La Villa de Robert Guédiguian, France, 1h47, 2017
Avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan, Anaïs Demoustier, Robinson Stévenin et Jacque Boudet
Vendredi 24 novembre 2017 au Cinéma Renoir, à Aix-en-Provence, avant-première du Film LA VILLA en présence du réalisateur Robert Guédiguian, de l’actrice Ariane Ascaride et des acteurs Jacques Boudet et Robinson Stévenin
Propos recueillis lors du débat après la projection du Film
Question du présentateur : cela ressemble à une tragédie grecque …
Robert Guédiguian : « Bonsoir, pas forcément. C’est avec l’idée de théâtre, de décors. A partir d’un petit espace avec un fond de scène la mer. Se dire que le monde entier se retrouve dans un petit espace. Ceux sont les mondes de Tchekhov, de Ozu. Ce film les illustre plus que d’autres peut-être. C’est la petite calanque, la calanque de Méjean à Marseille. Je pense à « Une vie » de Guy de Maupassant. C’est la nostalgie de ceux qui ne sont pas advenus. Les personnages ont une conscience aigûe du Temps. Il y a un mouvement particulier. Au lieu d’être fermés, ils sont très vigilants à ce qui arrive. C’est la nostalgie avec l’extrait sur Ki Lo Sa ! (1985). »
Robinson Stévenin : « Je remercie Robert Guédiguian. J’espère faire d’autres Films, et ne pas être l’acteur d’un jour. C’est un Film plein de rebondissements. Cela parle de nos filles, de nos fils. »
Jacques Boudet : « Après vingt Films … Au bout du 3ème, du 4ème Film, c’était un maître pour moi (parlant de Robert Guédiguian). Egalement Ariane Ascaride avec qui je jouais au Théâtre. J’ai découvert un cinéaste, un être unique. Qui peut faire ça dans le cinéma français ? C’est une aventure extraordinaire pour moi. Robert Guédiguian est allé très loin et c’est vous (en parlant de lui) qui êtes un élève avec vingt ans de plus. »
Robert Guédiguian : « C’est arrivé très vite, je me souvenais de ‘Ki Lo Sa !’, de cet extrait. Mais le film n’est pas construit autour de cette séquence. Très vite, oui, on voulait revenir à cet épisode au même endroit. »
Question du public : sur le cinéma français …
Robert Guédiguian : « Pour l’anecdote, lors du prix Delluc, le Goncourt du Cinéma, Claude Sautet avec Romy Schneider a dit : « Mais ils sont fous, c’est la deuxième fois, c’est Robert Guédiguian qui aurait dû l’avoir. » A propos de mon Film ‘A la vie A la mort’. »
Ariane Ascaride : « Robert Guédiguian nous demande à Jacques, Jean-Pierre et moi de chercher des acteurs avec qui on peut jouer. Il a demandé à Jacques Boudet de choisir sa femme actrice dans le Film. »
Question du public : il y a du Victor Hugo dans le Film …
Robert Guédiguian : « Sur l’enfance, on peut penser à Victor Hugo. Oui il existe ce rapport comme ‘Les pauvres gens’ de Victor Hugo qui a inspiré ‘Les neiges du Kilimandjaro’. C’est la beauté comme pédagogie, la beauté choisie comme une arme. »
Question du public : sur la question des réfugiés …
Robert Guédiguian : « Oui c’est une question centrale. Je crois qu’on ne peut faire un Film aujourd’hui sans parler de cette question. Je ne vois pas quel homme ne peut pas ouvrir la porte. Les enfants qui ne parlent pas c’est une espèce de parabole. La question au niveau local doit se poser au niveau mondial. (…) J’espère que cette question se résoudra. On est 5, on pourrait être 7. Le Film est explicite au fond. »
Réponse du public : Merci pour ce Film, c’est une prise de conscience implicite.
Question du public : Sur vos acteurs, il y a quelque chose d’évident, une part de vérité …
Robert Guédiguian : « Je crois que je documente leur travail. Il me faut une proposition d’interprétation. On travaille sur leurs propositions. Par définition, par essence, c’est un travail d’équipe. Même les techniciens doivent faire une proposition. Si ça ne va pas, on recommence. Ce qui arrive très peu à vrai dire. On se donne les moyens de recommencer une scène, de réécrire un texte mais c’est rare. On cherche à aller dans la même direction. Je suis un chef de troupe. John Cassavetes disait ‘on ne dirige que les mauvais acteurs’. »
Ariane Ascaride : « Il y a une espèce d’alchimie, nous nous aimons tous beaucoup. Nous ne faisons que jouer. C’est excitant, c’est du plaisir. Quand on est face à face, on défend une histoire. C’est le sourire ou la gifle que je reçois qui compte. On essaie de lui apporter des éléments et si cela marche c’est bien. »
Jacques Boudet : « On raconte tous une histoire. Je reprends l’expression d’Ariane Ascaride. C’est donner le sens à l’histoire pour la direction d’acteurs. »
Robinson Stévenin : « le pêcheur de Mejean a la lecture de la mer, de l’eau, pour dire il a sauvé un homme. Spéciale dédicace à Rémi le pêcheur. »
Question du public : Comment vous avez fait pour avoir la musique de Bob Dylan ?
Robert Guédiguian : « Pour Ki Lo Sa !, à l’époque, j’avais piraté. Je n’étais pas trop connu. Trente ans plus tard, j’ai payé les Droits. Au total 64000 euros pour deux films et une bande-annonce (Ki Lo Sa ! et La villa), ça va. Mais cela reste extrêmement cher. Pareil pour Janis Joplin dans ‘La ville est tranquille’. »
Rencontre avec Teddy Lussy Modeste et Guillaume Gouix le jeudi 3 mars 2011 au cinéma Les Variétés-La Canebière-Marseille
« Jimmy Rivière » de Teddy Lussy Modeste avec Guillaume Gouix, Hafsia Herzi, Béatrice Dalle et Serge Riaboukine. 2010, durée 1h30, 35 mm, format 1.85, France.
Teddy Lussy Modeste : Il s’agit d’un premier long-métrage. Le film se passe chez les voyageurs. C’est un film. C’est l’histoire d’un voyageur qui peut toucher tout le monde.
Guillaume Gouix : Les premiers moments se sont passés à Marseille. J’ai une pensée pour
Hafsia Herzi qui est en tournage au Maroc.
Le générique dans la forêt ; ils font pipi en rond, ; l’acteur et le titre Jimmy Rivière un nom gravé dans la pellicule, une empreinte physique, le visage de l’acteur déformé par la vie et ses tourments. Sous un chapiteau, les gens du voyage se réunissent pour prier la bible telle une véritable église. Le précheur José exulte la foi pour mieux faire entendre la parole de Dieu. Jimmy est un bon chrétien. Il veut arrêter la boxe. Il est baptisé dans l’eau, tout habillé de blanc vêtu, pour reconnaître le salut de sa bonne foi chrétienne. La mise en scène opérée est bien orchestré sous une lumière éblouissante de clarté et bienséante. Jimmy est renversé en arrière comme symbole d’une immersion, du péché qui se noie dans la bonté et la générosité de la foi. Retour à la vie terrestre pour Jimmy quand il rencontre à nouveau une entraîneuse de boxe Gina incarnée par Béatrice Dalle très sobre et sérieuse soit convaincante dans son rôle. Hafsia Herzi, sa petite copine Sonia, ne peut plus le toucher avec le Christ. Cela fait deux ans Sonia et Jimmy. Cela dure .. La nuit arrive au camp des gitans. C’est lundi après le baptême du dimanche. Pendant l’après-midi, les gens du voyage sont confrontés aux élus locaux parce qu’ils sont branchés sur l’électricité de la ville et qu’ils sont basés dans un parc. En Isère, la vie paisible de Jimmy c’est la boxe. Une occasion, Gina, qui lui propose le soir même de devenir boxeur et non pas faire de la boxe. Le film se déroule sur un mois et le 21 c’est le jour J du match de boxe. Que faire Jimmy Rivière maintenant qu’il est baptisé ?
Teddy Lussy Modeste : « Ce n’est pas moi le personnage de Jimmy Rivière. Mais je me suis posée la question comment appartient-on à une famille ? Jimmy est une synthèse de différents cousins qui m’ont inspiré pour écrire ce rôle. Des parties de moi .. Je voulais travailler avec un vrai voyageur. Au fur à mesure des rencontres, j’ai rencontré Guillaume Gouix. C’était ce visage là que j’attendais. Un visage particulier. Il ne me connaissait pas. Je suis arrivée en train. Il y avait quelque chose du personnage en lui. »
Guillaume Gouix : « Mon rôle s’est fait par mimétisme, d’imiter un voyageur. Essayer de choper un peu de leur énergie. Cela s’est fait petit à petit en faisant les marchés, en allant chez eux. »
Teddy Lussy Modeste : « La sœur de Jimmy et le beau-frère sont de Marseille. Pour faire sortir la langue, comment l’expression naît. Il fallait qu’il y ait le personnage d’une mère et celui d’un père. Entre Gina et José, il choisit sa femme. C’est comme cela qu’on devient un homme. José est ce pasteur repenti de ses fautes. Il cherche un successeur et le voit en Jimmy. C’est un personnage plein de contradictions. Il a la violence en lui. C’est un homme qui s’impose des règles et on se rend compte qu’il n’arrive pas à les respecter. Le pentecôtisme ce n’est pas la religion. Ceux sont des protestants qui prônent le retour de la Bible, de l’Evangile. Ceux sont des prêches spectaculaires. Ceux sont des protestants plus charismatiques. Ce qu’ils appellent eux, le don du saint-esprit. »
Guillaume Gouix : « C’est André Zetoune qui m’a entraîné quatre mois avant le film. C’est David Ribero pour les chorégraphies du film. Je viens de Cabriès, à côté de Marseille. J’ai commencé par des téléfilms. J’ai joué dans « Dérive ». J’ai fait l’école de l’ERAC à Cannes, l’école d’acteurs. J’ai fait des pièces de théâtre, un film. J’essaie d’être dans le présent. Je fais tout dans le présent. Je devais avoir 15 ans quand j’ai rencontré Hafsia Herzi qui avait 11 ans dans « Notes sur le rire » qui s’est passé à Marseille. C’est une amie qui m’est chère. »
Teddy Lussy Modeste : « Le personnage de la petite amie existait très peu dans le scénario. Durant l’écriture, j’ai vu « La graine et le mulet » et je l’ai appelé après le film, le prix d’interprétation à Venise et le César du meilleur espoir féminin. De la même manière que Béatrice Dalle, elles ont dit oui tout de suite. Ce rôle correspond tout à fait à Hafsia Herzi dans laquelle tout doit passer. Tout est écrit. On ne peut se permettre de réécrire le texte durant le tournage. Le film a été tourné en extérieurs et on a eu beaucoup de chance parce qu’il a fait très beau. Je sentais que de la façon d’Hafsia de proposer des choses. C’est pourquoi il s’est passé que le personnage d’Hafsia Herzi est devenu moteur. C’est le personnage à qui j’ai laissé le plus de libertés sur le plateau. C’est l’accès du personnage à la parole. Pour moi, le film c’est ça. C’est l’histoire de quelqu’un qui va trouver sa langue, une langue qui a un sens par lui-même. Toute la scène où il va retrouver Hafsia ; lorsqu’il avance dans la Convention. Ce que je voulais, c’était restituer le personnage à l’intérieur de la communauté et donc à l’intérieur du monde. »
Guillaume Gouix : « Je préfère ne pas penser à d’autres acteurs.
