Mémoire - Mémoires
IDENTIFICATION D'UNE FEMME AU CINEMA :
L'HOMOSEXUALITE FEMININE ENTRE 1995 ET 2005
IDENTIFICATION D'UNE FEMME AU CINEMA : L'HOMOSEXUALITE FEMININE
Directrice de Mémoire :
Mme Françoise Maunier
Master 2 Recherche Cinéma
Université de Provence Théorie et Pratique des Arts Aix-Marseille I
2006-2008
Mention Assez Bien
- INTRODUCTION
- I) IDENTIFICATION ET CADRE DE PENSEE : LES ENJEUX IDENTITAIRES PAR LA BI-DIMENSIONNALITE
- 1) PRESENTATION DU CORPUS DE FILMS
- 2) LA QUETE DE L'IDENTITE DANS LA RESSEMBLANCE
- 3) DE L'ICONE, DE L'IDOLE A LA FEMME ACTUELLE : IDENTIFICATION D'UNE FEMME
- 4) IDENTIFIER ET VOIR :
LE VOIR, LE REPRESENTER COMME L'ENTRE-VOIR - 5) ETUDE D'UN DETAIL :
LA PHOTOGRAPHIE TOT DANS « HIGH ART » - 6) LE CADRE VISUEL ET LE CADRE DE PENSEE :
DE LA MISE EN ABYME ET DU DECOUPAGE FRAGMENTAIRE - 7) LIRE ENTRE LES LIGNES, VOIR ENTRE LES IMAGES
- II ) LES FORMES ET LES FIGURES DE LA REPRESENTATION DE L'HOMOSEXUALITE FEMININE
- 1) INTRODUCTION : DU DESIR ET DE LA VISION
- 2) FIGURATION DE LA NAISSANCE D'UN PREMIER AMOUR
- 3) A PROPOS DU STEREOTYPE LESBIEN :
DU CULTE, DE L'ICONIQUE AU CLICHE : UN SEUL PAS ? - 4) DE LA REPRESENTATION DU CORPS DE LA FEMME HOMOSEXUELLE
- 5) L'IMMOBILISME OPPOSE AUX MOUVEMENTS ET A LA CREATIVITE DANS L'IMAGE
- 6) DE L'INVISIBLE ET DU NON DIT VERS LA VISIBILITE
- 7 ) APPROCHES PICTURALES : INTRODUCTION A L'HISTOIRE DE L'ART
- 8 ) APPROCHES SOCIOLOGIQUES DE L'HOMOSEXUALITE FEMININE
- a ) DE LA RECONNAISSANCE DE SOI ET DE L'IDENTITE SOCIALE
- b ) GENDER STUDIES
- c ) A LA LIMITE DE L'HOMOPHOBIE :
LE REPRESENTABLE ET L'IRREPRESENTABLE - CONCLUSION
- FILMOGRAPHIE
- BIBLIOGRAPHIE
- ANNEXES
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INTRODUCTION
Un film traitant de l'homosexualité féminine propose une vision subjective “objectivisée” par un cadre, un système pré-établi mais suivant des codes propres à une vision possible de l'homosexualité. Le passage de l'identification de la femme, de l'inconnu au connu, d’après ses attributs liés à son homosexualité, dans l’histoire de ses représentations, se formalise désormais au travers de son expression. Cette thématique a été présente dès les premières heures du Septième Art. En littérature, « La garçonne », d’après le roman de Victor Margueritte, en 1922, raconte une première aventure homosexuelle devenue modèle d’émancipation des femmes. Révoltée contre le sort des femmes, Monique Lherbier, la garçonne, est une féministe indépendante. En un siècle, le cinéma a offert une vision de plusieurs stéréotypes de ce thème. En 1929, nous assistons à la première apparition d'une femme homosexuelle dans « Loulou » de G.W. Pabst. La coiffure si unique de Louise Brooks déclenche une nouvelle mode et elle est bientôt imitée par de nombreuses femmes dans le monde entier. En 1930, une femme se travestit en homme, fascine et se voit qualifiée de “merveilleuse” [1]. La tenue prend une dimension érotique. D'autres films sont produits comme « Jeunes filles en uniforme » de Léontine Sagan, en 1931. L’héroïne lesbienne de ce film est portée à la fin du film en triomphe par ses camarades de classe et offre une fin heureuse au public. Nathalie Clifford Barney [2] se reconnaît plus volontiers dans la figure de “l’amazone” que dans celle d’une “garçonne”. A cette époque, l’amour lesbien devient la face cachée et honteuse d’un féminisme qui se replie sur ses devoirs pour conquérir ses droits. La différence sexuelle n'est pas acquise. La notion de classe moyenne semble capitale non pas comme un statut économique mais comme un état d’esprit et un code moral relativement rigide. Les femmes adhèrent à une moralité qui demande qu’elles répriment leurs propres besoins créatifs et sexuels pour supporter un code social. La libération marque une seconde rupture avec une nouvelle représentation des femmes face aux changements symbolisés par la participation des femmes à la résistance pour leur accès au droit de vote en 1945. Depuis les années 20, les scénaristes et les réalisateurs américains produisaient des films érotiques implicites tandis que L’Europe occidentale s‘occupa de façon plus marginale de la question homosexuelle. Aux Etats-Unis, l’église catholique, les protestants fondamentalistes ainsi que les associations religieuses ne tolèrent pas cette nouvelle figure de la femme au cinéma. Les films sont avant tout une distraction pour “toute la famille”. En réaction à ces protestations et pour préserver leurs intérêts, l'industrie du film à Hollywood se dote d’une commission d’autocensure et d’un code strict aux règles de bonne conduite : Le Code Hays. Le sénateur William Hays l'établit en mars 1930 et il est appliqué de 1934 à 1966. Ce code cinématographique vise à dicter une morale. La sexualité fait office de censure. Ce règlement va contraindre les cinéastes à faire des prouesses pour tenter de le contourner, imitant au passage la production cinématographique de l'Europe de l’Est. Pendant plus de trente ans, aux Etats-Unis, la représentation de l’homosexualité au cinéma est sous son emprise. Durant toute cette période, aucun personnage féminin ne peut être ouvertement présenté comme homosexuelle. Il se contente d'être suggéré. Les réalisateurs vont ainsi offrir l’occasion aux spectatrices de lire entre les lignes ou, plutôt, de voir entre les images. Une partie du public apprit à décrypter les messages. Le public était à l’affût des moindres allusions. De façon générale, dès que le sujet est abordé, dès qu’une relation homosexuelle est suggérée ou qu’une insinuation à l’homosexualité de certains personnages est faite, les censeurs interdisent le scénario ou coupent les scènes. Il a fallu attendre la fin des années 60, entrant dans la grande décennie des revendications, pour la reconnaissance des homosexuelles et de leurs droits. Ces femmes vont vivre pleinement leur identité sexuelle. Cependant, la thématique de l'homosexualité féminine a dû faire preuve de patience avant d’avoir une place dans l’industrie cinématographique. Elle apparaîtra réellement à l’écran au début des années 80. Ainsi son traitement en tant qu'intrigue principale est beaucoup moins riche que son traitement allusif dans l’Histoire du Cinéma. Mais cette identité remarquable a contribué à forger la vision que les homosexuelles ont d’elles-mêmes.
Aujourd'hui, peu de scénaristes et de réalisatrices parlent d’un point de vue exclusivement féminin. Le thème de l'homosexualité féminine demeure lui-même un thème négligé. Dans l’univers du cinéma mondial, les identités homosexuelles suivent la plupart du temps l’une de ces voies convenues achronologiques :
-La première tendance est d’employer la relation homosexuelle suivant un dispositif érotique associé à l’histoire comme une idée originale supplémentaire.
-La deuxième tendance veut montrer l'homosexualité féminine comme une expérience passagère voire expérimentale de l'hétérosexualité.
-La troisième tendance montre la femme suivant une définition possible de son homosexualité au travers de sa sexualité.
-La quatrième tendance veut que l’acte sexuel entre deux femmes soit un acte amoureux au profit d'une représentation de l'homosexualité féminine.
-La cinquième tendance est de décrire l'homosexualité comme une sexualité possible avec l'hétérosexualité.
-D’autres tendances actuelles proposent de nouvelles perspectives de la relation amoureuse entre femmes.
L’espace cinématographique propose cette évolution des formes de représentations de la thématique de l'homosexualité féminine. Dans une histoire des représentations formelles et informelles se distinguent deux grands courants dans le cinéma notamment le film grand public et le film marginal dit indépendant. Dans les années 70, le cinéma homosexuel féminin s'inscrit dans le cinéma « Underground » pour se faire représenter, connaître et apprécier du public. Le cinéma des années 80, au Québec, se définit notamment en fonction d'une démarche individuelle et non en réaction aux cinéastes de la génération précédente. Dans le cinéma des années 90, l'évolution de la thématique de l'homosexualité féminine s'opère par le pluralisme des points de vue de l'auteure et des perspectives narratives engagées au travers des genres cinématographiques. Les réalisatrices s'impliquent, pour une large part, dans les étapes de la fabrication de leurs oeuvres, cumulant les tâches de scénariste, de réalisatrice, et de productrice.
Le corpus de films se compose principalement de trois films traitant de l'homosexualité féminine :
● « When the night is falling » réalisé par Patricia Rozema, sortie au Canada en 1995
● « High Art » réalisé par Lisa Cholodenko, sortie aux Etats-Unis en 1998
● « Oublier Cheyenne » réalisé par Valérie Minetto, sortie en France en 2006
L’émergence de ce thème, sa répartition et son maintien au cinéma, à partir des années 90, constituent inévitablement une part de sa définition elle-même. Celle-ci se rattache indubitablement à celle de l’auteure. Mais cette thématique est en recherche permanente de sa propre définition. Les approches esthétiques et figurales mettent en évidence les enjeux identitaires par la bi-dimensionnalité et les enjeux figuraux par l'approche théorique des corps. Ainsi la problématique centrale est axée sur la question de la visibilité de l’homosexualité féminine au cinéma, suivant un propos de Chantal Nadeau [3] :
« La circulation et la consommation croissante des images lesbiennes dans l’espace public participent du phénomène complexe d’une culture du visible. Tout en soulignant les inévitables compromis qui découlent d’une telle négociation de la visibilité, elle retrace le potentiel culturel qu’une telle marchandisation de la « différence » représente pour les lesbiennes. L’identité et le désir lesbiens sont donc analysés ici en tant que produits représentationnels aptes à être consommés autant par les hétérosexuels que par les lesbiennes, par une analyse des diverses stratégies de négociation du désir lesbien (…). La critique confronte la matérialité de l’identité lesbienne au cinéma à la valeur de l’image saphique sur le marché de l’identité. »
- [1] Marlene Dietrich dans « Morocco » de Joseph Von Sternberg, en 1930.
