteurs confirmés. Le jeu d'interprétation se suffit à lui-même, en ce sens, il suffit a l'image qui délimite désormais l'espace de mise en situation scénique. Exclus, inexistants d'une réalité, les personnages apparraîssent au vrai jour de leur dimension fictive. Ils évoluent dans une réalité qu'ils dépassent dont ils n'en sont plus dépasser. Leurs personnalités brutes à l'état latent, état d'attente, se heurtent lors d'une rencontre imprévue. Une histoire d'amour s'en détache comme rempart à leur déchéance. Par leur charisme, les acteurs jouent admirablement leurs rôles côtoyant leur propre humanité. L'essentiel se dit et transparaît dans un espace où l'action se joue indubitablement. Leurs doutes confirment cette envie de fuir, pour l'abandon des chaînes. Isabelle vit dans l'ombre d'elle-même par son inexistence. Bruno, lui, est hors la loi à travers son existence. Personnages abîmés par le temps, leur rencontre formalise ce passage de l'opacité a la lumière, référence formelle au cinéma muet. De l'état de corps absent pour Isabelle et de l'état de corps délinquant pour Bruno, ils se découvrent ensemble à l'état de corps sauvage et de corps nature. Pour une nouvelle vie, échapper au réel, dans une dimension onirique, Isabelle et Bruno sont ces personnages de contes de fées. Leur rencontre reflète cette impossibilité de statut et de vie dans la société parce qu'elle rejette la marginalité ou la rend destructible. Dans la notion de couple s'inscrit celle d'amour défendu, sous le poids du péché, pour mieux se défaire de cette corruption. L'évolution du couple prouve une part d'acceptation de soi au détriment de celle de la société. Elle confronte les femmes et les hommes à leur propre nature pour bien vivre. La force vectorielle du film réside ainsi en la présence des acteurs à l'image. Leurs visages et leurs corps embrasent la toile cinématographique. L'intrigue peut faire penser à « L'aurore » de Murnau cousu par un fil de suspense. Le temps de l'acteur remplace ainsi le temps de l'image. Dans la circulation des personnages, le jeu d'échanges et de rencontres évolue dans une mise en scène proprement cinématographique. De ruptures en conséquences désormais palpables, l'expression de l'acteur est celui du pantomime. Sarah Léonor réussit à faire vivre des personnages dans des mondes qu'ils fabriquent eux mêmes. Ils se définissent dans leur libertés par leur propre raison dans la déraison. Forces contradictoires ou dualité, un principe même du modernisme crée cet effet de réel dans une réalité. Le décalage se ressent, où l'effet de réel se calque: Comment ces personnages restent eux- mêmes dans l'acte de survie, face à une réalité qui les rattrape ? Coup de chapeau pour l'interprétation de Bruno qui reflète le talent et le charisme de l'acteur Guillaume Depardieu en pensant notamment à Michel Simon. La force se traduit ainsi par saisir cet instant qui révèle l'acteur dans l'image au travers de sa composition dont les limites ne cessent d'être repoussées. Du minimalisme des dialogues au silence présent en toile de fond, un cri de liberté s'échappe dans l'atemporalité de la prise. D'une photographie soignée, teintant vers ce bleu-nuit, couleur d'une porte bleue, celle que l'on pousse pour entrer dans le film, « Au voleur » est une histoire d'amour qui perdure dans la dérive sociétaire par cette envie d'exister. Empreints de références du film noir au personnage du cinéma moderne, mélange de genres abruptes, le ressenti est palpable. De cette rencontre entre Isabelle et Bruno, à leur fuite inexorablement tragique, dans la notion d'instantané, se dessinent ainsi des portraits d'acteurs dans une dimension impressionnante. La réalisatrice Sarah Léonor détecte dans l'image l'essence même de son histoire.



« Didine » de Vincent Dietschy, France, durée 1h43. Avec Géraldine Pailhas, Christopher Thompson, Julie Ferrier, Benjamin Biolay, Edith Scob, Elodie Bollée, Isabelle Sadoyan, Dany Benedito et Pio Marmai.

 

Tout le monde surnomme Alexandrine Langlois « Didine ».. C'est une belle femme de 35 ans aux grands yeux et au sourire malicieux. Didine va voir son amie Murielle à l'hôpital. Une personne âgée Madeleine, dans le lit d'à côté, a deux nounours. A son départ, celle-ci en oublie un. Didine se renseigne et rapporte l'ourson à l'association pour personnes âgées dont dépend Madeleine. Elle décide d'adhérer à l'organisme pour aider les personnes âgées dans la solitude. Murielle, pendant ce temps là, continue de sortir avec François. Nicolas est le neveu de Mme Mirepoix. Cette dame âgée semble insupportable et réfractaire. Didine lui rend visite tous les mercredis puis tous les samedis pour Nicolas..Vincent Dietschy réalise son troisième long-métrage après « Cette nuit » en 1997 et « Julie est amoureuse » en 1998. Il co-écrit le scénario avec Anne Le Ny. Il dresse,en ce film, le portrait d'une jeune femme moderne et libérée de surcroît au grand coeur interprétée par l'actrice Géraldine Pailhas. Sur le ton de la comédie légère, rien n'y paraît et pourtant Didine, présente à chaque plan, est bel et bien notre fil conducteur. Elle se laisse porter par ses rencontres et semble vivre au jour le jour. Rayonnante, elle aime la vie et se met au service des personnes agées. Les acteurs professionnels cotoîent sans dissonance les acteurs non professionnels. Géraldine Pailhas crève l'écran de sa jeunesse et de sa vitalité. Benjamin Biolay est prometteur dans le rôle de François. Sur une mise en scène de fil en aiguille, Didine fait son chemin, sa vie de trentenaire, naturellement ouverte aux autres et à ses proches. C'est pourquoi elle rencontre l'amour en la personne de Nicolas pour qui elle craque mais..Dans des situations plutôt cocaces, drôles et sincères, Vincent Dietschy nous propose un moment frais de divertissement où la vie de tous les jours s'affirme à l'écran. Le film débute comme il se termine peut-être pour nous offrir une tranche de vie au Cinéma. Géraldine Pailhas réussit sa performance d'actrice dans cette histoire à rebondissements. Elle incarne cette femme entière, intègre, honnête « qui ne supporte pas le mensonge ». Dans un souci de simplicité et de réalisme, des thèmes actuels sont abordés comme la jeunesse et la vieillesse, la beauté, l'amitié et l'amour. Sous une photographie lumineuse et claire, le dynamisme de Didine nous fait croire en toutes ses histoires, surtout ses histoires d'amour. Un film simple pour tous les âges.