J’essaie de rester moi-même pour ne pas m’identifier aux acteurs et avoir un rapport avec eux. »
Teddy Lussy Modeste : « Comment négocie t-on l’appartenance d’une communauté qui appartient déjà à un état. Avec un personnage déjà aliéné par les règles de cette communauté. J’avais plus envie de raconter dans l’introspection plutôt que dans l’action. Dans l’écriture, je n’ai pas voulu montrer de clichés. Je suis moi-même issu de cette communauté. Mon grand-père a fait un grand travail associatif. Il m’a raconté les rapports avec les pouvoirs publics. Je ne veux pas que le film documente sur les voyageurs. J’ai envisagé à la base le film comme une fiction non pas un documentaire. Je respecte le travail de Tony Gatlif mais ce n’est pas le même regard. Moi c’est les voyageurs français qui m’intéressent. J’ai grandi avec les films italo-américains, les films de F.F. Coppola comme « Outsiders » et « Rumble Fish ». Deux films de Coppola.. Deux films qui définissent d’être romanesque au Cinéma.
Je me rends compte que les femmes sont des personnages par lesquelles on s’émancipe. La sœur et la mère sont de vrais voyageurs. Je voulais vraiment qu’ils participent au film de façon égales avec les actrices et les acteurs connus. Je voulais qu’ils soient dans un travail de composition. Heureusement, on ne s’aperçoit pas qui est une star et qui est une voyageuse. Tout le monde est à égalité. Le personnage de la sœur, elle se sacrifie. Elle donne à Jimmy un bon exemple de la vie s’elle ne faisait pas toutes les mauvaises choses. Elle fait le don, ne fais pas comme moi. J’aime beaucoup la composition comme un confessionnal ente Jimmy et sa sœur. Il y a eu six semaines de tournages mais j’aurais aimé plus. Béatrice Dalle a eu une dizaine de jours de tournages. Elle ne lit pas les scénarios mais décide d’elle-même de son rôle. C’est une femme entraînéuse de boxe. Mon père était entraîneur de boxe. »
Guillaume Gouix : « C’est vraiment un jeu. C’est bien écrit. La violence, je l’ai eu en observant. Ces gens sont de moins en moins tolérés en France et c’est pourquoi ils ont la rage derrière. Mon futur projet est un court-métrage que je vais réaliser dans 18 jours. J’ai joué dans un film « Et soudain tout le monde me manque .. » avec notamment Mélanie Laurent. »
Teddy Lussy Modeste : « J’écris un nouveau scénario avec la même co-scénariste Rebecca Zotlowski. Je serais ravie de retravailler avec la même équipe technique, avec certaines personnes de ce premier film. Le film sort le 9 mars. »
« Chantrapas » écrit et réalisé par Otar Iosseliani, France, Georgie, 2010, 35 mm, couleur, durée : 122 mn, Musique : Djardji Balantchivadze.
Avec Dato Tarielashvili, Tamuna Karumidze, Fanny Gonin, Givi Sarchimelidze, Nino Tchkheidze, Pierre Etaix, Bulle Ogier et Bogdan Stupka.
Sélection officielle du Festival de Cannes 2010
Nicolas est cinéaste. Il est en quête de liberté pour la création filmique. Mais tout se complique quand la mémoire investit son travail personnel et le transporte de wagon en wagon, sur le fil de son inspiration .. Surtout quand « les idéologues » de son pays, en Georgie, ne désirent plus l’entendre, considérant que son œuvre n’est plus « conforme aux règles » en vigueur. Face à leur détermination, Nicolas quitte son pays d’origine pour la France, terre de démocratie. Mais bien des soucis l’attendent sur les chemins de la Liberté ..
Rencontre avec Otar Iosseliani pour la sortie de son film « Chantrapas » au Cinéma Les Variétés, en présence de Bania Medjbar, réalisatrice du court-métrage « Des enfants dans les arbres ».
« C’est un pamphlet libertaire. C’est sur les limites de la liberté jamais atteintes. Le travail teinté de patriotisme est une sorte de corruption professionnelle. Les dérives de la société cinématographiques sont transgressées. L’autocensure est difficile à admettre car le film est interdit dans son pays d’origine, la Georgie. Dans « Avril », c’est l’auto-suicide, le peloton .. L’autoflagellation c’est l’Armée qui le frappe. Le film est basé sur l’expérience de mes collègues et de ceux que je ne connais pas. René Clair est parti aux Etats-Unis.
Sur le spectateur ..
Pendant la 2ème guerre mondiale, le silence est d’or. C’était Fritz Lang qui est parti aux Etats-Unis. Renoir, Chaplin, les peintres, les musiciens sont partis de la Russie. Beaucoup se sont installés sur la Côte d’Azur. « Laissez-moi partir, je vous jure que je voulais rester .. » La censure est devenue insupportable pour tous les compositeurs. Tous mes potes étaient des « Chantrapas ». Devenus des gens sérieux, pour moi, le voyage peut, quelque peu, exister ..
Sur Eisenstein ..
Le cinéma russe c’était un instant de la propagande. Il y avait des interdits terribles. C’est ce que pouvait se dire ma génération précédente notamment Boris Barnet (1902-1965, Moscou, Russie). Eisenstein, « Le cuirassé Potemkine » est bourré de talent et d’intelligence en servant de modèle à tous les cinémas de Propagande. Il a fait l’éloge de la Mer Morte. Il voulait blanchir les actes de Staline. Il a crée une ode à la dictature sans faille.
Après la Perestroïka ..
Dans le contexte cinématographique, les gens ont fait tout ce qu’ils pouvaient, ils ont essayé .. Durant les années 50, s’il n’était pas interdit, le film était vendu à l’Etranger pour signaler la Démocratie. Il y avait très peu de cinéastes avec très peu d’argent. La tendance était de faire comme Hollywood. En Georgie, on s’en moquait si le film était interdit. Distribuer le Film fait m’est censuré. Il y avait l’existence de la Censure. Mais ceux qui se pliaient, là, à la règle du Jeu, respectaient ceux qui ne s’y pliaient pas, si le scénario était admis. Et ces derniers voulaient quand même le terminer.
Tarkovski ..
Il a beaucoup souffert. Il a compris que tout ce qu’il faisait à l’Etranger, ne le satisfaisait pas. Etre interdit à cette époque était un hommage. En Russie, c’est le capitalisme sauvage, ils essaient de jouer sur le même terrain qu’Hollywood. Ils ne peuvent pas faire un autre collectif. « Le cinéma hollywoodien c’est la fatigue des songes ». L’Art s’attachait à être un brillant évènement de la Vie. Des films d’Abel Gance, de Marcel Carné, de la Nouvelle Vague .. Mépris de la technique, du tournage, ..
Sur la production de « Chantrapas » ..
Dans une carrière, la reconnaissance internationale est très dangereuse. Vous êtes poussés à satisfaire les attentes. J’aime le cinéma français. Je n’ai pas vécu le même destin que mes producteurs. Je travaille avec la production Pierre Grise. Le personnage tombe sur des gens qui ne le comprennent pas. Des gens typiques poussés à être ce qu’ils sont .. C’est grâce au public lié à la télévision, c’est-à-dire le Grand Public .. Aujourd’hui, pour faire ce film, on n’avait pas la télévision, ni l’Avance sur Recettes, ni les subventions. Donc on a trouvé un mécène russe. Mais c’est un film français. On tourne vite dans un rythme trépidant. Ceux sont de larges scènes. On a essayé de montrer, de se concentrer sur les gestes. On utilise mi-champ, mi contre-champ. Il y a une scène de 5 à 6 minutes. Le rythme est dans l’angoisse, chaque parole dicte ce que les acteurs doivent faire. La scène, elle est prête avant d’être tournée.
Sur le son du Film ..
Il y a une chose. Le rondo, la sonate, le contrepoint sonore, c’est dans le son répété deux ou trois fois, mais cela peut se rappeler par la chanson. Cela donne un souvenir aux spectateurs. Il y a un tango au Gramophone. Le contrepoint nous rappelle quelque chose d’autonome.
A la Quinzaine des réalisateurs 2010 au Festival de Cannes, à l'espace Noga Hilton, Agnès Varda a reçu le Carrosse d'or, récompense que décerne chaque année au début du festival la Société des Réalisateurs de films (SRF), à une cinéaste dont elle souhaite célébrer le travail. A cette occasion, le film « Lions, Love... and Lies » est annoncé. Agnès Varda l'avait tourné à Los Angeles en 1969 avec quelques figures de la contre-culture new-yorkaise : Viva!, James Rado et Gérôme Ragni, les co-auteurs de la comédie musicale Hair, la documentariste Shirley Clarke, exilée pour l'occasion du Chelsea Hotel, et Eddie Constantine en special guest. A la fin de la projection, les spectateurs ont eu droit à une conversation entre Agnès Varda et le documentariste américain Frederick Wiseman, dont le nouveau film « Boxing Jim » était sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs. Agé du même âge qu'Agnès Varda, ayant traversé la même époque, mais plutôt à Boston, il a pourtant peu aimé cette oeuvre. Leur entretien fut un moment rare dans le milieu du cinéma : un échange libre entre deux grands artistes.