- [2] Nathalie Clifford Barney (1876-1972) est une poétesse et écrivaine homosexuelle.
- [3] Chantal Nadeau, auteure de l'article « Sexualité et espace public : Visibilité lesbienne dans le cinéma récent », dans la revue « Sociologie et sociétés », Volume 29, numéro 1, Les Presses de l'Université de Montréal , 1997.
● APPROCHES ESTHETIQUES ET FIGURALES :
LES ENJEUX REPRESENTATIONNELS ET LES ENJEUX FIGURAUX
● I) IDENTIFICATION ET CADRE DE PENSEE :
LES ENJEUX IDENTITAIRES PAR LA BI-DIMENSIONNALITE
● 1) PRESENTATION DU CORPUS DE FILMS
L'homosexualité féminine semble trouver des enjeux représentationnels dans les formes des récits filmiques. Dans le cinéma narratif classique, cette thématique subit des contraintes. Une théorie sert essentiellement à répondre à la question : « Le cinéma pourquoi faire ? » Le cinéma propose, depuis ses origines, un monde représentationnel régi par ses lois et ses codes propres. Cette étude se base sur une approche discursive entre la représentation unitaire de la femme homosexuelle et la figuration de l'homosexualité féminine. La question du visible s'impose dans les formes de représentations. Celles-ci apportent les réflexions théoriques nécessaires à la question de l'identification d'une femme homosexuelle puis à celle du couple à partir des différentes focalisations possibles.
● “ When night is falling ” de Patricia Rozema
A sa sortie au Canada, « When night is falling » est interdit aux moins de 12 ans. Ce film indépendant reçoit le Prix du Public, au Festival de Berlin, en 1995. Il fit de l'actrice canadienne, Pascale Bussières, une icône lesbienne et son interprétation la révéla au public français bien avant ses rôles féminins dans « La répétition » et « La turbulence des fluides » de Catherine Corsini. La réalisatrice et auteure Patricia Rozema, née à Kingston, en Ontario, a fait quelques films sur la communauté calviniste à laquelle elle appartenait. Elle a notamment fait des études de philosophie et de littérature anglaise dans un collège calviniste [1]. « When night is falling » appartient au genre classique du film de romance.
« Quand tombe la nuit » constitue un très bon exemple du style de la cinéaste en tant qu'auteure après « Le chant des sirènes », en 1987. Sa filmographie repose sur le féminisme. La réalisatrice aborde la thématique de l'homosexualité féminine dans une narration poétique. Patricia Rozema (prononcé « rose-ha-ma ») dit à propos de son film : « Dans nos vies, ceux sont les pas concrets envers nos idéaux qui disent qui et ce que nous sommes. » En tant que femme, elle explore l'homosexualité féminine dans cette idée de sacralisation de l'amour.
Camille est une enseignante dans un collège religieux au Canada. Elle donne des cours de mythologie classique tandis que Martin, son amant depuis trois ans, enseigne la théologie. Mais un matin, elle découvre son chien mort dans la rue. Effondrée, elle fait la rencontre d'une jeune femme Petra. C'est une artiste indépendante gravitant dans le milieu des Arts et des Spectacles. Elle vit à l'écart de la société, dans un cirque ambulant « Sirkus of Sorts ». Elle échange exprès les vêtements à la laverie, en y laissant sa carte de visite. Cette rencontre magique bouscule tout dans la vie réglée de l'enseignante. Camille sent naître en elle un désir homosexuel qu'elle avait jusqu'alors occulté du fait de ses convictions religieuses. Elle doute de plus en plus de ses sentiments pour Martin. Camille a secrètement le coup de foudre pour Petra et elle va vivre une passion qui va la transformer en tant que femme.
Cette histoire d'amour propose une vision de l'homosexualité féminine dans la perspective des sentiments amoureux et des identités sexuelles. Cette vision se contextualise dans le cadre des représentations des univers fortement contrastés des personnages féminins. L'univers bohème et magique de Petra, entre surréalisme et marginalité, attire celui réaliste et conventionnel de Camille restée dans la tradition stricte et austère que lui impose son métier d'enseignante. Sur fond de féerie et de romantisme, les signaux de l'identité homosexuelle et les motifs picturaux de sa représentation relèvent de l'imaginaire, du rêve et de l'illusion. Camille, interprétée par l'actrice Pascale Bussières, représente la femme hétérosexuelle. Le personnage de Petra, interprétée par l'actrice Rachael Crawford, incarne la femme homosexuelle à laquelle un large public féminin peut s'identifier. Ce film a fait évoluer la vision des homosexuelles, dans une époque de changements, au milieu des années 90. « When night is falling » parle de l'homosexualité féminine telle qu'elle peut être de nos jours, c'est-à-dire individualiste dans un monde de différences. Cet amour s'inscrit dans le cadre institutionnel religieux. Les positions rigides de l'église traduisent le rejet aveugle d'une catégorie d'individus. Les rapports de force existent à l'image autour de la relation homosexuelle créee. Une rencontre, un coup de foudre, des scènes empreintes de sensualité induisent consciemment ce désir entre femmes. La réalisatrice joue sur le contraste entre le monde intellectuel et classique de Camille et l'univers artistique et moderne de Petra.
● « High Art » de Lisa Cholodenko
« High Art » est considéré comme un film culte dans la culture « Underground ». Le film décrit un amour impossible dans un contexte de marginalisation de la communauté homosexuelle. Ce film fait partie du combat des productions commerciales distribuées en salles à Montréal, en quelques mois. Cette lutte acharnée est menée en faveur de la visibilité lesbienne. A sa sortie, en 1998, le film fut interdit aux moins de 16 ans. La réalisatrice Lisa Cholodenko dit à propos de son film : « Je pense que Lucy Berliner est un personnage fascinant, un archétype dans notre culture moderne. Il faut savoir pourquoi Syd est attirée par Lucy, ce n'est pas le désir sexuel obligatoirement. Ainsi pratiquement aucune des relations sexuelles dans le film n'est complétement achevée mais ceux sont surtout des personnages qui travaillent leur intimité. Syd s'interroge : Quel effet ai-je eu sur Lucy ? »
Syd a une vie paisible et rangée avec son ami James. Elle est rédactrice au sein d'un prestigieux magazine de photographies artistiques « Frame ». Un soir, elle fait la connaissance de sa voisine, Lucy Berliner, qui s'avère être une photographe talentueuse, disparue de la scène en plein succès. Lucy vit ouvertement son homosexualité avec une actrice allemande, égérie de Rainer Fassbinder. Dans son appartement, elle reçoit une bande bohème, junkie plutôt marginale consommant des drogues dures. Cette rencontre inattendue provoque un déclic amoureux qui va changer définitivement la vie personnelle et professionnelle de Syd. Celle-ci tente de faire revivre chez la photographe Lucy, de l'ombre à la lumière, le désir de création photographique, tandis que cette dernière voudrait susciter chez l'autre la naissance d'un désir physique à son égard.
Dans « High Art », Lisa Cholodenko conçoit un jeu d'échanges et de rencontres des personnages. La photographie est le support intra-diégétique des formes de représentations de l'homosexualité féminine. L'opacité traduit le monde de la drogue dans la scène artistique new-yorkaise. L'acte photographique et l'acte homosexuel se confondent en associant photographe et modèle, sacralisant l'union entre deux femmes. Dans cette approche par la bi-dimensionnalité, c’est-à-dire la surface comme celle de la pellicule, se révèlent les enjeux identitaires du caché et de l'intime. Dans un jeu de mise en scène des corps, l’image de la femme homosexuelle renvoie continuellement à son contexte filmique. Il y a la pensée du film et le geste de la pensée par l'acte photographique. Le cadre est dominant par la présence de la réalisatrice qui s'affirme dans l'image, se plaçant à côté de ses personnages, imposant son regard de femme. Suivant des paliers affectifs, sans tomber dans l’obsession, deux femmes vivent une liaison passionnelle. Cette notion de marginalisation de l'amour, proche de celle du réalisateur Abel Ferrara, convoque les notions d'autonomie et d'indépendance des éléments informels de l'image comme les drogues dures. La décadence de cette communauté d'artistes rend cet amour impossible entre Syd et Lucy.
● « Oublier Cheyenne » de Valérie Minetto
« Oublier Cheyenne » est le premier long métrage français de Valérie Minetto, réalisé en 2004. Ce film traite de l'homosexualité féminine au travers de la rupture amoureuse puis de la réconciliation. La réalisatrice se concentre sur l'expérience de femme en tant que femme comme entité individuelle. Ce film est une fable contemporaine sur la nouvelle précarité, le besoin de changer les choses, et la puissance de l'amour. Dans une notion de libéralisation des moeurs, par une approche métaphorique du désir, « Oublier Cheyenne » propose la thématique de l'homosexualité féminine dans l'universalisation de la forme d'amour.
Cheyenne, jeune journaliste en fin de droits rmi, quitte Sonia pour une vie marginale à la campagne. Excédée de ses problèmes, elle laisse la femme qu'elle aime pour se retrouver. Sonia, professeur de physique-chimie dans un lycée parisien fait tout ce qu'elle peut, de nouvelles rencontres, pour l'oublier.
A la fonction subordonnée d’objet de spectacle, le film est considéré comme objet de démonstration pédagogique servant à illustrer l'homosexualité féminine [2]. De l'acceptation des différences à la légitimité du statut de femme homosexuelle, « Oublier Cheyenne » établit le lien entre l'image culturelle et l'image sociologique du couple homosexuel. Valérie Minetto a présenté le film au festival de Cannes 2005, dans le cadre du programme de l'ACID. L'Agence du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion dit notamment à propos du film : « On est tenu du début à la fin du film, transporté par cette quête du désir physique, où chaque personnage, chaque histoire à l'intérieur de l'histoire ébauche une équation mentale aussitôt réfutée par ce besoin charnel de l'autre ».
- [1] Calvin est un réformateur français du XVI ème siècle, basé a Genève en 1541, et un auteur de l'institution de la religion chrétienne.
- [2] « Oublier Cheyenne » a été programmé dans le cadre des séances scolaires pour les lycéens au festival de cinéma LGBT « Reflets », à Marseille, en mai 2006.