 

« Les bureaux de Dieu » de Claire Simon, France, 2007, comédie dramatique, couleur, 35 mm scope, Dolby SRD, 2h02

Avec Nicole Garcia, Nathalie Baye, Anne Alvaro, Rachida Brakni, Isabelle Carré, Béatrice Dalle, Emmanuel Mouret et Michel Boujenah

Prix SACD, Quinzaine des réalisateurs, Festival de Cannes 2008

 

Dans un planning familial, les conseillères Denise, Anne, Marta, Yasmine et Milena accueillent et écoutent les femmes face à leur problème lié à leur vie sexuelle. Djamila aimerait prendre la pilule parce que c'est sérieux avec son copain. La mère de Zoé lui donne des préservatifs mais la traite de prostituée. Maria Angela aimerait savoir de qui elle est enceinte. Adeline aurait souhaité garder l'enfant. Autant de portraits de femmes qui se succèdent dans les Bureaux de Dieu.. La réalisatrice confirme ses talents de metteur en scène par la direction de stars du Cinéma en un casting impressionnant. Chaque actrice maîtrise son texte désormais support pédagogique d'une pensée commune. L'envers du décor est au goût du jour de l'émancipation. Comment se transmet l'héritage des luttes des femmes sans désormais dans le militantisme mais bien dans l'acception de soi et dans celle des autres ? Dans cette liberté inconditionnelle, se jouent les destins portés les uns par les autres dans la solidarité et l'échange, dans le partage. Donner la vie ? se protéger mais s'aimer ? Qu'est-ce-que la pilule de nos jours ? Comment avorter ? Les relations interpersonnelles s'interrogent sur les rapports humains les plus intimes dans une perspective de débat contemporain. Les solutions ne sont pas infaillibles dans la vie sexuelle. Comment use t-on de nos libertés sexuelles ? Comment les met-on en pratique ? Claire Simon capture des fragments de vérité et traduit en fiction un monde privé. Sourires, rires, larmes de peine ou larmes de joie, le planning familial existe pour celles et ceux qui éprouvent le besoin de s'y référer quand la famille, les amis ou encore la médecine ne peuvent intervenir. Au-delà des préventions, un autre cadre s'inscrit dans le cadre sociologique avec ce jeu psychologique des questions et des réponses. Chaque problème est à part mais ce qui se conserve demeure bel et bien cette écoute permanente, quotidienne, indispensable aux yeux de milliers de femmes. Le film conçu comme un documentaire, à partir de vrais témoignages, propose leur théâtralisation dans un cadre filmique. Claire Simon rend vivant la sexualité comme un rempart aux tabous. Corps et langage font figures d'écoute du monde symboliquement en rapport avec le pouvoir du silence. Premier plan du générique, l'ascenseur monte, étape obligée avant de parler, d'entrer dans un monde clos où l'anonymat est de mise. La fiction plutôt que le documentaire immortalise désormais l'atemporalité des relations humaines là où il n'y a pas de fin en soi quelque soient les évolutions. D'une démarche individuelle s'établit la visibilité d'une démarche collective grâce à un monde de représentations. Un coup de chapeau pour un film féministe charnière d'une époque en réflexion sur soi. « J'ai envie de peindre toutes les femmes que j'ai vu au planning. Les conseillères par celles qui viennent les consulter seraient donc à la fois distantes comme des professionnelles et impressionnantes en tant que modèles de femmes libres. » de Claire Simon.

 

« L'heure d'été » d' Olivier Assayas, France, 2008, durée 1h40
Avec Juliette Binoche, Charles Berling, Jérémie Rénier, Edith Scob, Dominique Reymond, Valérie Bonneton, Isabelle Sadoyan, Kyle Eastwood, Alice de Lencquesaing et Emile Berling.

 