Propos de la cinéaste Agnès Varda :
Juin 1969 : « Cette replongée dans un temps est d'explorer le temps. Le tournage c'était soigné avec trois caméras. C'était en 35 mm. Les artistes savaient ce qu'ils faisaient. Quand Andy Warhol m'a recommandé Viva pour le film, il a dit : « C'est elle qui a tourné « Cléo de 5 à 7 », je l'aurais bien tourné de 5 à 7 heures. » C'est bien l'esprit d'Andy Warhol. C'est le cinéma qui regarde : The Ultimate Cinema. C'est être en face d'un acteur. C'est filmer au moment où l'actrice Viva regarde, fait un sourire. Nous lui avons acheté une robe verte, celle qu'elle porte au bord de la piscine. Elle l'a déchiré en mille morceaux. Il y avait un enfant d'Harrison Ford. J'utilise tous les éléments pour faire du cinéma, le documentaire est au service de la fiction avec la caméra, le montage, le son … » Agnès Varda rappelle l'intérêt du cinéma d'auteur et celui de le montrer à la télévision, l'ennemi conceptuel. Empruntée à l'époque de la fin des Sixties, la cinéaste se rend à Los Angeles pour tourner avec des acteurs superstars du moment. L'équipe de « Hair » est en pleine création au sommet artistique. Dans une maison, nous retrouvons Viva, égérie du monde artistique et ses acolytes. Après 68, en France, les acteurs sont filmés dans leur propre univers. Ainsi nous assistons à des scènes empreintes de lyrisme, de poésie attractive dans la spontanéité à l'image .. Dans le cadre de l'expérimentation, les acteurs se prêtent au jeu de la caméra d'Agnès Varda dans le miroir. Décorés de l'atmosphère, en forme de parenthèse enchantée à la vie, ils découvrent l'assassinat de John F. Kennedy. C'est le constat de la mort de grands noms du cinéma. Des questions se posent : Est-on célèbre ? Comment le devient-on ? … »
« La Pivellina » de Tizza Covi et Rainer Frimmel (Italie, Autriche, drame, 1h40). Scénario : Tizza Covi. Avec Patrizia Gerardi (Patrizia), Asia Crippa (Asia), Walter Saabel (Walter) et Tairo Caroli (Tairo)
Patty et son mari Walter sont des artistes de cirque. Ils vivent dans une roulotte à la périphérie de Rome. Un soir d'hiver, Patty, cherchant son chien, trouve une petite fille, âgée de 2 ans, abandonnée par sa mère dans le parc voisin. Elle décide de la garder chez elle. Patty essaie de retrouver la maman mais en vain.. La jeune enfant Asia vit au jour le jour avec sa nouvelle famille.. Une authentique relation se crée entre Patty et “la Pivellina”,”la gamine”,..
La nouveauté est cet élément narratif post post moderne qui s'introduit dans le réel. L'actrice non professionnelle Patrizia Gerardi joue son propre rôle, une femme, artiste de cirque et foraine de conditions modestes voire précaires. Dans cette banlieue désaffectée de Rome, un microcosme existant est porté au devant de la scène. Cette famille d'accueil est filmer en train de vivre sa vie. La fiction tient ainsi simplement à ce petit personnage, « la gamine ». Comment la fiction va t-elle cohabiter avec le réel ? La réalisation relève de l'inattendu de chaque instant, du doute, proche de l'improvisation. Entre scénario écrit et réalité, le point d'injonction se formalise par la captation de cette image incertaine, dans les mouvements même de la réalisation soit dans la précarité de la prise de vue. Ainsi peux t-on penser que la technique cinématographique est au service de son sujet, confondant réalisateurs et acteurs. Mais pour le spectateur, l'avenir de “la gamine” reste flou.. De teintes naturelles oscillant entre le mauvais temps et la décrépitude d'un quartier vétuste, de décors en lumières réalistes, la prise cinématographique tient au jeu des acteurs épatant. Le rapport entre la caméra et Asia est cette introduction dans la fiction tandis que Patrizia reste naturelle dans son rôle. Les réalisateurs Tizza Covi et Rainer Frimmel filment au plus près des protagonistes qui vivent une histoire unique dans l'instant fictif. La magie opère nous laissant dans notre émotion. Cette adéquation entre réalité et fiction procure cette sensation de vivre une part de vérité sans vraiment la saisir. Un pas de plus dans le cinéma se devrait d'être fait après le film “The kid” de Charlie Chaplin. Dans l'imaginaire, c'est un conte de fée moderne.. Mais les réalisateurs ne souhaitent pas montrer cet aspect. Ils s'appuient sur le quotidien, des situations de tous les jours bien paradoxales à l'abandon de cette petite fille en bas âge. Sans comprendre ce qui lui arrive, la famille foraine l'accepte et l'élève comme leur propre enfant avec leur gentillesse et leur générosité. Patrizia Gerardi est cette actrice non professionnelle captivante qui joue dans le registre naturel. “Rien a changé” dit-elle après le tournage, à part peut-être cette rencontre avec le cinéma dans sa vie.. Forces encore dans l'image invisibles entre la mère absente et cette mère de substitution.. Celle-ci aurait sûrement vécu la même histoire dans la vie.. Cette forme nouvelle de cinéma apporte ainsi ses qualités de traduire un monde passerelle entre notre imaginaire et la réalité. Que dire de cette histoire à la croisée de Chaplin, Fellini, Rossellini et bien d'autres cinéastes.. Toute l'émotion donc demeure au bord du regard.. Tendresse, humour, ironie, tant de bons sentiments se confirment par la présence à l'image d'une petite enfant magnifique de beauté jouant le drame. Cette histoire semble méticuleusement préparée et pourtant les notions filmiques s'évaporent au contact des personnages, acteurs d'eux-mêmes. Ainsi par ce rapport mère et fille, l'enfant, élément fictionnel, est au service de l'actorat libre. Dans un décor difficile, dans cette caravane de voyage, “La pivellina” parle aussi de la condition précaire des forains, des clowns, ici, en Italie. Un constat fellinien : “Cela n'intéresse plus les gens..” La richesse du film est ainsi de voir la construction d'un monde fait de proximité et d'intimité réelle entre les acteurs par le seul vecteur de la caméra sans artifices. Une belle d'histoire d'amour sous tend ce mélodrame contemporain. «La pivellina», réalisée en 2009, poursuit cette réflexion sur la vraisemblance dans la notion de visibilité.
Débat avec l'actrice Patrizia Gerardi en présence de Paola Paoli, la directrice du Festival “Cinema e Donne” de Florence, Lisa Bottaï et Jeanne Baumberger, lors du Festival “Films Femmes Méditerranée” au Cinéma Les Variétés. Ce dimanche 4 octobre 2009, quelques heures auparavant cette projection, Patrizia Gerardi a reçu le prix d'interprétation féminine au Festival du Cinéma Italien d'Annecy. Le film “La pivellina” de Tizza Covi et Rainer Frimmel a reçu, pour sa part, le prix spécial du Jury.
Patrizia Gerardi à propos du film “La Pivellina” :
“Cela a été fait avec le coeur à deux.”
Daniel Armogathe, président de la Cinémathèque de Marseille :
“Une nouvelle ère du cinéma.. “La Pivellina” utilise beaucoup le regard, le côté néo-réaliste.. L'ombre de Federico Fellini est présente.. Cette époque est plus dure qu'aujourd'hui mais c'est une version féminine du film “The kid” de Charlie Chaplin. On abandonne les enfants sans venir les chercher..”
Patrizia Gérardi :
“C'est sur la vie d'une petit cirque familial. Les réalisateurs se sont connus et, au bout de deux ans, ils ont décidé de réaliser ce film. Seule l'histoire de la petite fille Asia est inventée. Tout l'univers autour de mon rôle est vrai. Walter est mon mari. Ceux ne sont pas des acteurs mais des personnages qui font partie de ma vie. Asia fait partie de l'objet de l'intrigue. Elle peut-être vue comme un objet. En général, on filmait sur le moment sauf les jours de tournage où Asia ne voulait pas tourner ! Il y avait un scénario écrit au départ. Au moment du tournage, c'est devenu des explications pour la direction d'acteurs. Dans la vie, je suis un peu plus joyeuse que sur les écrans. Tout ce qui est arrivé dans le film est improvisé. Je suis émue de voir le film pour la quatrième fois. Il fait intensément partie de ma vie. Qu'est-ce que cela m'a apporté ? Je me suis divertie à le faire. L'impression de mon personnage est que c'est peut-être une femme battue qui abandonne sa fille pour l'éloigner de ce conflit. J'espère que le message des réalisateurs existe.. La fin reste ouverte pour les spectateurs. Rien n'a changé dans mon mode de vie que vous pouvez découvrir à l'écran.”
(Comment je le ferai dans la vie , bon je le fais au cinéma !)
« Potiche » de François Ozon ( France, Comédie, 2010, couleur, 35 mm, durée : 1h43) Avec Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Fabrice Luchini, Karin Viard, Jérémie Renier et Judith Godrèche. Sélection officielle au « Toronto International Film Festival » et au « Venezia Cinema » 2010. Sortie sur les écrans le 10 novembre 2010
En cadre super 8, Catherine Deneuve fait son jogging : Sainte-Gudule au printemps 1977..
Références sociales et politiques de cette époque, du communisme ancré dans les mœurs au Figaro Madame, le statut de « Potiche » se transmet en quelques minutes de mère en fille.. Mais quand le mari, le père, se révèle amoindri par la crise économique aux abords de la Belgique, que devient notre grande famille patronale ? Et bien Catherine Deneuve interprète une magnifique « Potiche » en la riche industrielle Suzanne Pujol pour faire sourire et rire jusqu’à ne plus l’oublier en mère porteuse de valeurs et de traditions ! Rions un peu, haut en couleurs, avec le dernier film du cinéaste français François Ozon, jamais dépassé par son casting impressionnant de Vedettes du Cinéma ..
Conférence de Presse avec François Ozon, le lundi 11 octobre 2010, au Cinéma Le Cézanne, pour la sortie de son film « Potiche » avec Catherine Deneuve
Q : Pourquoi la question du féminin dans les années 70 ?