● 2) LA QUETE DE L'IDENTITE DANS LA RESSEMBLANCE
Dans « When night is falling », les références à la mythologie sont présentes dans chacun des mondes. L'auteur réinvente le conte de fées en fonction d'une interprétation moderne de Psyché [1], symbole de l'âme humaine. Le générique s'inscrit dans cette représentation de la femme traduite par une image de l'inconscient. Camille rêve. Elle nage nue avec une autre femme, sous l'eau. Il s'agit du double imaginaire de Camille. Par un effet miroir, les deux personnages féminins se ressemblent. Les similitudes physiques sont autant d'indices que de formes de ressemblances. Pascale Bussières, le personnage de Camille, a les cheveux roux, la peau blanche, les mêmes traits corporels et physiques que son homologue féminin. Celle-ci relève de la construction imaginaire du rêve. Elle n'existe pas dans le film. Elle vit à travers la pensée de Camille. La ressemblance des corps rend difficilement discernable Camille de l'autre femme. La proximité et la nudité des corps figurent la notion d'homosexualité féminine. Ce n'est plus une « fenêtre ouverte sur le monde » suivant la notion d'André Bazin mais « une fenêtre ouverte sur un monde », ce dernier à définir, à délimiter, à cadrer. Il s'agit notamment du symbolisme de la construction identitaire de Camille. Elle va devenir homosexuelle. A travers le rêve, le fantasme, Camille se découvre au travers d'une autre femme. Ainsi naît le désir pour une personne de même sexe. Elle est attirée par l'autre qui lui ressemble. L'une est connue, Camille, l'autre ne joue pas dans le film. La ressemblance va jusqu'à les confondre comme deux soeurs jumelles, l'une imaginaire abstraite, l'autre vivante et interprète. Les images déformées par le volume, l'épaisseur de l'eau créent des dissemblances qui sont le prolongement de cette ressemblance. Le rêve ou le fantasme est cet espace invisible qui continue le visible. L'image filmique devient une représentation d'un monde imaginaire. Par le contact, le toucher, Camille n'est pas l'autre. Elles s'associent dans un temps par la forme empirique. La forme dionysiaque de cette rencontre induit les notions d'amour et de rencontre amoureuse. L'amorce, l'accroche par ce rêve introduit le désir dans la vision. Cela annonce une révélation d'ordre intime et privée et de dimension humaine. Dans la découverte de l'identique et du semblable, dans l'ordre du palpable, Camille se révèle une autre femme. La métamorphose s'opère par cette ressemblance des corps.
La musique empathique, la symphonie numéro 4 en d mineur opéra 13 composé par Antonin Dvorak, réalisé par le « West Bohemian National Orchestra » sous la direction de Stanislav Bogunia, accompagne la transformation, les métamorphoses de l'héroïne Camille. Dans cet espace clos, fermé sur lui-même mais ouvert au regard, le mythe se dévoile à travers la chorégraphie des corps et de leur nudité. Le cadre délimitant le champ laisse voir un fragment de ce monde imaginaire. Les entrées et les sorties des deux femmes constituent cet espace filmique. L'effet produit du cadre instauré se situe entre la bi-dimensionnalité et la tri-dimensionnalité. L'image du film se perçoit à la fois en termes de surface et de profondeur. L'image limitée laisse voir, dans son extension, seulement une partie de cet espace. Cette expérience sensorielle au cinéma repose sur les forces et les mouvements qui traversent l'image, la profondeur de champ et l'hermétisme du cadre. La composition musicale place contemporainement la naissance de cette histoire d'amour entre deux femmes sous la perspective du mythe. Ainsi cette figure esthétique est une forme possible de l'homosexualité au cinéma. Face à ce prototype mimétique, tout se résume à un jeu de reflets, d'ombres et d'illusions.
La lumière au centre de l'image tombe à la verticale comme une lumière plongeante. Par un large faisceau, elle est la lumière divine dans cette obscurité abyssinale. La musique accompagne, aux sons des cymbales et du charleston, la plongée du corps féminin dans ce liquide sémiotique. Cela dénote le début de quelque chose de nouveau. Cette femme est non identifiable à la première image. Cadré en plan moyen, on ne voit qu'une partie de ce corps féminin. Ses mouvements de haut en bas puis sa remontée du bas en haut, induisent toute la profondeur et l'épaisseur de cet univers. Sans voir son visage, cette forme libre de représentation corporelle est une mise lumière du corps féminin dont les contours se dessinent par la chair. Le caractère organique relève de l'ordre du palpable. L'identification est proposée dans le champ de la visibilité. Les corps sont nus dans une mise en scène de l'espace fragmenté. Cette mise en perspective narrative propose une allégorie de la renaissance de soi.
Dans cet inconscient obscur, les corps isolés sont régis par d'autres lois qui ne sont plus celles de l'atmosphère ni de la pesanteur mais celles de l'immersion, l'immersion totale. L'expression « nager dans des eaux inconnus » prend tout son sens. Dans l'irréalité et l'atemporalité de la séquence, le personnage de Camille rêve. Dans cette projection de lumière, apparaît la figure d'énonciation du thème central du film. Camille va devenir une autre femme à travers celle qui est son double imaginaire. Elle réfléchit sur elle-même par cet effet miroir, dans cet effet de ressemblance. Dans la lumière de soi, Camille cherche une vérité qu'elle veut atteindre. Les corps féminins sont en pleine mutation dans cette purification de l'esprit. La transformation s'effectue au coeur de ce ballet chorégraphique. Camille se métamorphose à partir du corps. Ce passage d'un état à un autre relève du changement d'identité sexuelle c'est-à-dire de l'hétérosexualité à l'homosexualité. Ici résonne le corps abstrait par le semblable, une figure représentée dans la construction symbolique. Par cette identification au double physique correspond un ensemble de valeurs identitaires. Dans l'atemporalité de l'action repose la notion de rêve prémonitoire et de son interprétation. Ainsi, dans cette lumière figée, statique, le corps de Camille se métamorphose par sa pensée. La figure de l'homosexualité féminine se réalise grâce aux deux personnages féminins, Camille et son double. La représentation de cette forme d'attirance pour l'autre à l'identique se conçoit dans l'attraction des corps. Dans cette séduction primitive à caractère naturelle se dessine le choix entre nature et choix. Dans l'abstraction du désir, dans cette ressemblance physique proche du semblable, les corps se confondent dans leurs courbes et dans leurs mouvements. La métamorphose de Camille s'opère dans son désir pour l'autre qui lui ressemble.
Le montage figuratif se compose de fragments ayant la possibilité de fusionner dans cette notion de ressemblance. Ainsi le regard se porte sur les dissonances en terme de différences entre Camille et l'autre femme, celle qui n'existe pas. Les dissemblances appartiennent ainsi aux changements opérés par l'effet-miroir. La révélation pour Camille se manifeste, en premier, par son désir. Par le jeu des ressemblances, Camille se découvre une autre femme avec ce changement dans la libido. Elle se voit dans sa plus grande dissemblance, “dans ce lieu presque vivant que chacun ne manquait pas de comparer, afin de boucler la boucle du Temps sacré à l'Uterus Mariae lui-même.”[2]
Dans cette quête identitaire, cette figuration se fonde sur les similitudes d'ordre physique et sur la mimétisation par le toucher corporel. Cette étude de détails distinctifs abordent les dissemblances de l'être par l'extériorisation et la vectorisation du corps, celles-là mêmes qui font sens et signification de cette métamorphose.
Dans cette figuration de l'homosexualité par les formes esthétiques du corps à corps, il s'agit des dissemblances de l'être dans sa construction identitaire par la “mimesis metamorphosis”. Le double mimétique porte la dissemblance de l'identité. Le double est cette allégorie de soi. Cette vérité jette “un pont de nécessité” entre la résurgence de soi et le regard de l'autre par le palpable. L'effet miroir par l'image du corps, perçu chez Lacan, conduit à des identifications primaires puis secondaires. Tandis que par la pensée de Freud, le principe de figurabilité, dans la question du rêve et du rébus d'image, demeure sous la forme de dissemblances. Dans cette notion de conformité, le double-régime de l'image apparaît comme une évidence. D'une part, l'inconscient, cette lumière de l'invisible, se joue dans cette représentation. D'autre part, “le devenir-femme” suivant l'expression de Gilles Deleuze, par le devenir figure du personnage de Camille ne peut pas renoncer à sa puissance de figuration. La figure isolée, le corps nu féminin, libère la figure. Ce travail d'isolement et de discontinuité prouve que le personnage de Camille a quelque chose à montrer, et que quelque chose, dans sa vie, va changer. Au travers de cette séquence, nous voyons apparaître les trois principaux états de la notion de ressemblance. Nous assistons à cet instant mythique unissant la naissance de l'image à celle de l'homosexualité. Ce champ complexe de la ressemblance humaine renvoie à la notion du champ cinématographique. La ressemblance reste ainsi un terme troublant puisqu'elle vacille en dissemblance d'elle-même, complexifiant ce rapport à la réalité. Elle est cette image-double pour atteindre le changement d'identité sexuelle.
Dans « When night is falling », l'univers diégétique commence suivant une mimésis totale. Dans ce système symbolique et culturel, la condition homéostatique, sous la fonction de transformation, part d'un déséquilibre affectif vers une conversion sexuelle qui rétablira l'équilibre. [3]
- [1] Personnage mythologique dans le roman “Les métamorphoses” d'Apulée, Editions Les Belles Lettres, 1956.
- [2] « L'image-ouverte » de Georges Didi-Huberman, 408 pages, éditions Gallimard.
- [3] « La fable cinématographique » de Jacques Rancière, 243 pages, éditions Seuil, 2001.
● 3) DE L'ICONE, DE L'IDOLE A LA FEMME ACTUELLE : IDENTIFICATION D'UNE FEMME
« La conception de la femme comme idole, objet d’art, icône et entité visuelle, constitue après tout le premier principe de l’esthétique du film comme médium visuel et des réalisateurs aussi différents que Harry Cohn et Michelangelo Antonioni y ont adhéré. » [1] Jacques Aumont conçoit les tentatives d'examen théorique des notions empiriques telles les notions du champ ou du plan et de la notion d'identification. Celle-ci est destinée à produire du sens par l'expérience sensorielle et d'explorer les capacités de focalisations et d'identifications au cinéma. Vers l'identification au personnage de la femme homosexuelle, la focalisation n'est pas évidente de prime abord.
La fabrication d'héroïnes homosexuelles, en tant que personnages principaux, demande nécessairement une scène d'exposition explicite sur le statut d'être homosexuelle. L’identité sexuelle se métamorphose, se transforme au profit d'une nouvelle représentation de la femme. L'identification aux personnages permet de définir des traits spécifiques et aspécifiques de l'homosexualité féminine, dans un culte identificateur au montré dans un contexte donné. Après avoir identifié les personnages homosexuels, l'artiste Petra Soft, dans « When night is falling », la photographe Lucy Berliner dans « High Art », le couple Cheyenne et Sonia dans « Oublier Cheyenne », le rapport des identités sexuelles autour des personnages féminins est formel. L’identité sexuelle demande une identification par les différentes focalisations possibles. Dans la notion de repères cinématographiques, à travers le désir homosexuel, identifier se fait valoir au détriment de la différenciation des sexes. Mais le profilmique est au service de l'afilmique dans ses différences. L'identité homosexuelle est une entité considérée à part entière. L'enjeu identitaire devient ainsi un des principaux enjeux filmiques.