A l'heure d'été, dans la magnifique maison du Valmondois, les enfants Frédéric, Adrienne et Jérémie ainsi que leurs enfants se réunissent pour l'anniversaire des 75 ans de leur grand-mère Hélène. Elle a consacré sa vie à l'oeuvre de son oncle le peintre Paul Berthier et de ses acquisitions. Elle se confie à Frédéric, le fils aîné. Il lui importe de conserver les oeuvres d'art mais émet l'hypothèse de les léguer au Musée d'Orsay. Quelques mois plus tard, sa disparition pose la délicate question de l'héritage familial. Charles Berling est Frédéric, professeur d'économie. Il vit avec sa femme Lisa et ses deux enfants Sylvie et Pierre, à Paris. Il est très affecté par le décès de sa mère et trouve légitime de conserver la maison. Juliette Binoche interprète Adrienne, la jeune femme moderne, partie faire une carrière artistique aux Etats-Unis. Elle confectionne des objets pour une marque de design. Jérémie Rénier joue le rôle de Jérémie, responsable technique d'une grande entreprise en Asie. Marié et père de trois enfants, il ne pense qu'à sa carrière liée aux évolutions fulgurantes de l'économie mondiale. Ceux sont les descendants d'Hélène Berthier, nièce et muse inspiratrice du peintre impressionniste Paul Berthier. la grande demeure familiale du Valmondois regorge de pièces de collection et d'oeuvres d'art, accumulés au fil du xxème siècle. Ceux sont entre autres des oeuvres de Felix Bracquemond, Jean-Baptiste Corot ou encore Edgar Degas. Cette maison est véritablement lieu de mémoire familial et de savoir artistique. Frédéric, Adrienne et Jérémie affirment leurs convictions, leurs points de vue sur la succession familiale mais cependant leurs positions restent personnelles.
Paul Berthier, artiste au combien imaginable s'incrit dans la perdurance du courant impressionniste. Acteur immortel et ombre du courant artistique du début du xxème siècle, il est quelque part le peintre inconnu, celui qui ne fut pas nommé par la chronique artisitique. Il est l'oncle d'Hélène, héritière d'un patrimoine artistique à l'étude aujourd'hui. Notre siècle passé figure l'initiation des mouvements de l'art contemporain. Notre société actuelle étudie les siècles passés pour mieux les interroger de leurs concepts et de leurs vérités, savoir quels en sont aujourd'hui les intérêts artistiques. Le peintre Paul Berthier serait, suivant le réalisateur Olivier Assayas, le peintre de la clarté de la région Ile de France. Le patrimoine de très grande valeur devient cette mémoire commune, à la disparition d'Hélène. Le réalisateur travaille la psychologie des personnages préfèrant peut-être les filmer au détriment des oeuvres. Charles Berling aux cotés de Juliette Binoche et Jérémie Rénier sont des personnages au plus proche d'un certain réalisme, d'une certaine vérité. Ils pourraient réellement existés. Chacun, dans leur grand jeu d'acteur, donne le ton sans fausse note, en des interprétations d'une justesse et d'une vérité profonde. Chacun s'influence, chacun a son parti pris. Les positions se divisent au profit d'une solution. Le choix d'Olivier Assayas est de construire son approche sur l'individualité. Il capte avant tout la présence et l'énergie de ces personnages au travers de leurs personnalités et de leurs charismes. Il propose des points de vues narratifs et des pistes de réflexions sur les notions de descendance et d'héritage en accord avec notre ère. Mouvements et forces à l'image, la vie se trouve dans les moindres détails. Le réalisateur saisit l'instant dans un temps imparti. Il choisit ainsi de peindre des personnages ancrés dans leur réalité. Malgré les liens du sang, leurs positions respectives posent une problématique. Dans la démarche de conservation du patrimoine, Frédéric, Adrienne et Jérémie vivent l'affiliation comme cette obligation, cette pensée qui traverse indubitablement l'existence. Le pouvoir sur notre passé reste cet exercice délicat de conscience. Se confondent et s'interpellent raisons et sentiments, passion et vécu, et somme toute interrogation sur l'avenir. Passage obligé vers une ère de modernité et d'économie poussée, vraie ou fausse culpabilité, les personnages savent pourquoi ils se défont de leurs biens matériels qui se trouvent être des oeuvres d'art appartenant à l'histoire du XXème siècle. Ainsi peut se dénoter la question entre collection privée et collection public. Le cinéaste choisit un axe qui s'inscrit dans notre époque faste, en perpétuel mouvement sur son devenir. Biensûr existe la possibilité de s'en défaire comme un drame. Mais Olivier Assayas s'incline en se posant les questions essentielles face à la transmission et ces possibles solutions. De génération en génération, il décrit les doutes et les incertitudes face aux liens invisibles qui unissent chacun des personnages à leur patrimoine et de ce fait à leur histoire. De ce regard de l'avenir vers le passé, nait un véritable propos sur la transmission.

« XXY » de Lucia Puenzo, Argentine, Espagne, France, durée 1h31. Avec Ines Efron, Martin Piroyansky, Valeria Bertuccelli, Ricardo Darin, German Palacios et Carolina Peleritti. Grand Prix de la semaine de la Critique Cannes 2007

 

Au bord d'une plage, sur la côte uruguayenne, Alex, une adolescente de 15 ans, porte un secret.
Son père Kraken , biologiste travaille sur les espèces marines notamment les tortues de mer.
Les parents reçoivent des invités Erika et Ramiro dont leur fils Alvaro, 16 ans, attire la curiosité d'Alex... La jeune réalisatrice argentine Lucia Puenzo signe son premier film. Elle adapte librement le conte « Cinismo » de l'écrivain argentin Sergio Bizzio. Elle travaille ici un thème complexe celui de l'hermaphrodisme souvent cité comme « une ambiguité génitale ». Elle aborde ainsi le pluralisme des thèmes sur la sexualité au travers de ce thème rarement traité au Cinéma. Dès l'adolescence, les questionnements se recoupent sans savoir quel comportement adopté face à cette dualité entre « être un homme » ou « être une femme ». Le portrait intimiste d'Alex est dépeint avec une pudeur somme toute particulière à son contexte scientifique, entre le monde biologique et le monde médical.
D'après une magnifique photographie, la lumière tend vers le bleu, entre ciel et mer. Le regard d'Alex se confond dans ces variations de couleur. Le récit filmique s'impose de façon remarquable dans un rythme lent, soutenu ouvrant le champ des réflexions à partir de ce thème. Le rythme s'accorde encore à la narration du film sous la gravité et le poids de la loi du silence. Partie de la caméra vers la plage, cette scène symbolise l'instant où Alex n'est plus seulement celle qui est filmée mais celle qui nous montre sa propre vie. Ce qui arrive à Alex ressemble à ce que nous voyons. Ceux sont les traits marqués d'une jeune hermaphrodite en proie à ses doutes, ses peurs, ses angoisses face à un avenir indéfini. Kraken et Suli ont toujours caché leur fille. La rencontre entre Alex et Alvaro déclenche le désir sexuel et révèle les sexualités. Les métaphores , les métonymies sont autant de figures de style nécessaires à caractériser cet hyperbole de l'être conscient. La révolte d'Alex, l'incompréhension autour d 'elle sont autant d'obstacles à son évolution. « la statistique est de trois pour mille » pour une naissance d'une personne hermaphrodite. La fatalité suspendue au bord du visage enigmatique d'Alex se dessine en une ébauche magnifiquement réalisée. Les plans sans fausse pudeur décrivant les formes d'indifférence, de différences et de violence donne à voir et à entendre le caché puis le révélé. « Quelque chose de spéciale » s'écrie Alex. L'adolescente est jeune pour tout comprendre d'elle, pourtant la rencontre amoureuse avec Alvaro la pousse à s'ouvrir sur elle-même. Le sujet porteur de réflexions sur nos choix sexuels est une véritable source de questionnements sur la condition sexuelle de chacun. Le film nous permet une réflexivité permanente à partir du thème de l'hermaphrodisme. Lucia Puenzo esquisse une jeune hermaphrodite avec la possibilité d'une identité intersexuelle définitive. La réalisatrice ouvre le débat, en nous offrant son regard sur la délicate question de l'hermaphrodisme, difficile à traiter aux dépends de l'indifférence et somme toute novatrice dans le cinéma contemporain qui ne cesse d'explorer toutes les differences. « La quête de l'identité, sexuelle ou non est primordiale dans la vie de chacun. » de Lucia Puenzo.