François Ozon : Le film provient da la pièce de théâtre « Potiche » de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy à la fin des années 70. J’ai découvert cette pièce avec Jacqueline Maillan, dans les années 80, en dvd. Une question s’est posée à moi : Est-ce que je garde le ton années 80 ? Je pensais que la situation de la fin des années 70, le fait que Giscard’Estaing voulait que la France ressemble à celle de nos jours. C’était pour moi être modéré. Le ton de la Comédie s’est finalement imposé. Cela n’a pas tellement changé, à part, qu’à cette époque, les communistes représentaient 20% de l’électorat.
François Ozon : Je suis un ami de Pierre Barillet et de Jean-Pierre Grédy, les auteurs de la pièce. Beaucoup de leurs pièces ont été adaptées. Pourtant, pour adapter cette pièce, Pierre Barillet a été d’un vrai soutien. Je lui ai montré les différentes versions. Lui, il a travaillé pour Sophie Desmarets. Pour notre première version, dans le premier acte, c’est une vraie potiche. Ils ont rajouté le jogging, les dialogues, le générique .. Le choix de Catherine Deneuve pour Jacqueline Maillan était une évidence. Je voulais une femme qui souffre, et, à laquelle, on pouvait s’identifier. Biensûr, les femmes dans l’ombre de leur mari m’ont intéressé. Avec Catherine Deneuve, on connaît des Potiches. Je parle de la génération de ma grand-mère où les femmes vivaient dans le sillon de leurs époux. C’est toujours d’actualités vis-à-vis des rapports femmes-hommes, de l’égalité des sexes, des salaires, de la retraite..
Q : Le rapport à « Huit femmes » ..
François Ozon : Au départ, les interprétations des personnages sont théâtrales puis elles s’émancipent. On suit le personnage, son empathie et on découvre le Monde, l’Usine, l’extérieur ..
J’avais l’actrice principale.
-Est-ce que cela vous amuserait de jouer « Potiche » ?
-Catherine Deneuve a dit : « Oui. »
C’est toujours difficile au Cinéma de trouver un mari au Cinéma. Catherine Deneuve et Fabrice Luchini sont deux acteurs mal assortis. Ils ont six ans de différence. Donc nous avons vieilli Catherine Deneuve. Les parapluies sont des éléments dans la pièce. Le titre traduit en français est : « Les parapluies du bonheur ». C’est vrai que le couple Deneuve-Depardieu c’est un classique du genre : La bourgeoise et le voyou. Sur les années 70, il y a beaucoup de documents. Parti d’une base réelle et clownesque, une forme qui nous plaît apparaît. Le détail, le téléphone en moquette, les stickers des kickers, cela vient de ma mémoire. Les années 70 reviennent à la mode. Il n’y a aucune anticipation. Mais c’était le contexte politique de cette époque qu’il fallait retranscrire. La grève a été tournée en Belgique, à Bruxelles. Il y a des anciennes visions, façon 70’s et d’autres façon wallon. J’ai été moi-même à deux meetings de Ségolène Royal. J’ai pris la résolution de faire le film après la campagne présidentielle de 2007. Et également après les manifestations de la Retraite. C’est important de souligner la misogynie des hommes mais aussi celle des femmes. Un film féministe est politique.
Q : Quelle femme politique devient-elle parmi la bourgeoisie, « le patronalisme » et le paternalisme de l’époque ?
François Ozon : J’aime mes actrices et mes acteurs. Gérard Depardieu est très juste. Une lecture avec Catherine Deneuve et Gérard Depardieu a suffi. Cela l’amusait de jouer au député communiste et de dire des phrases politiques définitives. Sa coiffure est drôle, il a déjà interprété des rôles dans ce registre, peut-être moins comique, je pense aux films « Le choix des armes » ou encore « Le retour de Martin Guerre ». Sur le tournage, c’est une boule d’énergie. C’était ludique. Par exemple, la scène de Badaboum contenant la chorégraphie de Danse. En 1978, le succès appartient à Michèle Torr.
François Ozon : J’ai essayé de sortir les personnages de leurs identités stéréotypées. Catherine Deneuve et Karin Viard sont véritablement des suffragettes. J’ai souhaité emmener les personnages quelque part où cela m’intéressait de les conduire. Le jeu de la patronne est quelque chose de joyeux. Autour des parapluies, quelque chose est coloré. La première partie est assez pastelle. Puis il s’agissait de montrer Catherine Deneuve aux commandes de l’Usine. Quelque part, l’émancipation c’est l’évolution politique de Catherine Deneuve. L’amour entre l’ouvrier et la bourgeoise révèle le couple impossible. J’aimais le romantisme de son personnage. « Vos camarades m’appelleront Camarade Suzanne. » Elle, elle reste une bourgeoise et elle évolue dans son contexte.
François Ozon : Je ne fais pas de film pour délivrer un message. Au bout d’un moment le film m’appartient. Il ne fallait pas qu’il y ait acte d’ironie car Jacqueline Maillan avait toujours le dernier mot dans la pièce. Avec Catherine Deneuve, nous avons voulu vraiment qu’elle s’enlise dans le côté dégradant de la « potiche ». L’évolution du Monde implique l’adaptation des dialogues de la pièce initiale. Après 60 ans, il est important de refaire sa vie pour Catherine Deneuve et Gérard Depardieu. Tandis que pour Fabrice Luchini c’est « travailler plus pour gagner plus. »
François Ozon : « Potiche » est une vraie comédie à la française. Le film s’est vendu dans le monde entier. C’est sur le contexte féminin et l’émancipation des femmes, des femmes de caractère. Les femmes, comme ma mère, m’ont beaucoup influencé.
« OCEANS » de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud ( France, couleur, durée 1h43 )
Préparons-vous à l'immersion pour la découverte des fonds marins !
"OCEANS" est le nouveau film documentaire de Jacques Perrin co-réalisé avec Jacques Cluzaud, son acolyte cinéaste pour cette aventure au fond des océans. Jacques Perrin est désormais un réalisateur aguerri après le magnifique film "HIMALAYA" et le célèbre documentaire "LE PEUPLE MIGRATEUR". Touchant de justesse et de vérité, "HIMALAYA" est au plus près de l'échelle humaine, celle qui gravit des montagnes, se parant de spiritualité face aux dangers. Jacques Perrin acquiert ainsi ses premiers armes de documentariste au travers de cette expérience unique entre un réalisateur et des acteurs non professionnels incroyables dans leur interprétation scénaristique, racontant leur propre parcours dans le sillon de la montagne. "LE PEUPLE MIGRATEUR" lui aussi a marqué les esprits par sa force documentaire transposant le monde des oiseaux pour le Cinéma. Terre, air, puis mer, les signes de vie se montrent et se démontrent dans le cinéma de Jacques Perrin autant par leurs valeurs que pour leur beauté. A l'écran, ils deviennent signes de réflexions et matières à se ressourcer. Entre nature et découverte, la force de l'image se joint ici à l'émotion du spectateur face à l'immensité qui l'entoure. Pour "OCEANS" que la toile devient marine...
Entretien avec l'équipe du film « OCEANS » au Cinéma Le Cézanne à Aix-en-Provence
François Sarano, guide scénaristique et conseiller scientifique du Film « Océans », président fondateur de « Longitude 181 Nature » :
« Le film a nécessité 75 tournages sur de nombreux sites maritimes. En tout, la réalisation a duré 4 ans. Je suis plongeur naturaliste. Au départ, j'ai élaboré avec Stéphane Durand un scénario de fiction. Au bout d'un an et demi de travail, nous avons décidé de garder uniquement les créations marines. C'est devenu un support scénaristique. Sur 2000 espèces, nous avons conservé celles qui illustraient le mieux l'océan dans un ensemble. Au début du scénario de fiction, nous souhaitons montrer la mer, le vieil homme et le petit garçon. Puis le plongeur et cette rencontre harmonieuse avec la fiction.. L'océan quand il nous regarde, c'est toute sa puissance, sa richesse de vie, qui crée ce lien solide de ces créations dans la nature sauvage.. La prise de conscience est inéluctable concernant la disparition des espèces et c'est l'océan qui l'impose. Le réalisateur Jacques Perrin a imaginé un opéra sauvage en forme de poème inachevé. Avant tout, nous souhaitons produire de l'émotion pour notre plus grand plaisir. Nous nous sommes associés aux conseillers scientifiques pour la représentation des espèces les plus significatives du monde marin. En tant que plongeur, voir le prédateur des requins sur les océans en train d'être filmer, quelle émotion paroxystique.. »
René Heuzey, cadreur, opérateur de prises de vues sous-marines du Film « Océans » :
« Nous ne voulions pas tourner de façon documentaire. La notion de difficulté a été de se faire accepter par les animaux, et, d'attendre des jours voir des semaines à côté de l'animal, du poisson,
pour pouvoir filmer. Des stratagèmes ont été élaborés en circuit fermé. Pour la séquence de la Baleine Bleue, il a fallu 28 semaines de tournage et des centaines de mises à l'eau. Des jours à suivre les poissons.. Au bout d'un moment, ils se laissent approcher et filmer.. La séquence de la murène, en forme de ruban, transcende l'animal. C'est un gros vers mais de petite taille. Le rendu à l'image est magnifique. Jacques Perrin a toujours travaillé en pellicule. Sous l'eau, c'est 4 à 5 minutes de filmage pellicule. En vidéo HD, c'est 50 minutes d'autonomie. Nous avons travaillé pendant 2 ans avec les ingénieurs de Sony pour la direction de la lumière, notamment pour les effets de seuil. Les extérieurs sont filmés en pellicule. Sous l'eau, nous avons filmé en vidéo HD. Nous avons capté le mouvement mais nous ne souhaitions pas de 3D. Pour la technique, la caméra est fixée sur une grue posée sur la nageoire du dauphin. La caméra est parfois tractée pour pouvoir filmer les animaux marins dans leurs mouvements. C'est l'effet d'une caméra-travelling. »
François Sarano :
« Certaines séquences ont été réalisées au storyboard. C'est avant tout un film de fiction. »
Laurent Debas, guide scénaristique du film « Océans », président co-fondateur de « Planète Mer » :
« Toucher les gens par l'émotion, sortir du catastrophisme, telle est notre démarche. Notre discours est bien de montrer la réalité au regard de son esthétique. La suggestion que chacun trouve sa place dans cette histoire demeure une belle et riche idée. Il existe des situations vraiment préoccupantes, mais rien n'est perdu. Le premier scénario était formellement engagé. »
Denis Ody, responsable de la mission « Océans et Côtes » chez WWF France :
« La raison essentielle pour nous est de protéger. Le film est un très bel outil. Assener la catastrophe en permanence ne suffit pas. Il faut du rationnel. »
Laurent Debas :
« Le film lutte contre l'utilisation des ailerons de requins. Cela a provoqué des engagements de pétition contre cet acte destructeur ainsi que des demandes d'adhésion à notre association pour soutenir notre action. »
François Sarano :
« La séquence explicite est biensûr une reconstitution. Si nous avions voulu faire un documentaire, nous aurions été sur le bateau de pêche.. »
François Sarano :
« Sur la question du son, c'est l'océan comme vous ne l'avez jamais entendu.. Rien à côté de ce que ressentent les créatures marines.. La caméra est collée sur les espèces marines. Nous avons utilisé un système d'enregistrement avec une gamme de microphones. Les sons des cachelots et de la baleine sont des bandes brutes. Ceux sont des sons directs. Cela a demandé un énorme travail. Depuis « 20000 lieux sous les mers », une convention a créé le filtre Disney au Cinéma.