Dans « When night is fallling », Camille entre dans un monde féerique qui lui est jusque-là parfaitement inconnu. Un événement dramatique, la mort de son chien, la bouleverse et la conduit à faire la rencontre de Petra. Elle s'identifie d'abord à Petra par la tenue vestimentaire avant de succomber à ses charmes. L'évidence de l'identification vient de cette différence d'abord de statut dans la société puis de l'identité sexuelle. Camille est une femme hétérosexuelle et Petra est homosexuelle. Les deux personnages de par leur sexualité divergente s'attirent dans un schéma de séduction féminine. Petra séduit Camille. Cette oeuvre filmique est composée de séquences d'amour montrant explicitement le rapport sexuel attrait à l'homosexualité féminine sur la bande sonore de Lesley Barber. De la femme seule, identifiée comme homosexuelle, se crée la notion de couple. Du sacré à travers le récit, le film est construit sur la structure du conte de fées.
La focalisation et l'identification sur le personnage principal de Syd sous-tendent la tension dramatique chez « High Art ». Elle devient cet élément formel pour décrypter l’informel. Le hasard puis le désir la conduit à une passion amoureuse avec Lucy. L'identification au personnage de Lucy est plus complexe de part sa marginalité informelle. Ce personnage proche de l'androgynie se décrit dans une forme de décadence. Les personnages autour de Lucy consomment également des drogues dîtes dures comme la cocaïne et l'héroïne. Les Camille et Petra puis Syd et Lucy, convoquées lors des scènes d’exposition, dans un rapport d'inversion, sont les éléments formels et informels de composition de la représentation de l'homosexualité féminine. La rencontre amoureuse de Camille et Petra s'inscrit dans un rapport mythologique comme la figuration du couple de femmes. Dans un rapport informel à la dramaturgie, l'histoire de « High Art » peut faire penser au schéma du roman
« Tristan et Yseult » de Béroul. Syd comprend qu'elle aime Lucy quand celle-ci meurt d'une overdose. Lucy Berliner devient cette légende lesbienne. C'est pourquoi cette femme reste dans sa sacralisation, sous une forme iconique unique. « High Art » fait référence à cette culture « Underground » pour se situer dans le contexte de la scène artistique. Au travers de l'idole, du culte, l'image reste une empreinte, trace de cette existence filmique [2]. La béatification de l'image, cette immortalisation est un symbole fort de la représentation de l'homosexualité féminine. Dans « When night is falling », la fable comme structure d’intelligibilité, propose l’argumentation des personnages de Camille et de Petra identifiables au niveau de la sensibilité. Le passage de l'identification féminine à l'identification homosexuelle marque cette nouvelle contradiction parallèle chez les héroïnes cinématographiques.
L'identification au personnage homosexuelle demeure une probabilité non négligeable au vue de l'impact de ces films à leur sortie. Leur chronologie et leur anachronisme dans ce rapport tertiaire et analogique entre passé, présent et futur commande un devoir de constat. Il est une formalité, de nos jours, de consentir le sexe comme une réflexion indispensable à notre condition sexuelle, réflexion somme toute liée à l'impossibilité castratrice de vivre la sexualité de surcroît l'homosexualité. Puisque cette sexualité propre pourrait revenir dans le nihilisme le plus total à aimer son propre et unique sexe. Ces correspondances signifiantes avec peu de signifiés démontrent toute l'envergure et l'importance d'un sujet à ce jour peu ou mal traité dans son rapport à l'image. Icônes, idoles, ou femme actuelle, ces personnages féminins démontrent la force et l'influence de l'image à exposer le personnage de la femme homosexuelle, et donc à le focaliser.
- [1] « Esthétique du film », Jacques Aumont, Alain Bergala, Michel Marie, Marc Vernet, 238 pages, éditions Nathan Universités, 1997.
- [2] « Le destin des images » de Jacques Rancière, éditions La Fabrique, 2003.
● 4) IDENTIFIER ET VOIR :
LE VOIR, LE REPRESENTER COMME L'ENTRE-VOIR
Dans le corpus de films établi entre 1995 et 2006, l'univers intime des couples est montré au profit de la représentation de l'identité sexuelle. Les formes de représentations énoncées dans cette étude se proposent être un ensemble non exhaustif de la figuration de l'homosexualité féminine vers la question de la visibilité. L'esthétique du film, dans ce contexte, associe la réflexion sur les phénomènes de signification à la formalisation de messages artistiques. Elle sous-entend une conception du beau, du goût et du plaisir du spectateur comme du théoricien. Elle dépend de l'esthétique générale, discipline philosophique qui concerne l'ensemble des arts. Nous interrogeons les données de création, de réalisation et de réception de ces oeuvres filmiques comme des mécanismes de production artistique sur le sujet de l'homosexualité féminine. Le grand axe de cette thématique vise à écrire une histoire de la création esthétique dans ses relations à l'histoire politique et sociale. Nous travaillons certaines représentations esthétiques par les théories.
Susan Sontag dit à ce propos : « Les homosexuels ont fondé leur intégration dans la société sur la promotion du sens esthétique » [1]. La représentation de la femme au travers de la thématique de l’homosexualité féminine au cinéma permet de voir, d'entrevoir l'invisible de cette quête identitaire. Le couple Camille et Petra ainsi que le personnage de Lucy sont crées en tant que formes iconiques de la femme homosexuelle. Cachée puis révélée à l'image, l'intimité s'exprime au détriment de la pudeur. La production cinématographique tend ici à réduire au minimalisme l’acte amoureux en lui-même par l'acte sexuel comme une priorité à sa définition. Du film de représentation au film de sensation, s'impriment spontanément les effets de plaisir, d’inconnu, de séduction déployés au profit de l’érotisme de la scène. La condition homosexuelle se véhicule au travers des différentes formes de représentations. Mais celles-ci s’engagent à la reproduire par le schéma du désir amoureux, de l'informel au formel, au service de son axiomatisation. Dans l’attente de l'éclaircissement de la relation amoureuse entre femmes, la subjectivité traduit un contexte qui lui a été jusqu’alors hostile. La représentation unitaire de la femme homosexuelle caractérise d’une façon la forme de solitude qu'il est possible de percevoir non plus dans ses différences mais dans sa condition propre d'objet unique. Syd est l'objet du désir de Lucy tandis que celle-ci est un objet de désir en lui-même. Pour Chantal Akerman, « la haute solitude » est cette forme unique, étrange presque, marquant l’errance dans le mouvement comme la figure de soi en éternelle représentation de soi. L'image sert le texte. Ce qui nous est montré est une image entre l'abstrait et le concret, entre l'homosexualité féminine et la femme homosexuelle. La représentation de cette sexualité dans son entité relève d'une partie d'elle, au départ, infime et cachée, laissant le doute quant à son origine. La conséquence de cette affirmation sexuelle au sens de volonté personnelle est montrée dans la dualité, l'ambivalence entre nature et choix de la sexualité.
Ces représentations de la femme homosexuelle, dans le corpus de films, offrent de véritables repères esthétiques à partir des codes filmiques. Elles retravaillent les formes et les figures de la femme. Elles peuvent s’associer ainsi au champ cinématographique en tant que tableaux ou séries de représentations. En fonction des évolutions formelles de la condition homosexuelle, le voir nous permet d'entrevoir, lui accordant une grande force de mutation dans l'image. Les réalisatrices construisent leurs personnages homosexuels non pas comme des personnages atypiques mais bien comme des personnages typiques soit reconnaissables. Des codes formels chez l'identification de la femme homosexuelle se maintiennent au travers du corpus comme le regard, la tenue vestimentaire [2] et les postures suivant la notion du « Camp ». Il est défini par Susan Sontag [3] suivant quatre éléments : L'ironie, l'esthétisme, la théâtralité dans la surreprésentation de soi et l'humour. L'ironie dans la différence entre masculin et féminin permet cette neutralisation dans les personnages. Elle désigne tout contraste hautement incongru, déplacé entre un individu et son contexte. Cette théorie est acceptée dans la décontextualisation du film comme une entité culturelle à part entière et autonome. Ce concept utilise les genres cinématographiques pour son évolution dans ses formes de représentations.
La part secrète de l'homosexualité s'avère ainsi en recherche permanente de quelque chose de possible dans le champ de la sensibilité. La femme cinéaste tend véritablement à rendre compte d'une vision au monde qui se soumet désormais à sa définition.
La représentation de la femme homosexuelle renvoie à l'image de son homosexualité et à l'homosexualité féminine puisqu'elle se construit et construit un genre sexuel. Elle devient une double définition en soi. Ce personnage n'a pas le même rôle ni le même statut en fonction de l'angle sous laquelle elle est perçue soit sa focalisation. Le cinéma offre des possibilités de monstrations dans la notion du pouvoir de montrer. Il s'agit bien sûr de pouvoir dans la monstration [4]. Mais la représentation conserve une part de l'énigme identitaire et ne développe que certains aspects de l'identité sexuelle. Elle rejoint donc les notions de plaisir et de désir comme naturelles. Elle permet de rétablir la femme homosexuelle comme une femme qui existe et qui se nomme sachant que ceci n'est plus la priorité pour la communauté homosexuelle mais bien plus celles des féministes. Les genres sexuels se distinguent en fonction des groupes d'appartenance au régime représentatif [5]. La femme ne veut plus être une femme mais elle veut être reconnue c'est-à-dire vue comme une homosexuelle. La distinction entre femme et homosexuelle prime au détriment de son pouvoir. La crise de l'image provoque une représentation non totalement satisfaisante. L'image de la femme homosexuelle est désormais juger dans la question du vraisemblable et de l'invraisemblable de sa représentation impartie. Filmer l'insaisissable demeure en cette femme inconnue comme les personnages d'homosexuelles de Lucy, de Petra ou encore de Cheyenne non définissables d'un simple regard. Le passage d'être une homosexuelle à être homosexuelle s'établit au détriment de la compréhension de sa représentation multiple. Cette dualité dans la représentation constitue un des enjeux représentationnels dans le concept pictural. Il s'inscrit dans l'évolution du concept de représentation de l'homosexualité féminine sur la période étudiée, entre 1995 et 2006.
Ce concept induit la notion de cycle de représentations ou encore celle d'ensembles de représentations aléatoires. Le cinéma demeure ce lieu, cet espace scénographique pour défendre le caractère universel de l'homosexualité féminine et son éternel combat contre sa représentation marginale. Le constat de production de sens dans sa définition permet l'évolution des mentalités. Dans le corpus de films, les arts s'inscrivent comme les supports majeurs de la représentation de l'homosexualité féminine dans une forme de communication, d'une collecte d'informations au sens culturel au profit des revendications liées à son statut.