 

« La graine et le mulet » de Abdellatif Kechiche, France, 2h31
Avec Habib Boufares (Monsieur Slimane Beiji), Hafsia Herzi (Rym), Faridah Benkhetache (Karima), Abdelhamid Aktouche (Hamid), Bouraouia Marzouk (Souad), Alice Houri (Julia), Lilia d'Issernio (Lilia)


Sur les quais du port de Sète, Slimane, proche de la retraite, est licencié de son travail. Divorcé d'une famille nombreuse, il vit à l'hôtel ou il entretient une relation avec la directrice. La fille de celle-ci, Rym voit le désespoir de Slimane. Toute la famille Beiji se solidarise pour s'unir au projet de Slimane porté par Rym...
Dans le souci permanent d'expressivité, dans l'introspection des regards, le cinéaste Abdellatif Kechiche nous raconte une fable résolument contemporaine avec beaucoup d'humanisme. Les personnages dépeignent une société actuelle. L'histoire narrée est celle d'un conte dont la trame narrative de composition classique contraste avec la modernité véhiculée par les dialogues. Le titre se révèle à nous dans le plus grand dynamisme du réalisateur. L'échange et le partage se retranscrivent grâce à l'efficacité d'une mise en scène propre au cinéaste. Il nous convie à réfléchir à une multiplicité de thèmes contemporains: La jeunesse, la vieillesse, les difficultés sociales, le monde du travail, la culture, la religion.. De gros plans nous rappelle toute l'humanité d'une expression. Ils travaillent cette intimité dans un paysage urbain. Le cinéma d'Abdellatif Kechiche part de sa caméra vers cet intimisme comme le pouvoir de montrer l'invisible et l'intraduisible. Dialoguiste de son temps, sans mot ni thème tabous, cette émouvante histoire est interprétée par des acteurs non professionnels, remarquables dans leurs jeux aux limites de l'improvisation. L'écriture peut nous évoquer certains auteurs notamment Raymond Queneau dans son livre « Loin de Rueil ». Slimane porte le récit en son temps ainsi que le sublime personnage de Rym. Nous palpons dans certaines séquences ce trou entre le réel et la réalité. L'intrigue se nourrit de ces personnages . Le cinéaste nous offre vérita- blement chaleur et humanité. « La graine et le mulet » nous surprend agréablement pour sa fraîcheur, sa fugace énergie. Un film à découvrir sur grand écran, proche ici du Cinéma d'un certain Robert Guédiguian. Abdellatif Kechiche continue sa carrière sans faute, mais « est-ce la faute à Voltaire ? »


Prix Marcello Mastroianni de la Jeune Actrice, Prix de la Critique Internationale et Prix spécial du Jury à la 64ème Mostra de Venise - Prix Louis Delluc 2007

« TICKETS » réalisé par Ermanno Olmi, Abbas Kariostami et Ken Loach - 1h55, 35mm, couleur, produit en 2005, Iran, Italie et Grande Bretagne
Scénario : Ermanno Olmi, Abbas Kiarostami et Paul Laverty le co-scénariste de Ken Loach

 

Distribution artistique :


Carlo Delle Piane: Le professeur de Pharmacologie
Valéria Bruni Tedeschi: Sabine, la jeune assistante du professeur
Silvana De Santis: La veuve du Général de Guerre
Filippo Trojano: Filippo, le jeune militaire de l'armée civile
Martin Compston: Jamesy
William Ruane: Franck
Gary Maitland: Spationaute
Blerta Cahani: La jeune femme et la grande soeur albanaise
Klajdi Qorrai: Le jeune adolescent et le jeune frère albanais
Sanije Dedja: La grand mère albanaise
Aishe Gjuriqi: La mère albanaise

 

Les trois directeurs de la photographie des trois réalisateurs :
Chris Menges pour Ken Loach. Il a travaillé sur l'ensemble de la filmographie de Ken Loach
Fabio Olmi pour Ermanno Olmi. Il est le fils d'Ermanno Olmi
Mahmud Kalari pour Abbas Kiarostami. Il a travaillé sur de nombreux films d'Abbas Kiarostami