René Heuzey :
« En apesanteur, on peut réaliser des mouvements de caméra incroyables. Comme dans un balai, le corps et la caméra ne font qu'un. Celle-ci est un peu votre oeil. Par la proximité, les mouvements de caméra sont précis. »
François Sarano :
« Dans le film, je suis le plongeur aux côtés du requin. Pour moi, l'essentiel est de partager ce monde sauvage avec l'extérieur. C'est se « plonger » dans les choses simples et naturelles.. »
René Heuzey:
« Sur chaque tournage, il y avait six équipes sous-marines. Jacques Perrin a privilégié la sécurité maximale pour chaque tournage notamment pour celui sur les requins blancs. J'ai moi-même veillé à son application. Aucun problème n'est survenu. 3700 heures de plongée ont été necessaires pour l'élaboration du Film « Océans ». Nous avons 480 heures de rushs. En projet, une série pour la télévision est à l'étude. Ces images demeurent précieuses pour les scientifiques. »
Audrey Chiari
http://www.larevuemarseillaisedutheatre.com
“RACHEL”
Documentaire de Simone Bitton (France, Belgique, Israël, durée 1h40) Sélectionné au Festival de Berlin 2009 et au Tribeca Film Festival de New York. La cinéaste franco-israélienne Simone Bitton continuer d'explorer le conflit au Proche-Orient. Après “Mur”, elle enquête cette fois sur la mort d’une jeune Américaine Rachel Corrie servant de bouclier humain face un bulldozer israëlien, en mars 2003, dans le sud de la bande de Gaza. “Rachel” décrit la perte humaine mais aussi l'engagement de pacifistes. Une reconstitution minutieuse d'une histoire vraie se révèle sous le poids des images d'archives
Sortie en salles : Mercredi 21 octobre 2009
Débat avec les monteurs du film Catherine Poitevin et Jean-Michel Perez, après la projection du film au Festival « Films, Femmes, Méditerranée » :
« Il s'agit d'une reconstitution. A la base, il y avait très peu de documents pour le film. Simone Bitton est allée chercher les personnages de l'histoire, les américains, les anglais, les écossais,.. Pendant deux ans, elle a réalisé ce documentaire. Les documents proviennent des activistes, de la télévision israélienne,..Il y avait finalement beaucoup de documents pour monter le film. »
Catherine Poitevin :
« De voir ces jeunes gens me bouleverse. En fait, cette jeune fille est une vraie colombe. »
Jean-Michel Perez :
: « Rachel » est sélectionné au Festival du Réel à Paris et au Festival de Berlin. »
Catherine Poitevin :
« Simone Bitton a voulu garder un témoignage, le témoignage d'Alice : « les parents ont voulu transporter le corps en Israël ». Depuis le film « Mur », Simone bitton se sent des deux côtés israëlien et Palestinien. Elle a une grande force de ne pas se laisser enfermer dans la haine. »
Jean-Michel Perez :
« La recherche de Simone Bitton, dans la question de la recherche intérieure, relève des problèmes d'histoire et d'utopie. Elle est dans cette quête de savoir inexorablement où se trouve la vérité. Elle recherche de la vérité parce que rien n'a été fait. »
Catherine Poitevin et Jean-Michel Perez :
« Ce travail de montage a été un vrai travail de documentariste. La voix officielle, l'ambassade ne se prononce pas sur cet événement. »
Catherine Poitevin :
« Le recueil de témoignages des amis a été nécessaire. Nous avions simplement des photos au départ. »
Catherine Poitevin et Jean-Michel Perez :
« Le montage a demandé un travail d'orfèvres. Il a fallu sept mois pour réaliser le montage final. »
LA CINEMATHEQUE DE MARSEILLE PRESENTE LE MARDI 27 JANVIER 2009 A 19H00
« Les amitiés maléfiques » de Emmanuel Bourdieu, France, 2006, drame, scope, durée 1h40. Scénario : Marcia Romano et Emmanuel Bourdieu. Musique : Grégoire Hetzel. Avec Thibault Vinçon, Malik Zidi, Alexandre Steiger, Natacha Regnier, Dominique Blanc, Jacques Bonnaffé, Françoise Gillard et Botum Dupuis. Prix de la semaine internationale de la Critique Cannes 2006
Synospis
Le jour de la rentrée universitaire, Eloi et Alexandre font la connaissance d'un étudiant brillant André. Fascinés par sa personnalité et son charisme, ils tombent sous son emprise. André devient leur ami. Eloi et Alexandre se laissent guider par André dans leur choix jusqu'au jour où il les quitte, prétextant avoir obtenu une bourse d'étude aux Etats-Unis...
Le réalisateur Emmanuel Bourdieu
Normalien, agrégé et docteur en philosophie, Emmanuel Bourdieu est le fils du sociologue Pierre Bourdieu. Il commence sa carrière cinématographique en tant que scénariste. En 1996, il co-écrit avec le réalisateur Arnaud Desplechin le scénario du film « Comment je me suis disputée...Ma vie sexuelle ». De leur collaboration scénaristique, s'ensuivent les scénarios des films « Esther Kahn », en sélection officielle au festival de Cannes 2000, puis, en 2004, « Léo en jouant « dans la compagnie des hommes » ». Cette année, il a co-écrit le film « Un conte de noël » d'Arnaud Desplechin, en sélection officielle au festival de Cannes. Entre-temps, il est co-scénariste des films « Place vendôme » de Nicole Garcia, en 1998, et « La nouvelle eve » de Catherine Corsini, en 1999. Emmanuel Bourdieu se met à la réalisation en 1998 avec le court-métrage « Venise ». En 2001, après son second court-métrage « Les trois théâtres », il écrit et réalise « Candidature », moyen métrage, prix Jean Vigo. En 2004, il réalise son premier long-métrage « Vert paradis ». Le film « Les amitiés maléfiques » est son second long-métrage, en 2006. Cette année, est sorti son troisième long-métrage « Intrusions » avec ses acteurs fétiches Natacha Regnier et Denis Podalydès.
La scénariste Marcia Romano
Marcia Romano, la co-scénariste du film « Les amitiés maléfiques », commence sa carrière de scénariste, en 1997, avec le film « Les vacances » d'Emmanuelle Bercot. En 1999, elle est co-scénariste du film « Les amants criminels » de François Ozon. En 2001, elle co-écrit le scénario du film « Sous le sable » de François Ozon. Cette année-là, Marcia Romano rencontre Emmanuel Bourdieu. Ils écrivent ensemble « Candidature », en 2001, puis « Vert paradis », en 2004. En 2006, elle co-écrit avec lui « Les amitiés maléfiques ». Le film est projeté en ouverture de la semaine internationale de la critique au festival de Cannes 2006. Cette année, elle est la co-scénariste du film « Intrusions » d'Emmanuel Bourdieu. Entre temps, elle écrit le scénario de la comédie « L'école pour tous » d'Eric Rochant. Prochainement sortira la comédie « La grande vie » d'Emmanuel Salinger qu'elle a co-écrit avec plusieurs scénaristes.
« Les amitiés maléfiques » est le brillant portrait d'une génération d'intellectuels au sens étymologique. Le film ne décrit pas une époque mais bien un épiphénomène marquant, détail qui fait événement dans la vie étudiante. Dans la transition, les influences sont de mises. Il traite du milieu universitaire et de ses dérives notamment les relations interpersonnelles entre les étudiants. Cette thématique, aux portes du monde des adultes, convoque nombre de réflexions sur les pouvoirs exercés comme l'objection de conscience. Vérité et mensonge s'accordent dans le non-sens de l'influence, l'idée qui peut corrompre toute une vie. Entre l'indépendance et l'autonomie, au-delà des rivalités, les actants se livrent au jeu du miroir déformant. Etape pour grandir et s'affirmer, le maître-mot devient cet obstacle au développement. André incarne un personnage attachant puis manipulateur. Il se retrouve seul en proie à ses démons, ceux de l'absence de conviction en ses influences, quand les masques tombent. Le chef de la bande devient cet ennemi juré quand le mal contamine les esprits. Emmanuel Bourdieu dit à propos de son film : « Avec Marcia Romano, ma co-scénariste, nous souhaitons travailler sur les amitiés un peu troubles qui se nouent au moment de la transition entre l'adolescence et l'âge adulte. C'est une période de la vie où on évolue en groupes pour se rassurer face à l'immensité des choix qui se présentent.(..) Ce qui m'intéressait, c'est que dans ce type de bandes, il n'y a ni coupable, ni victime.. ».
Rencontre avec Jorge Pérez Solano , scénariste et réalisateur du Film « Espiral », Mexique, 2008, durée 1h39, Avec Iazua Larios, Mayra Serbulo, Xochiquetzatl Rodriguez, Leonardo Alonso, Harold Torres Mayahuel del Monte et Angeles Cruz
Cet article a pu être réalisé avec le concours d'une doctorante en langues bénévole lors du Festival de Rousset.
Dans l'espoir de rendre leur vie meilleure, les hommes passent la frontière sans réaliser qu'ils détruisent ce qu'ils espèrent sauver : Leurs familles. C'est l'histoire de Diamantina et Araceli, deux jeunes femmes de Mixtec Oaxaca, qui voient leurs hommes partir vers le nord pour améliorer leur situation. Santiago tente de réunir de l'argent qui lui permettra d'épouser Diamantina. Macario, quant à lui, veut sortir sa famille de la pauvreté. A leur retour, tout a changé...