L'être, l'état homosexuel.
Les focalisations certes aléatoires et discursives pour élargir le terme de la discursivité, s'exposent à de véritables mutations. Le terme ici employé fait référence au travail de Nicole Brenez [6], sur la défiguration partielle ou totale de l'être. Ce prix à payer conduit au danger de l'image fausse et défigurée dont le pouvoir d'invocation se traduit au travers des sommes de ses formes et de ses équations. Un processus de distanciation est nécessaire face à ces formes de représentations somme toutes fabulées, rêvées, imagées ou encore indicielles sur la condition d'être homosexuelle en ses propres limites statutaires. Mais tout serait essentiellement subvenir à son image si le principe sensoriel [7], devenait le seul et véritable impact de sa perception.
Dans « Oublier Cheyenne», les limites du récit s'imposent entre classicisme et modernité. La voie de la modernité peut se profiler comme la voie nécessaire à l'accomplissement de cette thématique pour en terminer peut-être avec les représentations fictives, en ce sens, fausses et défigurantes. L'état homosexuel libéré de toutes contingences physiques et morales, s'acquiert le droit d'exister dans son individualisme qui le contraint à ouvrir les yeux sur le monde qui l'entoure et devenir l'être homosexuel. Une relation particulière se crée entre le voir de sa propre subjectivité encore considérée comme la subjectivité de l'être et l'être vu dans une subjectivité qui n'existe pas, dans le sens inventé.
Pertinemment, l'être femme en qualité et statut d'homosexuel n'existe qu'à travers certes de son propre regard mais ainsi à travers le regard des autres à chaque instant, dans l'évènement. Dans une démarche connue d'acceptation de l'autre, l'objectif est cette neutralité du voir se situant entre subjectivité et objectivité. La femme homosexuelle cache ou bien nihilit les stigmates des différences. Elle peut ainsi confondre sa propre différence avec celles qu'on lui fait percevoir. Mais l'état des différences est reconsidéré, aujourd'hui, dans le sens de la différence propre à soi-même pour éviter cette amalgame. Cet état reste un problème non résolu et fabriqué par la société, celle-là même qui refusa d'y accepter cet ordre non naturel mais déjà considéré comme le choix d'un état.
Une femme différente propose une sexualité différente. Ainsi ce lien permanent de l'adjectif et du nom provoque le malaise et le mal être en cette référence appendicielle d'une condition qui se fabrique mais qui n'existe que si finalement elle est perçue. Ainsi le cinéma propose cette ouverture par le drame, le film de genre pour accentuer tout d'abord le personnage féminin homosexuel comme personnage de dramaturgie moderne et l'insérer dans un paysage cinématographique où son traitement a demeuré, à ce jour allusif ou secondaire. Voir ainsi ne suffira pas. Il faut admettre la différence sans forcément la comprendre et insister sur le fait que l'homosexualité féminine n'est pas un statut professionnel ou encore un statut familial mais le résultat d'une construction identitaire seule ou en couple.
Le choix du corpus de films établit ce rapport du féminin par le féminin. Le schéma narratif classique hollywoodien, est défait de ses totales fonctions chez « When night is falling ». Au travers de « High Art », l'exemple est éloquent. Pour simplifier, le cinéma montre le sexe et propose par facilité ou par dénégation une réalité trop abjecte de refus et de non consentement à cette acception. Les dissonances sonores chez « High Art » peuvent s'entendre comme l'anomalie dans le canal de communication entre les pays puisque cette question n'est plus soulevée, déjà camouflée par la question de l'interdiction à l'image de la nudité. Cette monstration du sexe féminin provoque ainsi le minimalisme de cet état comme la condition inexorable d'une monstration ni drapée, ni voilée. Chaque film étudie ainsi le couple de femmes homosexuelles, en un hymne à l'amour, comme une révérence, en cette fin de siècle, au cinéma expérimental [8].
- [1] « Cinémas homosexuels » de Jean-François Garsi, éditions Papyrus, 1983.
- [2] Se référer à l'interview en annexe de la réalisatrice Veronika Minder, auteure du documentaire « Le bal des chattes sauvages » ( Suisse, 2005, durée 1h27 ).
- [3] « Cinémas homosexuels » de Jean-François Garsi, éditions Papyrus, 1983.
- [4] « Le partage du sensible : Esthétique et politique » de Jacques Rancière, 80 pages, La Fabrique, 2000.
- [5] « La fable cinématographique » de Jacques Rancière, 243 pages, éditions seuil, 2001.
- [6] « De la figure en général et du corps en particulier » de Nicole Brenez, 466 pages, éditions De Boeck Université, 1998.
- [7] « Francis Bacon, logique de sensation » de Gilles Deleuze, éditions Seuil, 214 pages, 2002.
- [8] L'oeuvre du cinéma expérimental de la réalisatrice homosexuelle Barbara Hammer.
La thématique de l'homosexualité féminine est le sujet de l'intrigue principale comme objet de désir et sujet de désir. Le film culte propose ainsi une identification possible de la femme homosexuelle, dans les limites de sa représentation, comme pour mieux réintégrer la condition homosexuelle dans la condition humaine.
Ainsi il n'y a pas une représentation de la femme homosexuelle mais des représentations de la femme homosexuelle. Dans la démarche classique cinématographique s'inscrit une démarche moderne d'appréciation de soi au travers de l'identification. Ainsi la femme homosexuelle adopterait un comportement normatif après avoir été identifiée comme homosexuelle et acceptée en tant que telle. Cette révélation conduit à la voir dans sa forme de représentation d'homosexuelle dont le nom se distingue désormais de l'adjectif.
● 5) ETUDE D'UN DETAIL :
LA PHOTOGRAPHIE « TOT » DANS « HIGH ART »
Le détail, pour une histoire rapprochée des représentations de la femme homosexuelle, fait corps entre sens et image. Le gros plan de la photographie « TOT », dans « High Art » relève de l'image iconique. Il s'agit d'une greffe iconologique camouflée par la prise photographique. Par le montage narratif, elle manifeste la stratégie de séduction de Lucy pour Syd. Elle induit la problématique de la visibilité. C'est un détail culte qui fait évènement. Il peut contredire la notion d'instantanée par son aspect atemporel mythifiant. Il est le contre-point dans le dispositif de la représentation de la femme homosexuelle. Cette photographie est déterminante dans l'enjeu représentationnel puisqu'elle est une énigme en soi. Paradoxalement le détail apparaît en gros plan, représentation d'une jeune femme homosexuelle au regard expressif avec son amie à son épaule. Ce portrait cultissime se donne comme part de vécu, comme un sens à une vérité. Cette extraction du réel par la photographie permet de conserver une représentation. Cette simple image renvoie au concept des genres homosexuels par le style, l'expression et par la posture. Ainsi en qualité de mémoire, il peut s’inscrire comme preuve de la crédibilité et de l'existence d'une condition homosexuelle dans le monde des représentations. Cette difficulté de mettre en forme une objectivité de l’esprit face à cette image se confond avec l’'ambiguïté de ses attirances. Cette expression de la personnalité, devient le symbole de l’extériorisation de soi, se révélant sous le titre «TOT» dans sa forme au profit d’une identification visuelle soumise aux lois de la perception. Cette identification de l'image, par le jeu des focalisations de Syd et de Lucy induit la notion de désir comme ce lien formel entre désir de l'image et désir pour l'image. Le rapport de séduction s'inscrit à nouveau dans cette stratégie scripturale.
La photographie « TOT » évoque une autre photographie, celle de la fille allumant une cigarette, dans l'analogie de l'élément du collier. « TOT » peut signifier le prénom de cette fille dont l'expression du regard ressort par la lumière perçue dans le noir et blanc. Le titre « TOT » dessiné en grosses lettres noires illustre bien cette photographie. Ce portrait, ce cadre dans le cadre, peut signifier l'allégorie même de « TOT » par « petit verre », ou « bambin », ou encore « tout petit », caractérisant la femme homosexuelle. Mais il peut signifier aussi l'expression d'une métonymie de cette image comme une appellation restreinte, une caractéristique précise de cette homosexuelle. « TOT » peut être cette partie du verbe « to tot up to » signifiant « s'élever à », ou « totaliser », comme une représentation allégorique d'une génération. L'association du nom et du verbe pourrait s'interpréter comme une définition de l'homosexualité féminine au travers de sa représentation dans les identités sexuelles. Cette expression « TOT » peut connoter soit l'expression du regard si cette femme est petite, soit sa forme d'amour dans son homosexualité, soit encore une expression de l'alcool, « un petit verre », comme un surnom lié à ce qu'elle aime comme drogue. Femme objet ou objet de désir, l'énigme persiste. « Tout petit » et « à totaliser » prennent aussi cette forme de saturation dans ce regard de boxeuse, les épaules courbées en avant, le visage de sa copine posé sur son épaule. Cette fille serait cette rebelle. Mais l'expression « TOT » demeure et fige cette représentation. La main de la fille tire le collier comme si cette femme pouvait se laisser prendre par cette chaîne. Ainsi l'image de l'idole levant les yeux, rejoint la notion du verbe « s'élever à », comme si son regard devait s'élever à la prise photographique. Ce sens crée un lien avec Lucy dans l'énigme, proposant l'idée que Lucy a pu arrêter la photographie dans la question de la captation de l'image. Cela établit un rapport formel entre être capté et capter une image, niant les positions entre photographe et modèle.
● 6) LE CADRE VISUEL ET LE CADRE DE PENSEE
DU CADRE DANS LE CADRE : DU DECOUPAGE FRAGMENTAIRE
Barbara Hammer a adopté une multiplicité de points de vue de l'image de la femme homosexuelle, se mettant elle-même en scène en tant que cinéaste homosexuelle. Elle a notamment construit un projecteur rotatif de manière à pouvoir montrer ses films sur plusieurs supports architecturaux [1]. Ce concept figural évoque la multiplicité de la représentation même de l'image. Dans « High Art », l'usage de la photographie dans l'image cinématographique, cette mise en abyme de l'image propose, par la bi-dimensionnalité, plusieurs figures d'énonciation de l'image, notamment la ressemblance du cadre avec le cadre puisque l'image est délimitée par un cadre.
Le cadrage reste invariable, ce qu'on appelle le plan fixe. L'invariable implique donc la notion de variable. L'invariant n'est plus le plan fixe comme clé de voute mais bien l'image photographique dans le cadre. Cette image dans l'image manifeste un souci de l'équilibre. Chez « High Art », la photographie mise en abyme conçoit un contexte atemporel mais aussi culturel. L'espace privé rejoint l'espace public. Détecter ce cadre comme cet élément dans le champ, délimité encore par le cadre filmique, implique les notions de hors-champ et de hors-cadre. Le cadre photographique manifeste encore un souci de cette expressivité dans la composition du cadre, notamment lorsque l'image est immobile telle qu'on la voit lors d'un arrêt sur image grâce au gros plan d'une photographie.