Compositeur: George Fenton
Musique: Chopin – le chant des supporters Celtics
Monteur: Babak Karimi. C'est son premier film au montage et Jonathan Morris Monteur de l'ensemble des films des années 90 de Ken Loach notamment «  Le vent se lève », Palme d'or 2006

 

« TICKETS » a été présenté en compétition au Festival International de Berlin de 2005 - Première sortie internationale le 24 août 2005

Sortie le 28 novembre 2007 en France

 

Le film « Tickets » est réalisé par trois virtuoses de la mise en scène, représentatifs de leur Cinéma, le réalisateur Ermanno Olmi, cinéaste italien indépendant , comparé parfois à Robert Bresson, le réalisateur Abbas Kiarostami , cinéaste iranien par excellence, et Ken Loach cinéaste britannique pour un cinéma social et engagé. Trois humanistes de cinéma d'inspiration certes différente nous offrent leurs pierres à l'édifice du cinéma réaliste et social. Chaque réalisateur, connu et reconnu dans leurs pays respectifs et à travers le monde, dans leur engagement au travers de leur carrière cinématographique, nous propose, à travers le film, « Tickets » leurs visions respectives du cinéma à partir d'un scénario qu'ils ont eux-mêmes co-écrits vers une même problématique, celle, d'une part, des droits et des devoirs des citoyens et d'autre part, des inégalités sociales et économiques qui régissent nos sociétés actuelles sous la vigilance des autorités gouvernementales. « Tickets » s'inscrit dans le genre de film de société. Dans un souci de perfectionnisme, les trois cinéastes mettent en scène une histoire qui les rend reconnaissable et définissable dans leur style cinématographique. Ces trois grands cinémas s'unissent pour une approche très réaliste d'un monde en pleine mutation économique et politique où les restrictions et les contraintes ne s'effacent que sous le poids des réflexions mises en abyme. Ce film, nouvellement à vocation humaniste, nous propulse au coeur des difficultés de notre société occidentale, celle que nous côtoyons tous les jours et nous responsabilise face à nos devoirs de citoyens et mais aussi en tant qu'êtres humains.
Un espace, un train qui devient l'unique cadre , où le hors champ s'approprie le jeu de la mise en scène. Fidèles à leur vocation cinématographique et leur engagement de metteur en scène, Ermanno Olmi, Abbas Kiarostami puis Ken Loach se suivent respectivement dans la fabrication de cette histoire. Nous ne sommes pas dans l'assemblage de courts-métrages. Nous assistons à un vrai travail de collaboration et de rigueur face à une histoire riche en rencontres et en rebondissements parfois burlesques. Un train part de la gare d'Insbruck, en Allemagne, en direction de Rome, en Italie, passant par toutes les étapes du voyage. De nuit, au départ, le trajet durera plus d'une demie journée. De rencontre en rencontre, nos personnages vont se cotoyer, échanger, apprendre à se connaître, s'alternant tour à tour de personnages principaux en personnages secondaires. Ce voyage n'est pas celui du livre « Wagon-lit » de Joseph Kessel ou bien plus symboliquement du livre « Voyage dans la nuit » de Céline. « Tickets » oscillant entre comédie et drame est avant tout un film où s'unissent trois illustres réalisateurs dans un temps précis. Toute la difficulté du film réside dans la passation de la mise en scène de l'histoire d'un réalisateur à un autre. Chacun des voyageurs a sa propre histoire à raconter et jouent un rôle déterminant , suivant des raccords sur chacun des protagonistes de l'histoire qui nous parlent d'eux, de leurs impressions à se rencontrer mais aussi de leurs regards sur le monde qui les entoure. Les passagers singuliers se révèlent avec leur spécificité à être à bord de ce train. Nous les découvrons sous l'oeil des trois grands cinéastes proches de leurs cinémas par leur adaptation à cette contrainte de l'espace qui n'en est plus une puisque chacun des personnages interagissent et se répondent en allemand, en italien et en anglais dans une approche ironique où il est possible de se comprendre par delà les différences. Le film « Tickets » porte particulièrement bien son nom, fil conducteur du film, confirmant la position individualiste de la société, dans une approche situationniste, qui, d'un côté, nous sommes d'être libre de nous-mêmes, tous logés à la même enseigne et d'un autre côté nous distingue par nos différences les plus personnelles. Chaque personnage a un objectif dans ces compartiments voyageurs. Reflet et miroir d'une société qui s'engage et se solidarise de plus en plus. Dans cet espace, cette histoire nous fait réfléchir, nous questionne sur notre propre statut et notre rôle à jouer dans une société désormais aux frontières ouvertes.
L'onirisme d'Ermanno Olmi traduit une romance doucement rêvée, oscillant sur les thèmes entre jeunesse et vieillesse, force et vitalité. Une histoire d'amour impossible se joue le temps d'un rêve. Le réalisme d' Abbas Kiarostami travaille le comique de situation, la spontanéité et le semblable de l'improvisation. Fidèle à lui-même, celui-ci filme sans contre champ, face caméra, rappelant nombre de ses oeuvres. Il nous évoque parallèlement ces rencontres que nous suggèrent le destin. Ken Loach, fidèle à son cinéma social et revendicatif, s'engage à résoudre l'intrigue dans une fin heureuse malgré les différences. Le film, orchestré de main de maître du cinéma nous transporte dans un voyage peu ordinaire où la moindre singularité nous ramène à un vécu. Un voyage dans un train convie les passagers à se voir , à nouer des liens parfois non conventionnels mais toujours très proche d'une certaine réalité, une réalité palpable au coeur de notre actualité. Conservant l'espace, le lieu, le cadre, les personnages, chaque réalisateur, successivement Ermanno Olmi, Abbas Kiarostami et Ken Loach s'appliquent dans un travail de composition à mettre en perspective des points de vue différents de ce voyage, respectant la continuité diégétique. Le discours du film questionne une problématique liée à l'actualité, en notre époque, celle délicate des réfugiés, dans la pauvreté, qui doivent se réunir en famille. Les parties indissociables réalisées respectivement par Olmi, Kiarostami et Loach sous tendent des intrigues qui s'imbriquent par les raccords sur les personnages, ceux-là mêmes qui se croisent et échangent le temps d'un voyage à bord d'un train.