« Même si c'est un film en 2009, même si les gens pensent au Mexique, pensent que cette communauté n'existe pas, elle existe. Les moyens de communication n'en parlent pas, alors il faut en parler. Reprendre le Cinéma des années 40-50, les cycles Fernandez, Barios, et les autres ..
Nous sommes dans une zone pauvre, il faut connaître les parents, la problématique, car toute sa famille a vécu l'émigration, l'exil .. L'exil, est-ce une obligation ? Non, c'est plutôt un choix mûrement réfléchi. Les hommes envoient de l'argent à leur famille. C'est un système patriarcal mais qui est soutenu par les femmes. Même si ces femmes n'ont pas le pouvoir de décision. Les hommes vont chercher une meilleure condition de vie. Ils laissent leurs problèmes à leurs femmes avec des décisions qu'elles ne peuvent pas prendre. Le plus difficile est-ce les femmes ? De ce point de vue, le film a dépassé ses limites. Je peux toujours parler de ce film même si j'ai d'autres projets. Cela ne change rien. Un film n'est pas aussi puissant mais moi j'ai essayé de faire un antidote. J'ai fait en sorte que le migrant pense à ce que signifie de partir de son village.
Il vaut mieux chercher les solutions dans son pays le Mexique, sans aucun façon et sans aucune barrière. Le film travaille auprès des gens et des autorités et il continue comme il peut. « Espiral » donne un peu plus le rôle aux femmes, c'est voulu. C'est important de le rendre évident, ce qui se savait, se voyait .. Les gens sont plus solidaires, ils se réunissent, il y a une coopération. Le projet de film a commencé avec une coopérative de femmes. Il est né parce qu'il a appris l'existence de cette coopération. Les gens s'échangent des affaires et se donnent de l'argent .. J'ai fait une fiction pour voir le côté sombre. Ce que je me suis permis d'avoir c'est ce côté optimiste. Mais j'ai vu le côté négatif, la tristesse, la prostitution, la pauvreté, l'alcoolisme, .. J'ai décidé d'avoir plein d'espoir et d'optimisme. Je continue de penser ce cinéma-là qui essaie de toucher les racines mexicaines et il doit se faire au Mexique avec ces mexicains. J'ai parlé à des réalisateurs. Pour moi, cela a été facile de raconter ce film. Par rapport aux réalisateurs mexicains, eux, ils trouvent que c'est un sujet difficile à traiter. J'ai voulu simplement montrer un aspect du Mexique. Pour un cinéaste étranger, c'est un problème international. La seule difficulté c'est si on ne connaît pas bien la zone. Mais tous pensent que c'est un problème similaire à beaucoup de pays.
Je crois que les politiques s'occupent de tout. Mais pas des gens .. Plus on met des obstacles, plus les migrants vont continuer . La politique ne comprend pas. Je crois que si un migrant voit un mur, cela va lui donner encore plus envie de partir avec cette forme de provocation. J'aimerais continuer avec le même type de cinéma engagé et radical. Il y a des gens qui ne voient pas l'émigration mais il voit « Espiral » comme un film de genre. C'est surprenant. Certains disent que je les traite mal. D'un autre côté, les gens voient la vraie réalité, celles des femmes mal traitées, .. Une spectatrice française en voyage au Mexique m'a dit qu'elle avait eu l'impression de voir ces gens dans le film. A Varsovie, une spectatrice veut utiliser mon film pour écrire une thèse. Cela me touche beaucoup les réactions du public face à « Espiral ».
Au Mexique, les jeunes mexicains ont l'habitude de voir de grosses productions. Pour l'avoir projeté, cela m'a fait très plaisir. C'est un film indépendant, son rôle est d'entrer dans les consciences petit à petit. Au Mexique, le paradoxe est que même si on adore nos femmes et nos enfants, on utilise « Madre » dans nos jurons. A contrario, le terme « Padre » s'emploie dans les expressions positives. Un texte de Michel Houellebecq dit : « Les femmes sont présentes dans nos vies mais elles ne se font pas remarquer. » Dans le film, je veux juste rendre évident. Je crois que j'ai fait un film Oedipien, rires .. Le fait de filmer des femmes, je le vois pareil qu'avec des hommes. Ce qui m'intéresse c'est de les comprendre. C'est de chercher à les comprendre.
Actuellement, j'ai terminé un nouveau scénario. C'est l'histoire de deux familles. Le rapport mère et fils. Cela parle de la relation de 9 mois durant la grossesse d'une femme. Chez « Le labyrinthe de la solitude » d'Octavio Paz, la solitude commence quand on nous coupe le cordon ombilical. L'émigration est historique. Les cultures se font comme cela. Le problème n'est pas l'émigration mais bien plutôt comment elle se réalise. »
« Les bureaux de Dieu »de Claire Simon, France, 2007, comédie dramatique, couleur, 35 mm scope, Dolby SRD, durée 2h02. Scénario de Claire Simon, Natalia Rodriguez et Nadège Trebal. Avec Nicole Garcia, Nathalie Baye, Anne Alvaro, Rachida Brakni, Isabelle Carré, Béatrice Dalle, Emmanuel Mouret et Michel Boujenah. Prix SACD, Quinzaine des réalisateurs, Festival de Cannes 2008.
Dans un planning familial, Denise, Anne, Marta, Yasmine et Milena sont les conseillères qui accueillent et écoutent chaque femme adolescente et adulte et leur problème lié à leur vie sexuelle. Djamila aimerait prendre la pilule parce que c'est sérieux avec son copain. Nedjma cache ses pilules car sa mère fouille son sac. La mère de Zoé lui donne des préservatifs mais la traite de prostituée. Maria Angela aimerait savoir de qui elle est enceinte. Adeline aurait souhaité garder l'enfant. Autant de portraits de femmes qui se succèdent dans les Bureaux de Dieu ...
La réalisatrice confirme ses talents de metteur en scène par la direction des stars du Cinéma, dans un casting impressionnant. Chacune maîtrise ses textes désormais support pédagogique d'une pensée commune. L'envers du décor de l'émancipation est au goût du jour, au coeur du débat. Comment se transmet l'héritage des luttes et des combats sans militantisme désormais mais dans l'acception de soi avant celle des autres. Dans cette liberté inconditionnelle, se joue les destins qui se croisent, portés les uns par les autres dans la solidarité et l'échange, dans le partage. Donner la vie, ou son contraire, se protéger mais s'aimer, qu'est ce que la pilule de nos jours ? Les relations interpersonnelles s'interrogent sur les rapports humains les plus intimes dans une perspective de débat contemporain où les solutions ne sont pas infaillibles aux problèmes rencontrés dans la vie sexuelle. Comment de cette liberté on en use et quelles en sont les modalités d'utilisation, aucun comportement, aucune attitude, aucune pensée ne font l'unanimité dans un contexte sociologique et politique en constante évolution. Claire Simon capture des fragments de vérité et traduit en fiction un monde qui ne doit pas être privé de ses droits et de ses libertés. Aucun cas à part ou unique, sourires, rires, larmes de peine ou de joie, le planning familial existe pour celles et ceux qui éprouvent le besoin de s'y référer quand la famille, les amis, la médecine, ne peuvent intervenir. Après les préventions, se jouent encore le jeu des questions et des réponses qui dépasse ce cadre sociologique. Comme-ci de nos jours, chaque problème intime se révélait à part; mais ce qui se conserve, demeure bel et bien cette écoute permanente et quotidienne, indispensable au regard de milliers de femmes. Le film à partir de vrais témoignages, s'appuie sur un scénario où les dialogues retranscrivent la réalité du planning familial en France, proposant sa théâtralisation dans un cadre filmique. Le système d'interprétation phrase par phrase chez Claire Simon apparaît. Phrase de Nathalie Baye, Claire Simon filme un peu plus celle qui écoute ... Elle voulait peindre chaque visage de chaque femme . Ainsi elle rend vivant la sexualité et la perçoit moins intime pour démystifier cette aspect un rempart au tabou du corps ici principalement féminin. Autant d'écoute que de paroles symboliquement en rapport avec le pouvoir du silence, celui qui peut changer un destin …
Générique, l'ascenseur monte, étape obligée avant de parler et d'entrer dans un monde clos, fermé sur lui-même, où l'anonymat est de mise. Jeux de rôles magnifiquement joués pour les actrices et pour les acteurs, sous une direction rythmée, soutenue, concentrée sur l'effort et le talent. Coup de chapeau pour un film nécessaire, en 2008, dans une époque en réflexion sur soi, dans une démarche post-moderniste de l'humain accomplie pour mieux se connaître et mieux se comprendre. Montée au paradis ou en enfer ? L'appartement, lieu commun, immuable, principe même du planning familial, tourné dans les locaux de Marseille est un lieu de prévention autour de la contraception, de la sexualité, de l'avortement, de la vie sexuelle et relationnelle. Cet endroit est symbolique de nos jours outre son attribut social dans la société. Une vague géante a déclenché les vocations de l'encadrement social ; non le planning demeure un lieu privilégié d'écoute, de solutions dans l'urgence, ou simplement de réconfort. Sans statut défini, sans parti pris, chaque situation à part entière dessine ces portraits. Expression, émotion, visages souriant ou fermé, les sentiments défilent pour leur libéralisation, leur propre expressivité surtout quand il n'est pas possible de les montrer au grand jour. Fiction plutôt que documentaire, l'inverse des courants cinématographiques immortalise désormais l'atemporalité des relations humaines où il n'y a pas de fin en soi quelque soit les évolutions. Les problèmes demeurent sauf qu'aujourd'hui il y a plus de moyens et plus d'attention à les résoudre. Rien n'est ridicule ou dans l'ignorance de ses droits fondamentaux; quand ses droits personnels sont remis en cause, comme une non-évidence de soi. Le soutien humain avant d'être psychologique marque la concrétisation des intérêts des femmes à leur besoin d'émancipation et leur justification depuis le MLF et les mouvements sociaux. Mais moteur, fil conducteur, une image d'une situation établit la visibilité mais aussi sa posture dans la société la figeant dans sa complexité des rapports humains : parler de l'intime du quotidien. Avec un accueil cinématographique très attendu dans le cinéma des Femmes, le film prouve à quel point le regard féminin est parfois utile voir indispensable et nécessaire : dans une dimension collective se joue l'individuel. La perspective solitaire est solidarisée comme un élan face aux libertés promises par l'émancipation. Un air de vérité s'échappe de cette fiction comme une sensation de découverte et d'apprentissage de la vie.