L'image photographique est limitée dans son extension par l'action de cadrer. Ce fragment d'espace imaginaire, contenu à l'intérieur d'un cadre, ressemble à une énigme. Ce qui nous est montré, notamment les photographies dans « High Art », travaille cette fixité en contraste avec le mouvement permanent des va-et-vient des personnages et de leur position semi figée, semi-statique, sous l'emprise des drogues. La photographie, cet autre champ dans le cadre crée cette impression d'analogie avec le réel filmique. Cette mise en abyme réussit à faire oublier non le cadre qui reste toujours présent dans la perception, mais le fait qu'au-delà du cadre il n'y a plus d'image. Ainsi le champ de la photographie, inclus dans un champ plus vaste, serait la seule partie visible du manque à l'image.
Ce cadre crée une réalité à ce monde fictif. Il peut ainsi se définir comme un élément redondant du personnage, l'image de l'image, comme référent visuel statique face à son mouvement.
L'appréhension de la représentation filmique vient de cette bi-dimensionnalité. Ainsi la mise en abyme propose de réfléchir sur le cadre et donc sur la représentation même qu'elle peut en donner. La notion de cadre analogue dans sa fonction à celui de tableau devient une abyme réflexive, se définissant comme image filmique. Elle caractérise cette double fragmentation du cadre et par conséquence cette dualité chez les personnages. l'image se reproduit mais ce n'est déjà plus la même image.
Dans le générique, le premier gros plan de la diapositive annonce et fait lien avec la mise en abyme des photographies de Lucy Berliner. Elle indique déjà une sérialité dans l'image, cette notion de reproduction de l'image. Puis, la diapositive de la fanfare, image du son dans le générique, annonce la reproduction d'un monde en tant que duplication. La dimension humaine se lie à la dimension photographique par les rapports qu'entretiennent Syd et Lucy à l'image. Cette nouvelle dimension reste formelle tandis que les personnages féminins siègent dans la dimension fictionnelle. Le plan des mains de Syd tenant le petit cadre dans le grand cadre énonce une perception analytique de l'image. Les diapositives renvoient, dans la notion de mise en abyme de l'image, au sens premier du détail comme détail à percevoir. Syd analyse l'image. La spectatrice voit ce que Syd analyse. Ces focalisations associées à cette représentation de l'image contenue dans l'image annoncent ce dédoublement de la perception de l'image, celle de l'objet et celle du sujet. La mise en abyme de la différenciation entre nature et choix de l'image établit un lien avec le rapport entre nature et choix dans l'homosexualité féminine.
Le récit séculaire démontre la multiplicité des regards possibles. Une image plus une image ne fait pas deux images mais une variété d'images et de points de vue. Syd étudie une image alors que la spectatrice l'étudie à son tour. Le rapport entre image montrée et l'analyse de l'image, cette dualité se positionne aussi dans le rapport du photographe et du modèle. L'affiche du film, la photographie de Syd et Lucy, est elle-même une abyme de l'image dans cette représentation de l'homosexualité féminine.
Le titre « High Art » fait référence à la photographie comme art incarné dans l'art cinématographique. L'image dans l'image, cette mise en abyme permanente, connote le passage de l'illustration à la démonstration d'une représentation. Dans le générique, l'amorce du gros plan d'une diapositive est un rapport formel au cinéma dans l'évidence même de sa forme de représentation. Le jeu et la loi de la sérialité de l'image confirment ainsi cette forme du regard vers l'infini.
Dans « High Art », les référencialités photographiques partagées entre le directeur de la photographie Tamy Reiker, la photographe Nan Goldin et la photographe Jojo Whilden, dans la correspondance, induisent la notion de hors champ comme étant le monde de la photographie. Champ et hors champ sont corrélatifs. La représentation de Syd se situe dans la fixité du portrait dans le dispositif filmique. Par la concentration établit sur son visage, elle propose ce contrepoint aux rapports de la mise en abyme photographique avec l'image filmique. L'image de Syd est iconique dans sa représentation au sens de position immuable. Le personnage de Greta, cette actrice qui joue une actrice, établit le parallèle entre la mise en abyme du personnage dans « High Art » et la mise en abyme photographique, dans la notion d'apparence comme être et paraître dans l'image par l'effet bi-dimensionnel de la représentation.
Dès la rencontre entre Syd et Lucy..
Quand Lucy ouvre la porte de son monde à Syd, une photographie dans un cadre montre une jeune femme brune avec des lunettes, à l'arrière d'une voiture, pouvant faire penser prémonitoirement à Syd, connotant la séquence de Syd et Lucy dans la voiture. Syd observe les photographies de Lucy dans la salle de bains. La photographie montrant deux femmes homosexuelles après l'amour, est déjà cette mise en abyme de l'image photographique associée à une mise en abyme de l'homosexualité féminine comme partie intégrante du monde de Lucy. Cette image reflète le couple de femmes homosexuelles plus communément nommées « lesbiennes ». Une photographie d'une femme seule en sous-vêtement infirme cette intimité cachée puis révélée. La sexualité est elle-même une mise en abyme textuelle par cette représentation du couple de femmes homosexuelles dans leur intimité. La duplication de cette mise en abyme photographique s'accorde avec la notion de duplication de la représentation de l'homosexualité féminine.
Sa représentation unitaire demeure partielle. Ainsi s'inscrit le temps dans l'image. La représentation est désormais acceptée. Les différentes focalisations inculquées à cette mise en abyme induisent le pluralisme des points de vue sur la thématique de l'homosexualité féminine.
La composition à l'image.
Les tableaux au mur, exposant les photographies de Lucy sont autant de cadres à l'image, en arrière-plan. L'étagère en bois, faite de planches en bois, en des lattes verticales et horizontales, renforce la symétrie et la notion de cadre dans le cadre. Le personnage d'Arnie, le meilleur ami drogué, est flou au premier plan, laissant l'ouverture à une mise au point totale sur les photographies, jusqu'à nier la présence des personnages. Les effets de cette introspection dans un monde par le vecteur de la photographie conservent cette notion d'indices dans l'énigme. Du fragment de vérité dans la fiction, la représentation de la photographie sert de clé à l'image. Mais la représentation figée des femmes homosexuelles relève du constat du cernable dans l'indiscernable. Voir n'est plus suffisant. Montrer est une façon de voir. Ici montrer pour voir ne suffit plus. L'énigme dans un monde fragmenté reste entière. Ici encore l'homosexualité féminine peut être montrée mais ne se révèle pas.
La photographie factorielle de la relation entre Syd et Lucy devient cet élément formel dans la quête du désir amoureux. La représentation du couple de femmes homosexuelles dupliquée par la différence de la taille des plans fait office de repère photographique chez l'analyste de l'image Syd. Elle est déjà perçue différemment pour Lucy, la photographe. Celle-ci, ayant maîtrisé tous les temps de la photographie, ne la conçoit pas dans le futur par rapport au temps de la prise photographique et de la mise en abyme. Dans la focalisation, Lucy ne souhaite peut-être pas qu'on s'identifie à elle. Ce possible refus de l'identification personnelle est au profit de la représentation de l'homosexualité féminine en tant que couple. Syd, elle, continue sa vie à la fin tandis que Lucy meurt parce qu'elle ne peut accepter cette identification ce qui remet en question le principe entre nature et choix. La nature serait-elle moins acceptée que le choix dans l'homosexualité féminine ?
Dans le salon, la tête de Greta, dépassant du cadre, au premier plan, est floue. Le champ prend moins de valeur que le cadre. Ainsi, il y a une tentative de hors-champ elliptique au profit du hors-cadre. En arrière-plan, la photographie de Jojo Whilden, un chauffeur et une femme brune aux lunettes, le tableau à l'entrée de la porte, induit que le détail dans la photographie n'est plus considéré comme symbole mais comme un signe total soit le signifié et le signifiant au même titre qu'un personnage. La redondance de la mise en abyme photographique s'accorde avec la notion de duplication de la représentation de l'homosexualité féminine. Sa représentation unitaire demeure partielle. Quand la photographie est en mouvement, quand l'image fixe devient une image animée, le temps s'inscrit dans l'image. C'est « le temps qui s'imagine » que la représentation de l'homosexualité féminine est désormais acceptée.
Après le découpage fragmentaire dans le cadre, la mise en abyme totale apparaît dans la notion du cadre photographique comme étant le cadre filmique. L'expression de la femme devient celle de l'image. Cette représentation n'est plus celle d'une femme homosexuelle mais celle de son image comme la sensation que procure cette expression. Elle se contextualise dans la notion d'expression de la représentation de l'homosexualité féminine. De son expression figée à son expression mise en mouvement, la sensation se dégage au profit de l'évolution de la représentation de l'homosexualité féminine.
L'identification aux personnages féminins représentés au sein d'une surface plane par les moyens de l'image filmique puis de la photographie, résulte d'une perception particulière des représentations reposant sur des conventions esthétiques qu'il faut détecter pour en saisir toutes les significations. Ce qui conduit l'usage de la photographie à être un dispositif de distanciation face à la représentation de l'homosexualité féminine et de son monde.
- [1] « Cinémas homosexuels » de Jean-François Garsi, éditions Papyrus, 1983.
● 7) LIRE ENTRE LES LIGNES, VOIR ENTRE LES IMAGES
La représentation d’un couple homosexuel porte une responsabilité vis-à-vis de la société et de ses évolutions en la question de l'intégration de cette image. La société des images permet une réflexion sur l'image de l'homosexualité féminine alors que la société en parle peu, ne sachant pas bien la définir. Elle ne parle que de ce qu'elle semble connaître. Elle émet des hypothèses en effets de surprises et en effets de redondances mais elle n'indique pas le vrai sens des images. L'image parle d'elle-même. Elle s'offre à nous dans l'idée de voir avant de comprendre puis de comprendre pour voir. Les résonances entre ces notions à l'étude proposent ainsi une corrélation de sens et une discursivité entre le voir et le comprendre. Comprendre peut s'entendre dans le sens d'admettre et donc quantifie le pluralisme du sens de comprendre. Ainsi il renvoie à l'énonciation, je comprends, nous comprenons l'image et propose une réception multiple à partir d'une source visuelle et sonore.
Le méta-langage ne s'exprime plus au travers du caché puis du révélé mais au travers du visible comme code éthique d'un monde désormais codifié dans son langage, sa narration et son discours. Ce nouveau langage qui en découle établit une véritable communication sur l'homosexualité féminine.