« Calle Sante Fe » Documentaire écrit et réalisé par Carmen Castillo, France, durée 2h43.
Sélection officielle Un Certain Regard, Festival de Cannes 2007 - Sélection FID Marseille 2007- Prix du Public Long Métrage du Festival de Gardanne 2007


Rue Sante Fe, dans les faubourgs de Santiago du Chili, le 5 octobre 1974, Miguel Enriquez, secrétaire général du parti du MIR, Movimiento Izquierda Revolucionaria, est tué à son domicile. Sa compagne Carmen Castillo est gravement blessée.


Carmen Castillo nous propose à travers ce documentaire un pan de l'Histoire chilienne, celle du MIR et de la Résistance contre la dictature de Pinochet. Le MIR est un parti politique chilien d'extrême gauche, fondé le 12 octobre 1965. Le groupe est né parmi diverses associations étudiantes et crée des relations de soutien au sein d'organisations syndicales et des bidonvilles de Santiago, capitale du Chili. Andrès Pascal Allende, un neveu de Salvador Allende, président du Chili, de 1970 à 1973, est l'un des premiers dirigeants. Miguel Enriquez Espinoza est le secrétaire du parti de 1967 à 1974. Le coup d'état du 11 septembre 1973 effectué par la junte militaire renverse le gouvernement du président Salvador Allende, destitué de ses fonctions le 22 août 1973, par le parlement chilien. Les partis politiques et les syndicats sont interdits. La constitution est suspendue. C'est l'instauration de la dictature dirigée par Augusto Pinochet qui gouverna de 1973 à 1990. Carmen Castillo rend, en ce film, un fervent et solennel hommage à son compagnon défunt Miguel Enriquez, ainsi qu'à tous les résistants du MIR, torturés, exilés, et aux chiliens morts pour leurs idées au Combat. La réalisatrice nous montre légitimement, dans une approche autobiographique, comment le MIR s'est opposé au pouvoir et à la dictature et comment les partisans et les membres du parti ont vécu la grande répression de la décennie 70. Durant ces années, la dictature mise en place par Augusto Pinochet sévit durement contre la Résistance chilienne. Tous les militants sont pourchassés et débusqués pour leurs actes de contre-propagande politique. Carmen Castillo, dans un souci permanent de justesse et de vérité, souligne l'importance du MIR. Elle réalise un véritable travail d'investigation où son engagement politique ne se limite plus à une simple reconstitution. Son discours sensibilise l'opinion par d'importantes questions : « Que reste t-il de des luttes du MIR contre la dictature ? Que faut-il retenir des actions de la Résistance, sous le poids de la dictature chilienne, au travers des générations? » Ceux qui ont compris les méfaits du pouvoir, les précurseurs, ont su garder leurs idées jusqu'au bout, et combattre avec leurs propres armes, celles de la liberté de penser et de s'exprimer. Carmen Castillo parcourt sa propre mémoire, son propre vécu, pour poser de vraies questions politiques et porter un regard nouveau sur l'Histoire du Chili. Les luttes contre les forces armées et policières ainsi que le pouvoir en place sont conduites par des militants qui réprimaient ouvertement le fascisme en place. Par leur révolte, le MIR a affirmé, sous l'effigie de ces héros, morts pour leurs grands idéaux, leurs fortes convictions, les mots contre les maux, symbolisant l'esprit d'opposition de tout un peuple. Les activistes souhaitaient avant tout conserver leur identité chilienne et se détourner de la dictature chilienne qui imposait la prison aux opposants. Les chiliens se révoltaient par des manifestations, scandant des slogans révolutionnaires. La police, l'armée répondait par la violence et le sang. D'une lutte au jour le jour, un véritable parti a su mener le combat en opposition au régime instauré. Carmen Castillo laisse une empreinte d'un pouvoir révolutionnaire anti fasciste, à échelles et valeurs humaines qui résista envers et contre tout , jusqu'à la torture (La torture a été appliquée jusqu'en 1990, au Chili). A partir d'une construction narrative basée sur des évènements et des faits réels, Carmen Castillo nous raconte ce qu'elle voit de son passé depuis le présent par une mise en scène documentaire remarquable. Elle retrace avec sang froid son parcours face aux évènements politiques. La mémoire appelle la mémoire. Au fil des générations, la composition du documentaire, porté par la voix et la présence de Carmen Castillo, nous renvoie une image proche de cette réalité politique, de cet engagement politique et des convictions à conserver. Des années 60 à nos jours, c'est une vaste épopée que le MIR a mis en action pour affirmer et confirmer sa politique. Carmen Castillo pose cette question importante pour l'Histoire de son pays: «Aujourd'hui quel regard pouvant nous porter sur le passé ? ». Nous pouvons sous-entendre les pertes humaines, la mort du général Salvador Allende, les exilés, les chiliens qui ne supportaient plus le régime et tous ceux qui ont continué la Cause Chilienne. « Où la rébellion a t-elle conduit ces femmes et ces hommes engagés jusqu'au bout de leur vies, qui n'ont écouté que le peuple sous le joug politique ?». Les valeurs du MIR sont des valeurs humanistes celles d'un peuple tout entier. Carmen Castillo, par sa pudeur, sa proximité, s'interroge sur la nature même de son regard de documentariste. Près de trente années après, Carmen Castillo rencontre les habitants du quartier de Sante Fe, dans les faubourgs de Santiago du Chili, discutant avec chacun, confrontant les points de vue de chacun, actants, observateurs, se remémorant la décennie 70, époque au combien douloureuse pour les chiliens, avec grand respect et dignité. L'estime pour le MIR, pour Miguel Enriquez, se traduit dans l'expression de tous. Dans le devoir de conservation, le documentaire « Calle Sante Fe » est un véritable devoir de mémoire pour l'Histoire du Chili.