Claire Simon la réalisatrice lors de la projection tenue au Cinéma Les Variétés à Marseille premier s'est exprimée au sujet de son film :
« J'ai envie de peindre toutes les femmes que j'ai vu au planning, les visages, les gestes, les silences et pas seulement les paroles, les jeunes et les moins jeunes, celles qui passent et celles qui reçoivent ... L'envie de parler d'autre chose et les fils que les conseillères tirent avec douceur … J'ai imaginé le système d'interprétation ... Les conseillères et celles qui viennent les consulter seraient donc à la fois distantes comme des professionnelles et impressionnantes en tant que modèles de femmes libres … Personne avant la première prise ne connaissait sa partenaire. La rencontre avait bien lieu devant la caméra avec le texte su mais l'émotion directement en fiction ».
« Desengagement » de Amos Gitaï, France, Israël, durée 1h55.
Avec Juliette Binoche, Liron Levo, Jeanne Moreau, Barbara Hendricks, Dana Ivgy et Hiam Abbass. Sortie mercredi 9 avril 2008
Rencontre avec le réalisateur Amos Gitai et la scénariste Marie-José Sanselme lors de l'avant-première du film « Desengagement » au cinéma Les Variétés à Marseille.
Comment abordez-vous le sujet ?
Marie-José Sanselme: « Il s'agit du troisième volet de la trilogie des frontières. En 2004, « Terre promise » est le premier volet. Le second volet est le film « Free zone », en 2005. L'idée de « Desengagement » est le retrait de la bande de Gaza. C'est le fils d'Amos Gitai qui a dit à l'époque que c'était incroyable ce qui se passait.. »
Amos Gitai: « Je souhaitais exposer mon dilemme dans le film. On y voit Juliette Binoche d'Avignon à la bande de Gaza. En été 2005, je me suis rendu à Gaza. J'étais contre politiquement les colonies. Mais j'ai été très touché par l'expulsion des colons. »
Pourquoi le choix de cette région en France?
M.J. S.: « Le film montre deux territoires. Une jambe à Gaza et une jambe à Avignon.. »
A.G.: « J'ai cherché un endroit entre Avignon et Aix-en-Provence, un endroit magnifique et décadent. J'ai rencontré Michel Chirinian, adjoint culturel de la ville d'Avignon, en charge du bureau du cinéma, qui lui m'a proposé Avignon. J'ai repéré cette maison. Cette lumière douce par la fenêtre c'était formidable. Le lieu a été gardé intact pendant quatre siècles. Pour Juliette Binoche, la perte de son père est un moment de sa vie, un moment un peu statique pour qu'elle rejoigne sa fille à Gaza. C'est pourquoi le choix de cet hôtel particulier à Avignon. Je suis à la fois cinéaste et citoyen. J'avais envie de comprendre tout de suite quelque chose. J'étais dans l'idée d'être submergé. Je pensais retravailler chez moi à Tel-Aviv avec ma co-scénariste.. »
Pourquoi avez-vous choisi de réaliser une fiction plutôt qu'un documentaire ?
A.G.: « Il faut parfois choisir. J'ai préféré la fiction. Il fallait de grands actrices et acteurs pour porter ce film. Je reviens sur mes origines ancestrales africaines. Mes parents et mes grands-parents sont plutôt généreux pour m'aider à faire des films. Je leur en remercie. Mes personnages sont des univers très fermés et très stables. On a l'impression avec Juliette Binoche qu'elle pousse les murs, comme dans un mécontentement individuel. Le drame est très clairement affiché. Les personnages sont dans le réel et le réel est dramatique. Je ne voulais pas faire un drame individuel. »
Parlez nous des dialogues lors de la cérémonie religieuse ?
A.G.: « Le texte est inspiré d'un grand poète israélien. Les israéliens de la bande de Gaza sont devenus des spectateurs de ce qu'ils vivaient. »
C'est quoi pour vous l'identité ?
A.G.: « Pour nous israéliens et palestiniens, l'identité est hybride. Nous sommes arrivés quelque part. Ils nous restent quelques souvenirs. On essaie de faire un voyage initiatique. Nous ne sommes pas exceptionnels. Nous sommes des gens déplacés par l'Europe de l'Est. L'identité est composite. »
Pouvez-vous nous parler du rapport entre votre film et le désengagement militaire de votre fils pendant le retrait de la Bande de Gaza?
A.G.: « Mon fils souhaitait avoir mon point de vue, mon opinion. C'est pourquoi j'ai fait en partie ce film. Il m'a dit que c'était mal de sortir les gens de la Bande de Gaza. »
La cérémonie religieuse de « Desengagement » peut-elle nous faire penser à votre film « Kadosh »?
A.G.: « Je ne suis pas religieux. J'ai une expérience spirituelle et religieuse. »
Parlez-nous de vos actrices ..
A.G.: « Juliette Binoche était très investie dans ce projet. Elle a consacré beaucoup de temps et d'énergie à son rôle. Elle a travaillé de façon studieuse. Lors de l'avant-première du film à Paris, son père lui a dit qu'elle avait fait son meilleur film. La rencontre avec Jeanne Moreau est assez anecdotique. Elle m'a dit « Do you remember me? ». Nous nous étions rencontrés quinze ans auparavant. Elle a lu le scénario et elle a accepté. C'est quelqu'un de curieux et de réel. J'ai une grande admiration pour son talent. »
Parlez-nous du scénario ..
M.J.S.: « Chaque projet a sa propre histoire. Ce scénario a été écrit sur deux ans. A chaque fois, le projet avait un nouvel élément. Il y a plusieurs étapes d'écriture. Parfois, je suis venue sur le tournage pour quelques petits changements. Amos Gitai a l'habitude de travailler à partir des interprètes comme des matériaux organiques. Il m'a proposé de travailler avec lui depuis le film « Kippour ».
Que pouvez-vous nous dire du titre « Desengagement »:
A.G.: « Le sens du titre représente le désengagement des Israéliens vis-à-vis de Gaza. C'est le désengagement des frères et des soeurs. »
M.J.S.: « C'est dialectique. Le film commence par le début des retrouvailles et se termine par la fin des retrouvailles. »
A.G.: « Dans « North by Northwest » d'Alfred Hitchcock, la montagne du Dakota ne correspond pas au paysage. Il y a des choses comme ça dans la vie qui ne passe pas dans la fiction car c'est très science-fiction. Le film n'est pas naturaliste. Ariel Sharon a assemblé les pays européens. Il y a une sorte d' « exotisme » du regard d'ici vers là-bas et inversement du Moyen-Orient vers ici. Il y a des questions sociales. Le film n'est pas naturaliste. Nous ne sommes pas dans l'imitation. Nous sommes dans l'espace des Représentations. »
AU VOLEUR de SARAH LEONOR - France, drame, durée1h36 - Avec Guillaume Depardieu, Florence Loiret Caille et Jacques Nolot.
Sélection Officielle Festival International du Film de Locarno 2009
Avant-première du Film mardi 22 septembre à 20h30 au Cinéma Les Variétés - Marseille
En présence de la réalisatrice Sarah Léonor et de l'actrice Florence Loiret Caille suivie d’un débat animé par Boris Henry
Question sur la musique du film
La réalisatrice Sarah Léonor :
« J'ai travaillé avec Franck Beauvais pour la composition musicale. Je suis partie d'un conte pour enfant pour le passage sur l'eau. J'ai écouté des heures de musique à partir des enregistrements. J'ai eu un nombre de choix. Mais c'est au montage que s'est imposée une structure musicale. La musique remonte le temps jusqu'à l'arrivée du temps des Pygmées. « Remonter dans le temps » s'est construit au montage. Cest la musique du couple qui peut se faire entendre dans la forêt . Les sons n'arrivent à surgir. Pris dans sa trajectoire. C'est la musique intérieure du couple
Les sons par la direction d'acteurs
Le rythme du défilement des berges et le rythme intérieur des scènes. Une sorte d'élan dans la seconde partie du film. Difficile à expliquer avec Guillaume Depardieu, pour lui, le cinéma c'est 24 images par seconde
La réalisatrice : scénario et acteurs
Comment raconter un moment de liberté aujourd'hui
J'ai d'abord écrit le scénario
Les acteurs sont arrivés après l'écriture du scénario. Je pensais « Qui va réussir de jouer ces personnages, cette Histoire.? » Florence Loiret-Caille et Guillaume Depardieu sont mes premiers choix. Autre question « Comment aujourd'hui dans une périphérie de Provence mais qui est forcémént limité dans le temps, décrire un « No Man's Land », les deux personnages sont des marginaux. Elle est professeur d'allemand vacataire mais elle n'est pas nécessaire. J'ai situé dans une zone délaissée , l'autoroute laissée de côté
J'estime quatre à cinq jours le voyage du couple
Notions du temps, en terme de lien, en terme de vie, en pleine nature, se tient et (retient) l'éternité
Tout d'un coup, on bascule dans un univers où le temps n'existe plus ainsi que la Mort. Instant contemporain. Cela s'arrête au cheval mort. Ils sont dans la liberté. Trouver un abri reste dans le plausible
Florence Loiret-Caille
Il y a un phénomène de générations. Sur le vol. Il n'y a plus non plus de transmission
Sur le schéma narratif classique du film noir, l'appât du gain, la beauté du gain, tout va s 'écrouler. Tout est brisé, tout est félé
Toute la partie en forêt a été écrite
Ceux sont les acteurs par leur présence qui réussissent à imposer quelque chose à l'image. Certaines scènes, dans l'esprit et les dialogues, tout était écrit.
Sur l'acteur Jacques Nolot
Je ne l'ai pas trouvé au début contrairement aux acteurs principaux. J'étais frappée par l'humanité de l'homme. Cela pouvait apporter une dimension supplémentaire. On peut dire que c'est un contre-point avec le personnage de Guillaume. Jacques pouvait apporter une sorte de dignité.
« Le chien est une présence objective. Il vient vers eux parce qu'ils sont libres. »
Capter la vie sauvage , est un probleme de production
Florence Loiret-Caille
« Quand on joue, tout est possible. Le plateau est un endroit sain. Un plaisir de rentrer en enfance. On était dans la nature. C'est un schéma plein de vie.