Chez « High Art », la notion de cycle s'impose comme la notion de représenter le genre lesbien, à le démultiplier dans le sens de développer pour mieux le cerner dans ses contradictions. A l’étude de l’abstraction de son message, de ces convictions et de ces revendications, le cycle de représentations de l'homosexualité féminine s’apparente à un ensemble d’éléments convergents vers une même langue, de compréhension et de justesse au travers de l’assemblage des Arts même les plus irréductibles. Un langage universel se profile comme pouvant être ce un méta-langage, voir entre les images.
Les points de souture chez « High Art », à partir des points de montage, sont les facteurs déclenchant de plusieurs lectures possibles à des degrés différents. Les raccords dans les nappes discursives aboutissent au langage méta-discursif. L'idéologie se définit par un ensemble de systèmes et de références. Ainsi l'acte photographique est associé à l'acte sexuel dans l'homosexualité féminine. Les images proposent des percepts et des affects très forts et subtils. Détacher l’image empruntée d’érotisme et de sexe pour recréer le couple, telle est l'idéologie proposée. Avides d'expériences sensorielles, les personnages féminins ne sont effrontés que dans leurs désirs les plus inexprimables. Il faut sonder ce monde régi par des codes dans les codes filmiques. Tout est parallélisme dans l'idéologie. Elle n'établit plus de contrastes comme chez « When night is falling » mais c'est un monde qui se fabrique en fonction des procédés, des mécanismes visuels et sonores qui permettent de mieux identifier les protagonistes féminins dans leur homosexualité. Les plans fixes sont habités de formes et de mouvements qui sont autant de forces et de puissances qui se multiplient à l’infini et qui renvoient à « cette géométrie dans les spasmes ». Le couple de femmes est perçu différemment. Dans la distinction, à propos des différences analysées entre un couple lesbien et un couple hétérosexuel, s’ajoutent et se soustraient des forces dans l’image. Les corps s’accouplent dans leurs rôles les plus imprévisibles et les plus inattendus, en innovant au registre informel. L'identification aux personnages féminins représentés au sein d'une surface plane notamment par les moyens de l'image filmique puis de la photographie, résulte d'une perception particulière des représentations reposant sur des conventions esthétiques qu'il faut détecter pour en saisir toute la signification. Mais cette représentation ne se standardise pas pour autant. Au contraire, les corps jouent de leur paradoxe, de leurs similitudes et de leurs attirances mutuelles. Ce monde défini en fonction de l'homosexualité féminine du personnage de Lucy fait percevoir ses contradictions face à la société, soulignant les différences comme autant de distinctions possibles. Pour des raisons qui tiennent aux traditions culturelles spécifiques, ces images ont leur place dans le champ cinématographique. L’émergence d’un regard nouveau sur la question de l'homosexualité féminine convie à réaliser d’autres œuvres sur le genre, toutes aussi indépendantes. C’est l’histoire de la fable contrariée [1]. Pour Jean Epstein, « le cinéma doit enregistrer la vie telle qu’elle ne se voit pas ». La vision adhère avec le régime esthétique. Il s'agit de la vérité intérieure du sensible et non celle du narratif grâce à l’écriture du mouvement. Pour Jacques Rancière, c’est une véritable utopie artistique. Le jeune art du cinéma a rejoint le vieil art des histoires malgré la pression de l’industrialisation hollywoodienne.
[1] « La fable cinématographique » de Jacques Rancière, 243 pages, éditions Seuil, 2001.
● II ) LES FORMES ET LES FIGURES DE LA REPRESENTATION DE L'HOMOSEXUALITE FEMININE
● DE LA REPRESENTATION A LA FIGURATION DE L'HOMOSEXUALITE FEMININE
● 1) INTRODUCTION : DU DESIR ET DE LA VISION
Dans les années 80, le désir difficile et impossible entre deux femmes est présent dans le film « Anne Trister » de Léa Pool. Une amitié troublante s'établit entre deux personnages féminins. Une expression d'une homosexualité sous-jacente existe en filigrane mais la réalisatrice n'aborde pas ce thème ouvertement. Léa Pool préfère jouer sur les émotions et sur le questionnement intérieur plutôt que sur la pulsion sexuelle. En effet, le corpus de films évalue avec différentes modalités ce rapport entre sexe et regard, entre pulsion sexuelle et ce que Lacan nomme « pulsion scopique ». L'image oscille en permanence entre une représentation que l'on sait fausse et celle que l'on sait acceptable mentalement, définissant une part de réalité en soi. La superposition des niveaux entre le plaisir de l'oeil et le désir érotique du hors champ cinématographique avec l'espace imaginaire introduit par le cinéaste marque l'attente du spectateur, frustre son regard, en déplaçant sa pulsion scopique d'un plaisir voyeuriste à une jubilation esthétique. Cette distanciation entre l'érotique textuel et l'abstraction visuelle, entre deux pulsions magnifie cette dimension du hors-champ cinématographique. Chaque élément pictural se rejoint un à un par le fil de la séduction, ce lien créant ce désir formel de voir ce qui nous est donné à voir. Ainsi les formes de représentation offrent un plaisir formellement admissible et contribuent à l’envie du désir de voir et de savoir.
● 2) FIGURATION DE LA NAISSANCE D'UN PREMIER AMOUR
La représentation est cette idée du monde en une image picturale d'un phénomène. L'action de représenter par le moyen de l'image s'inscrit dans une logique artistique propre à l'auteure de l'oeuvre figurant l'homosexualité féminine par la femme homosexuelle, devant un public. Les personnages féminins sont chargés de ce rôle représentatif considérés comme le modèle d'une catégorie sexuelle mais dans la notion d'échantillon. Ils représentent inévitablement une minorité de femmes et parlent en son nom. La représentativité du personnage homosexuel doit se discerner et rester distinctive de celle des autres personnages mais elle doit aussi figurer l'homosexualité sans la compromettre dans sa forme de ressemblance avec la réalité.
Dans l’esthétisme, la pudeur et l’intime sont absorbés dans l’image. Les corps se confondent sur le support pellicule. Les mouvements corporels des personnages se rejoignent de telle manière qu'ils décrivent des formes géométriques dans l'espace. Dans « When night is falling », les corps des deux femmes, Camille et Petra forment deux courbes, l'une s'accolant à l'autre. Dans « High Art », les corps de Syd et Lucy se superposent à l'horizontale. Dans « Oublier Cheyenne », les lignes des contours des corps de Cheyenne et Sonia, associés aux gros plans rapprochés des visages, sont parallèles à la verticale. Les forces et les puissances cinématographiques rendent ainsi la thématique la plus consistante possible dans son existence au travers d'images symboliques de l'amour lesbien.
Les corps de Syd et Lucy représentent l'homosexualité féminine. Lucy fait corps avec cette image au travers de son expression avec Syd. Elle ne veut pas être déconstruite comme son image par un procédé d'analyse. Sa mort par overdose montre qu''elle refuse toute psychanalyse, donc celle aussi de sa sexualité, c'est-à-dire son homosexualité. Mais Lucy croit en l'effet miroir de l'image et le sacralise en son dernier geste cinématographique par l'acte sexuel avec Syd.
Ainsi les détails proposent une définition dans la métonymie, l'allégorie et la métaphore du désir. La figure de l'homosexualité féminine se caractérise par la sexualité. L’approche figurale exprime une abstraction d’un genre toujours novateur de ces perspectives propres car il n’y a pas par ailleurs assez d’études comparées entre les films faites sur ce sujet. Les femmes hétérosexuelles Camille et Syd sont synonymes de représentantes d'un monde dans la notion de choix dans leur rapport à l'homosexualité féminine. Elles changent d'après leurs nouvelles attirances et leurs nouveaux désirs. Les personnages homosexuels Petra et Lucy sont définis dans la notion de nature de l'homosexualité féminine. L'acte sexuel entre femmes conclut cette figuration de l'homosexualité comme le symbole sexuel en terme de réponse de l'énigme figurale. L'acte d'amour, le figuré des réalisatrices, se met en scène sous l'équation amoureuse de la disposition géométrique des corps notamment chez « When night is falling » et « High Art ». Les figures d'énonciation, soit des figures de style, émettent une interprétation du statut d'homosexuel. L’essence naturelle de l'homosexualité féminine vient de la spontanéité de l'acte amoureux comme de l’acte photographique dans « High Art ».
Les apparences visibles de l'homosexualité féminine et ses représentations planes ne font pas oublier qu'une relation organique les unit. Sa figuration est nécessairement conçue afin d'établir un rapport inéluctable entre l'image de la femme homosexuelle et l'image de son couple. C'est dans la valeur de ce rapport que réside la valeur de la signification picturale de la figuration de la naissance d'un premier amour. Ainsi une distinction importante s'établit entre la perception visuelle de la représentation de l'homosexualité féminine par des images à deux dimensions réelles et la perception visuelle de cette même représentation par la tri-dimensionnalité. Il existe bien une plastique figurative basée sur l'acte sexuel participant du langage figuratif de l'homosexualité féminine dans la suggestion de l'espace et des effets de la pesanteur. La figure de l'acte sexuel en lui-même permet de suggérer des images conformes à la perception visuelle de l'homosexualité féminine, mais elles en sont cependant toujours déduites. La fonction figurative pour laquelle elles sont créees détermine dans leurs formes une signification possible de l'homosexualité féminine. Au sein de cette figure, l'espace réel et l'espace figuré ne peuvent être identiques. La suggestion de l'espace cinématographique dépend uniquement de l'auteure.
● 3) A PROPOS DU STEREOTYPE LESBIEN
DU CULTE, DE L'ICONIQUE AU CLICHE : UN SEUL PAS ?
« Les vertus de l'amour existent en ce sens où la vertu profite aussi à l'amour homosexuel où il l'entend comme une évidence, un mot de l'énigme. Contre l'état militant de cet état d'être homosexuelle, l'image transforme l'image de sa représentation. Habitude et non sens se côtoient quand le sens premier ne se révèle plus être celui qu'on lui donne ».
Le début des années 90 confirme les débuts de la thématique de l'homosexualité féminine au cinéma, riche de sa modernité au sens premier mais clairement conventionnel tout en rompant le schéma classique hollywoodien. Ce cinéma est dans la stricte continuité d'une volonté d'auteures et de réalisatrices à démontrer ce schéma amoureux comme une évidence dans les relations amoureuses même si l'image de sa représentation n'est pas totalement acceptée. Ainsi, de nombreux films sur cette thématique ont vu le jour pour simplement divertir ou encore afficher une certaine visibilité primaire encore recherchée dans le monde de l'art contemporain, comme l'impossibilité ou la faiblesse de montrer deux femmes en train de s'aimer. Le cinéma, vecteur de communication, est cet instrument de vulgarisation, dans le sens populaire, au travers du dispositif du stéréotype.