Un grand remerciement à Carmen Castillo

 

Samedi 6 octobre 2007, au théâtre Toursky, s'est jouée la création théatrale de Pierre Loup Rajot « A la vie », adapté du scénario du film « A la vie, à la mort » réalisé par Robert Guédiguian, en 1994. Jean-Louis Milesi co-auteur, propose à Pierre Loup Rajot la possibilité de mettre en scène une pièce qui a tous les attraits scénaristiques de l'oeuvre mais lui laisse le champ libre quand à l'adaptation théâtrale.

A Marseille, au quartier de l'Estaque, José tient, depuis des années, le cabaret « Au perroquet bleu » avec sa femme Josépha qui est strip teaseuse la nuit. La soeur de José, Marie-Sol fait des ménages pour survivre. Hébergée chez son patron, elle vit avec son père Papa Carlossa et son compagnon Patrick, mécanicien au chômage. Bientôt contraints de partir de leur logement, José les accueille au bar. Marie-Sol doit démissionner suite à un différend avec son employeur. Jacquot, marié, deux enfants, de profession contre-maître coffreur n'a pas de travail non plus. Sa femme l'expulse du domicile en mettant la maison en vente et part avec ses filles. Otto, retraité allemand de la légion vient voir « les atouts » de Josépha comme les autres clients du bar de nuit. Venus, droguée, prostituée, débarquée là par hasard, devient la maîtresse de José. Tous vont connaître de grandes difficultés pour survivre et ils décident naturellement, par solidarité de vivre ensemble comme une famille soudée quelque soit les contraintes, les obstacles qu'ils vont rencontrer. Tous se retrouvent à vivre au cabaret « Au perroquet bleu »...

Au cinéma, Robert Guédiguian, réalisateur marseillais par excellence, compose un univers dans le microcosme social de la ville, à la mesure du temps et des épreuves que traversent les personnages unis malgré la précarité et le chômage. Plus dix ans se sont écoulés, nous retrouvons toutes les figures emblématiques du film, à l'exception du personnage de Farid, jeune adolescent, orphelin dans la misère, mises en scène dans une adaptation théâtrale de Pierre Loup Rajot. Celui-ci redonne vie à cette histoire et à ces personnages charismatiques. Le traitement théâtral par ses accents toniques et caustiques diffère du traitement filmique qui se veut avant tout dramatique. L'évidence du décalage entre l'oeuvre filmique et l'oeuvre théatrale réside essentiellement dans la narration, aux effets comiques insistants du scénario original. Ce dernier légèrement modifié, nous passons des francs aux euros, avec quelques ellipses, sert de support à la création du texte de Jean-Louis Milesi pour l'ensemble de la pièce théâtrale. Si proche soit-il du scénario, respectant autant que possible les dialogues, la création théâtrale se veut authentique. Dans un décor retravaillé, s'étalant sur la grande scène, se jouent simultanément les scènes alternées du film afin de restituer le texte originel d'une très bonne écriture, développant tour à tour les thèmes sociaux, actuels et contemporains sur les difficultés de vivre dans une société où l'oppression ne cesse de s'accroître suivant les mutations économiques et politiques. Marseille, une ville aux multiples facettes, se regarde par une lucarne à parti d'un fragment de vérité dans ce réel qui opprime la réalité et qui constitue le contexte des propos et des réflexions sur notre societé à plusieurs vitesses. Le regard cinématographique porté par Robert Guédiguian n'est pas celui de son adaptation théâtrale. Le texte de la Création est bien de Jean-Louis Milesi qui réecrit pour notre époque le scénario du film. Le récit filmique s'oppose au récit théatral par la différenciation entre deux narrations radicalement opposées, la première cinématographique est celle qui sous tend cette tension dramatique, du rien, de l'absurde au néant, jusqu'à la mort. La voie théâtrale se consacre aux effets caustiques, voir burlesques et surtout dérisoires de l'histoire. Nous parlons biensûr de comique de situations. Le drame se dérobe sous la tension tragi-comique mise en oeuvre par nos personnages vivants ! La création devient une projection de son homonyme cinématographique. La différence réside, d'autre part, dans la mise en scène de Pierre Loup Rajot qui se veut avant tout proche de nous, spectateurs et spectatrices marseillais, d'origine ou d'adoption. Suivant un rythme adapté au texte, proche du comique de boulevard, caractérisant au sens plus large l'oeuvre du cinéaste Robert Guédiguian, Pierre Loup Rajot connote la grande humanité de nos protagonistes et donne ainsi un nouveau souffle aux personnages phares que sont le frère José, sa femme Josépha, le père Papa Carlossa, la soeur de José, Marie-Sol, Patrick son compagnon, Jacquot, Otto et Vénus. Ainsi les actrices et les acteurs de renom composant la partition quasi-chorégraphique de la pièce nous offrent une version optimiste en latence : La vie continue, le titre devient lui même vecteur de changement d'époque. La mise en scène théâtrale permet d'assister à plusieurs scènes simultanément afin de créer un univers chaleureux, vivant , en perpétuel mouvement sur lui-même. La temporalité importante au cinéma se retrouve sous une autre perspective dans la pièce de théâtre qui s'évertue à retranscrire l'essentiel de l'histoire. Cette continuité nous révèle une histoire bouleversante, émouvante, réunissant et unissant tous nos personnages aux prises à la débâcle sociale, au chômage, à la précarité, aux illusions perdues... Ainsi le récit fait peau neuve au théâtre mais n'enlève rien au film , se démarquant par le ton, la tonalité du discours, l'intonation des voix, la narration de l'histoire qui est propre à la mise en scène de la création. En effet, le récit théâtral propose une nouveau regard, une nouvelle approche beaucoup plus caustique de notre histoire marseillaise qui revendique elle-même beaucoup d'humanisme. La mise-en-scène ponctue, travaille les effets comiques par le langage, le franc parler marseillais, et biensûr l'accent chantant du midi. Il peut paraître difficile de concevoir ce scénario, en ayant vu le film de Robert Guédiguian, de façon totalement burlesque au vu du contexte social dépeint, mais le jeu remarquable, pointilleux des interprètes ouvre une nouvelle voie, donne une nouvelle vie au scénario, traduit et adapté au théâtre, par son caractère pertinent voir ironique de notre condition humaine. « Les petites gens » vivent au quotidien cette part de réalité et sont des figures singulières du microscosme marseillais qui nous apportent chaleur, réconfort, solidarité face aux difficultés familiales, sociales et existentielles auxquelles nous sommes tous confrontées un jour ou l'autre...Le public assidu du théâtre Toursky, présent au rendez-vous, s'est enjoué de la poésie, du lyrisme déployés sur scène au travers de personnalités théâtrales qui réussissent à émouvoir et retransmettre à la lettre l'histoire originale. Certains voient l'oeuvre du cinéaste Robert Guédiguian transposée au théâtre comme la suite du grand Marcel Pagnol. D'autres sont séduits par les interprétations et les convictions grandissantes qui animent nos personnages. Certains personnages traduisent dans leurs rôles ce que le scénario, support du film et de la pièce de théâtre, nous offre de plus personnel et de plus intimiste. D'autres se contentent du phrasé vulgaire et des familiarités grossières, celles qui rapprochent les provencaux.