Ne pas voir plus que le spectateur voit
C'est un film où il n'y a pas de préméditation. Plus cette idée d'évoquer
Retour à la réalité , le froid et la faim
J'étais attachée à quelque chose du Présent. C'est pourquoi on peut souligner l'absence de mysticisme. Il y a une sorte de lyrisme noir chez Nicholas Ray. Cette force qui vient des personnages. Ceux sont des personnages jeunes. Je fais référence, je pense « Dans la Sierra », avec le couple Ida Lupino et Humphrey Bogart. L'essentiel est dans la maturité des personnages. la valeur d'une vie humaine.
Rencontre avec le réalisateur Olivier Assayas lors de l'avant-première de son film « L'heure d'été » au cinéma Les Variétés
Olivier Assayas : « Le Musée d'Orsay pour son vingtième anniversaire m'a demandé ainsi qu'à plusieurs cinéastes , Hou Hsiao Sien, Raoul Ruiz et Jim Jarmush de faire un film autour du Musée. Le film s'est imposé à moi. Il a pris forme à mon insu. Il s'est développé organiquement. Je me suis dit : « Qu'est-ce que je fais avec les musées; j'aime bien visiter les musées, mais au fond, je trouve cela morbide; si je veux représenter cela au cinéma, je vais trouver cela mortifère, mais peut-être que le sujet est justement là». Je me suis dit que que c'était intéressant de faire une sorte de croquis afin de raconter comment l'Art venait de la Vie. Et puis le projet n'a pas eu lieu. Et cette idée a continué à trotter dans mon esprit. Je me suis dit qu'il y avait quelque chose à faire du point de vue de l'humain. C'est comme si le film était né à l'envers, partant d' un zoom arrière d'une vitrine de musée. C'est un film sur la famille et sur le deuil. A un moment donné, la vie est éphémère. Le présent peut se défaire. Il y a des moments spécifiques qui se délitent, se décomposent. Quelque part, il y a cette idée de perte et la façon dont tout le monde devient orphelin de quelque chose y compris les objets d'art. C'est une famille d'artiste. Il y a une sorte d'art de vivre qui découle de l'art. Du point du vue du lieu, j'ai choisi une belle maison, proche de la nature dont la beauté ne tient pas à son opulence. C'est une maison où pour entrer d'une pièce à l'autre, on est obligé de sortir de la maison. On a l'impression que rien n'a bougé au fil du temps.
Sur la notion de transmission, c'est un chemin paradoxal. J'ai passé mon temps à fuir cette idée comme les gens de ma génération. Pour moi, la transmission n'a de sens qu'abstrait. On fait passer des idées, des convictions, un regard sur le monde, des messages. Au fond, on s'estime dégager de cette notion de transmission matérielle. Mais, dans la vie de chacun, cela revient fatalement.
Je parle de l'héritage matériel en tant que qu'accumulation de strates, c'est-à-dire l'histoire de ses propres racines. Ce qui m'intéresse dans ces oeuvres d'art c'est qu'elles représentent des couches géologiques d'histoire, dans cette maison. J'ai choisi la peinture de Corot parce que je voulais une strate lointaine, mythique, en rapport avec les origines de la famille, au début du xxème siècle. Peut-être dans l'histoire de la famille Berthier, Corot a peint là, et cela donne un repère précis dans le temps. Pour moi, c'est plutôt l'idée d'assumer cette histoire construite dans l'accumulation qui devient une sorte de fardeau. On est dans un monde où on a envie d'être leger, d'être débarassé de cela. Mais nous sommes vite rattrapés par cette idée. Même si c'est pour la refuser, ne pas en avoir usage, il faut savoir la peser. Chacun des trois enfants ont un rapport distinct à cette transmission. L'aîné est chargé de toutes les missions symboliques. Frédéric interprété par Charles Berling, n'a pas un rapport matériel aux choses. Il considère qu'il récupère une histoire et qu'il faut la remettre intacte à ses enfants. Sa mère Edith Scob le désigne. Il s'identifie au rôle classique. Son métier est d'enseigner. Sa nature est de transmettre, il a une espèce de foi en cela.
J'avais envie qu'il y ait de la vie dans le film. Les personnages sont dans le mouvement. On essaie de saisir au cinéma l'instant, ce qui n'a lieu qu'une seule fois. Ce mouvement c'est le mouvement de la vie. Dan la question du deuil, les choses se figent et se rétrécissent. L'intériorité des personnages est dûe fatalement à une forme de mélancolie. Les adolescents traversent ça de façon un peu sauvage et en même temps avec une vitalité qui leur est propre.
Jérémie, le personnage de Jérémie Rénier, est quelque part, le personnage le plus sociologiquement vrai. Aujourd'hui, il représente la génération qui a besoin de s'imposer. Il est dans une époque où on s'embarasse peu de scrupules moraux. Dans ma génération, personne ne s'intéressait à faire HEC. Aujourd'hui, c'est très prestigieux comme école pour la jeune génération. Le monde a vraiment changé. Dans beaucoup de domaines, les gens sont amenés à avoir une carrière internationale pour s'épanouir dans leur travail. De ce fait, on n'a plus le rapport à l'histoire verticale. Les racines, les origines, ont beaucoup moins d'importance. On a un rapport à l'histoire horizontale, celle qui se déploie dans le présent. Jérémie est légitime dans son point de vue. Ce qu'il dit est brutal mais c'est une brutalité qui est très en prise avec un discours véridique du contemporain. Biensûr ce n'est pas le mien. Moi je me pose les questions d'Adrienne et de Frédéric. Adrienne a intériorisé déjà l'histoire familiale. Elle le pratique dans son Art à New-York. Tout ça ne représente rien matériellement, elle l'a déjà absorbé en elle. Ce rapport à la possession ne l'intéresse pas.
Pour moi, la mélancolie a toujours été l'envers du mouvement et de l'action. Quelque fois même, le mouvement dans mon cinéma existe comme une manière de fuir la mélancolie. Cette mélancolie c'est le sentiment du passage du temps, c'est le sentiment de la perte. C'est la façon dont, au fond, on est habité par une sorte de conscience du monde. C'est le sentiment le plus concret, le plus réel face à notre rapport au monde parce que le temps passe, les choses se perdent. Plus on a une sensibilité au monde, plus on a une sensibilité à l'écoulement du temps. J'ai toujours l'impression que l'écriture a un rapport avec la mélancolie. J'ai passé mon temps à faire des films pour y échapper. Dans «L'heure d'été» c'est différent.»
« Khamsa » de Karim Dridi, France, 2008, 1H50, scope, 35mm, dolby SR/SRD. Avec Marc Cortes (Marco), Raymond Adam (Coyote), Tony Fourmann (Tony), Mehdi Laribi (Rachitique), Simon Abkarian (Le père), Magali Contreras (Rita) et Sarah-Laure Estragnat (Mélodia)
Entretien avec Karim Dridi à l'avant-première de son film au cinéma Les Variétés
« Le scénario au départ traitait des conditions de détention des mineurs délinquants en milieu carcéral. Le scénario est né de cette vision. C'est l'enfermement qui m'a donné l'idée du scénario de base. La rencontre avec le camp Mirabeau est beaucoup plus forte. Les reportages du journal télévisé montrent la condition difficile des jeunes délinquants. L'idée était de créer un pénitencier pour enfants sur l'Ile du Frioul, à Marseille. La découverte des enfants et surtout le camp Mirabeau m'a décidé à écrire l'histoire de « Khamsa ». C'est Sofiane Mammeri, Rhida dans « Bye-bye », qui m'a permis cette rencontre. Je lui ai dit : « Sofiane, je veux faire un film avec des acteurs français maghrébins. » J'ai été avec Sofiane au camp Mirabeau. Ma première réaction a été de constater qu'un tel lieu existait depuis les années 1950, à Marseille. Il est destiné aux Tziganes. Ils sont arrivés à Arras, en France, en 1419. Puis ils se sont éparpillés dans toute l'Europe. Je me suis alors demandé comment des citoyens français pouvaient vivre dans des conditions aussi déplorables. Le choc s'est produit en les rencontrant. Les personnages Coyote et Tony étaient présents. Je voulais travailler avec tous ces enfants. Toute la difficulté peut se lire sur leurs visages. Ce n'est plus une plainte mais de la lumière, de l'énergie pure. Ce serait un cliché de croire que les gitans sont solidaires entre eux. Ce serait une image d'Epinal. Il y a le camp du haut et le camp du bas. C'est différent. Ceux sont des gens du voyage. Ils veulent avoir leur caravane. Marc Cortes, le personnage de Marco, a dit lors du débat sur le film : « Moi, je vis en HLM, je n'ai pas de caravane. Il ne me faut pas de caravane pour être gitan. » Les gitans veulent abandonner les stigmates de leur condition. J'ai rencontré Marco à Port-de-Bouc. Pour moi, il a poussé comme une herbe sauvage. L'enfant qui m'a inspiré Marco a une mère droguée et un père violent. Psychologiquement, sa perspective d'avenir est difficile. Il a quitté le film car le juge pour enfant a décidé qu'il valait mieux qu'il ne participe pas à ce film. Puis nous avons fait un casting sauvage pour trouver Marco en Marc Cortes. Il dégage une telle intensité et une telle concentration qu'il a été choisi. C'est vraiment lui qui chante le Flamenco dans le film. Marc Cortès se distingue à l'école et il est dans un club de football. Les manouches du ruisseau Mirabeau ne parlent plus manouche. Ils perdent leur culture et en même temps ils n'intègrent pas la culture française. La misère est telle que tu ne peux pas venir avec une caméra dans certains camps. A l'avant-première du film, au cinéma l'Alhambra, j'ai demandé au public composé de 300 tziganes ce qu'ils ont pensé du film et la réponse a été : « C'est vrai que tu ne nous montres pas toujours sur le bon jour mais tu nous as donné l'opportunité de nous exprimer. » Ce qui m'a motivé c'est la misère noire impossible. Déjà dans mon film « Bye-bye », il y a des gens peu fréquentables comme le dealer de crack et de cocaïne dans la communauté magrébine. Il faut occulter « Il ne faut pas donner une mauvaise image ». Sofiane Mammeri a fait l'interface entre les cultures maghrébines, juives et gitanes de Marseille. Pour la préparation, durant un an et demi, nous sommes venus tous les mois dans le camp Mirabeau. Nous avions notre caravane Sofiane et moi. »