Ainsi les Arts, notamment l'écriture du scénario, le cinéma puis le théâtre, se relaient dans la transmission de l'oeuvre sous différentes formes, nous décrivant ainsi une belle histoire de famille où les amis font aussi partis de la Tribu. Ces autochtones nous font vivre leurs scènes de vie quotidienne avec légèreté, décalage et humour, un rempart contre la morosité. Dans une époque consciente de ces tourments, l'art du plus faible se transmet par l'art du plus fort notamment la parole, le discours. Les effets de style propres à la mise en scène théâtrale, les bouffoneries, les pantalonnades ponctuant les scènes, le mime des acteurs de théâtre pour ceux du cinéma, nous montrent véritablement un autre aspect de l'histoire, accordant une nouvelle forme au récit.

Celui-ci dans le cinéma de Robert Guediguian a une réalité qui garde ce vide entre le réel et la réalité. Le temps au cinéma n'est pas celui du théâtre, du direct et du présent. L' objectif de la pièce est pertinent au sens où elle essaie de garder la temporalité et le rythme du scénario. Elle permet de créer de vraies liens par l'adaptation du scénario entre le film et la création avec un grand travail et une précision d'interprétation des actrices et des acteurs. Nous ne pouvons parler de caricatures puisqu'ils sont quelque part la transcription de vrais personnages conçus pour exister et faire vivre cette histoire fictionnelle. Le discours théâtral s'appuie sur l'humanité de chaque personnage qui se répondent et se voient eux-mêmes vivre leur propre vie par leur difficile condition existentielle. Lueur d'espoir ou accent comique pour le plus grand plaisir du public, la création a ses propres cartes de mise en scène et d'interprétation. L'absurde déride nous faisant accepter avec plus de souplesse la condition humaine et l'oeuvre nous touche par son caractère universel et humaniste. Tout l'interêt de la pièce réside dans cette renaissance de cette poétique histoire marseillaise, de ces personnages, de leur doutes bien évidemment et de leurs reflexions en corrélation avec leur vie en équilibre. Ainsi la création théâtrale fait un effort indispensable de lisibilité du scénario d'origine et nous confirme l'idée que l'oeuvre demeure contemporaine au fil du temps.

En tout cas, pour ceux qui ont raté la création «  A la vie »de Pierre Loup Rajot, vous pouvez toujours lire le scénario de Jean Louis Milesi et Robert Guédiguian ou bien voir ou revoir le film

« A la vie, à la mort »de Robert Guédiguian. Cela vous donnera peut être envie d'aller au théâtre...

Pour conclure:

« Les enseignes sont jaunes le jour et bleues la nuit comme « Au Perroquet Bleu »mais ne le dîtes à personne, on ne sait jamais! »

Audrey Chiari.

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Le film « A la vie, à la mort » de Robert Guédiguian (1995) :

Scénario : Jean-Louis Milesi et Robert Guédiguian.

Distribution:

Ariane Ascaride : Marie-Sol.

Jean Pierre Darroussin : Jacquot.

Jacques Boudet : Papa Carlossa.

Gérard Meylan : José.

Jacques Gamblin : Patrick.

Jacques Pieiller : Otto.

Pascale Roberts : Josepha.

Laetitia Pesenti : Venus.

Farid Ziane : Farid.

( Le personnage de Farid n'est pas adapté au théâtre ).

Création théâtrale « A la vie » mise en scène de Pierre Loup Rajot (2007):

Texte et dialogues de Jean-Louis Milesi d'après un scénario de Jean-Louis Milesi et Robert Guédiguian.

Distribution:

Serge Riaboukine

Mireille Viti

Ged Marlon

Lara Guirao

Jean-Jérôme Esposito

Georges Néri

Richard Sammel

Julie Lucazeau

Production du Collectif Gena, en coproduction avec le théâtre Toursky et le TMR.

Soutien de la fondation Beaumarchais.