Tout élément formel qui relève de la référentialité dans l’image est considéré comme un stéréotype. Il fige l'image dans sa position esthétique. Il garde ses titres de noblesse puisqu'il conserve un aspect de l'image dans l'ordre temporel, ce que proposaient les revues de mode au travers des détails d'une époque pour un temps nouveau. Le constat du xx ème siècle est que la société falsifiait l'image de l'homosexualité féminine au détriment de son caractère identitaire, en la cachant, l'usurpant ou encore la défigurant. Le temps du cliché désormais se maîtrise puisqu'il peut être analysé par son esthétisme et ne passe plus par l'ambivalence de sa monstration, entre vérité et mensonge. Il traduit totalement la notion du « Camp ». Le cliché devient un point de repère temporel dans son statisme et un repère atemporel dans sa duplication, assurant le relais dans les générations. Du faux à la vraisemblance, le cliché est cette image de la femme homosexuelle dans sa matérialité. Il lui confère une image de sa sexualité à partir de détails dans un symbolisme de sa représentation. Cette sexualité devient légitime mais son image ne l'est toujours pas. L'utilisation du cliché ou encore du stéréotype est un moyen de contourner la censure ou l'interdiction en fonction de l'âge. Ainsi l'image est détournée. Le cliché bien sûr indique d'abord la caricature puis l'aspect dépassé de son caractère. Incluant sa matérialité à l'image, l'effet démodé fonctionne comme une action antérieure nécessaire pour une action future. Le cliché n'est point celui d'antan car son évolution le conduit à se fabriquer lui-même d'après ses propres attributs. Son image originelle continue de proposer des alternatives de sens quand à son énigme. Du muable à l'immuable, il déforme et propose ce concept d'hyperréalité. Le cliché comme entité matérialiste conçoit une abstraction dans la notion d'homosexualité féminine.
Dans « High Art », le portrait de la photographe est naturellement légitime chez l'artiste. Pourquoi ne le devient-il plus lors de la représentation de son homosexualité induisant que sa représentation n'est pas totalement acceptée ?
Les clichés pour cette question servent d'éléments et de repères esthétiques dans la notion de création d'un monde intelligible [1]. Ainsi tous les éléments formels de l'image, à travers le discours du personnage, peuvent devenir cliché dans la supposition du monde fictif attrait à l'homosexualité féminine. Toutes les formes de stéréotypes se détectent dans la notion de mémoire d'une représentation mais aussi dans sa notion de déformation esthétisante comme un savoir esthétique universel. Le cliché de l'homosexualité féminine se construit comme la matérialité du temps dans sa forme de représentation. Il devient esthétisant au profit de la notion culturelle de l'homosexualité. Celle-ci reste, en effet, une forme avec des concepts figés dans l'image. L'élément futur existera au travers du temps imparti de sa forme de représentation. Ainsi l'absence de cliché peut inciter à penser que la représentation est plus proche de la réalité. Mais sa matérialité inscrite dans le temps connote l'idée de duplication comme multiplication de l'image par l'image. Le repère esthétique se crée comme rempart à l'absence et au vide de sens de sa représentation. Bien sûr le cliché englobe un ensemble d'éléments représentationnels de l'homosexualité dépassant la notion de sexualité. Dans la standardisation de l'image, il peut relever du paradoxe. Sa duplication peut être perçue comme une erreur commise lorsque le code est utilisé de façon non conventionnelle au détriment donc de sa représentation. En effet, le désir pour l'autre s'introduit dans la question de la réception de l'image. C'est un constat de réaction non formel dans la continuité de la logique de sensation. Le vide se comble d'icônes et de clichés dans le double régime de l'image [2].
Le manque à voir a crée l'envie et le désir de voir comme une réalité. Le paradoxe de l'image est qu'elle semble se limiter à sa fonction de susciter le désir alors qu'elle établit des enjeux représentationnels puis des enjeux figuraux à travers le concept du cliché et du stéréotype. L'image figée dans son concept de représentation est presque dans cette obligation d'être une somme, une multiplication toujours exponentielle de ses formes de représentations.
Les clichés de l'homosexualité féminine ont donc été véhiculés avec le temps. Leur caractère original se dissout dans leur standardisation au profit d'une codification de sa forme de représentation. Se libérer des clichés et des stéréotypes en les montrant de façon subversive, débordant à l’image, est une façon de mieux s’en défaire dans la représentation du paraître chez l'être homosexuel. Le corps de la femme n’appartient plus désormais qu’à la définition même de cette représentation bannissant le cliché et le stéréotype de sa pensée comme la possibilité d’une intelligence indépendante impartie à sa représentation. Le personnage en devient d’autant plus normal qu'il donne l'impression de mettre en scène une représentation réaliste.
Le retrait dans chaque récit filmique des protagonistes dans leur propre univers, Petra dans son monde artistique et Lucy dans sa décadence liée à la drogue, atténue la notion de cliché en son sens figuré. Sa codification s'est établie par des motifs picturaux et par une signalisation désormais symbole en abyme de sa représentation.
Clichés, stéréotypes, sur une échelle de valeurs sont autant de préjugés, de contraintes que de critiques de l'image. D'une culture cinématographique sur la thématique de l'homosexualité féminine, ils se rattachent désormais à une autre culture plus revendicatrice. Dans l'inventivité esthétique, la créativité dans le cliché commente sa propre représentation sans véritablement appeler une autre forme dans le devenir mais conservant bien celle du passé. L'originalité est devenue cliché.
- [1] et [2] « La fable cinématographique » de Jacques Rancière, 243 pages, éditions Seuil, 2001.
Déconstruire les clichés permet de ne plus spéculer négativement sur la minorité homosexuelle. Le tabou s’est éteint à la force de dé-stéréotypisation des clichés. Ceux-ci se reproduisent alors que leur contexte a déjà changé. Les clichés, d'une forme figée, solidifie le temps de sa représentation comme un élément traduisible de l'homosexualité féminine. Les réalisatrices libèrent les formes des stéréotypes en les montrant ainsi de façon subversive. Loin du cliché du film érotique ou pornographique, la représentation de l'acte sexuel n'est plus ce cliché dans sa forme unique.
L'utilisation de plus en plus fréquente de l'imaginaire du couple lesbien dans la photographie, puis récupéré par la publicité, aurait permis de faire le lien entre le paradoxe de la banalisation de l'homosexualité féminine et la difficulté à exprimer le désir lesbien dans une perspective féministe.
● 4) DE LA REPRESENTATION DU CORPS DE LA FEMME HOMOSEXUELLE
Les corps de Syd et Lucy représentent l'homosexualité féminine. Lucy fait corps avec cette image au travers de son expression avec Syd. Elle ne veut pas être déconstruite comme son image par un procédé d'analyse. Sa mort par overdose montre qu''elle refuse toute psychanalyse, donc celle aussi de sa sexualité, c'est-à-dire son homosexualité. Mais Lucy croit en l'effet miroir de l'image et le sacralise en son dernier geste cinématographique par l'acte sexuel avec Syd.
Ces représentations de l'acte sexuel affirment la complexité d’une identité. La fragmentation des corps en mouvement délimite le cadre. Elle permet de travailler ce rapport à l'espace. Chaque détail de l'image se définit comme un élément spécifique de la construction identitaire. Le corps nu se voit comme un enjeu identitaire où la sexualité est librement interprétée. Celle-ci est représentée comme la réalisation, la finalité de tout amour lesbien à partir d’une génération qui s’ouvre sur des discours libres sur le corps de la femme. Le corps humain se revisite dans sa nature et dans ses choix. Il se délimite en ses courbes et ses droites. Le fragment est perçu comme partie d'un tout signifiant. C'est une extraction du réel pour mieux en définir ses limites. En qualité de mémoire, il peut s’inscrire comme preuve de sa crédibilité dans le monde des représentations. Il devient un repère dans le genre cinématographique lesbien.
Quelles nouvelles voies s’ouvrent pour les films d'écrire sur le corps, la sexualité, le moi, l'identité et sa voix ?
La question identitaire englobe le moi, la voix, le corps et la sexualité. Celle-ci se sert d'éléments pour construire cette identité faite de multiples expériences. Le motif visuel devient un des chaînons manquants de l’évidence identitaire en matière de sexualité. La femme homosexuelle peut se représenter par parcelle infime de réel ou de vérité qui subjugue la réalité. Le fil conducteur du corpus est le corps de la femme sexualisé.
Cette représentativité caractérise l'émancipation de la femme homosexuelle et sa transformation dans la société. A partir de sa forme sexualisée, le visible n’est plus assujetti à l’audible. Il n’a plus de soumission. Le langage du corps développe sa propre action scénique. Il est le concurrent de l’audible. Mais celui-ci demeure au service de la narration. La monstration continue de justifier l'identité sexuelle par des procédés filmiques. Elle définit des limites afin de concevoir un concept de l'identité. Il faut que celui-ci devienne un concept de vie pour atteindre la notion d'image mentale.
Dans une chorégraphie des corps par le désir physique, le désir charnel de l'autre, la réalisatrice Valerie Minetto se questionne : « Comment filmer deux corps qui s'aiment ? » Inspirée de la danse contemporaine, elle y répond : « J'ai cherché un mouvement caméra qui épouse celui des corps ».
La mise en perspective du corps à corps, cette individualisation vers cette réciprocité dans l'attraction des forces, est représentée suivant les attirances et les désirs pour le même sexe. Le cinéma pense dans la limite des corps. La recomposition de fragments corporels constitue une part essentielle de la visibilité possible chez une homosexuelle comme celle proposée dans « Oublier Cheyenne ». Au fil des trois films apparaissent les évolutions de la quête identitaire de chaque génération communément en constante réflexion sur son devenir. Les principes théoriques émergent en fonction de la représentation des différentes formes isolées par prélèvement dans l'image. Il s’agit ainsi de dégager les traits caractéristiques de l’homosexuelle suivant les motifs proposés. De nouveaux signes se manifestent en fonction des modes de vie à chaque époque.
Ces oeuvres cinématographiques, participant au genre féminin, propose la problématique de la visibilité. Les points de représentation sont destinés à une meilleure compréhension et donc à une meilleure approche. Il importe d’inscrire le féminin, dans son exclusivité, grâce à la pluralité des signes dans la création cinématographique. Faire coïncider les différentes constructions filmiques permet de disposer d'éléments récurrents et explicites de la condition homosexuelle. Où les injonctions vont de pairs, se dessinent des portraits de femmes tantôt abstraits, tantôt concrets, sous la forme de leur propre homosexualité. Les questions se posent sur l'effet démonstratif de la représentation homosexuelle et les questions d'identification qui en découlent. L’image du corps se scinde en mouvement.
La décomposition de celui-ci n’est que l’apprentissage de la description du geste qui devient un mot, un signal ou une parole éloquente sur la question homosexuelle. De se soustraire au profit de l’image évoque une pensée unanimement humaine suivant un sujet désormais concrètement descriptible par ses apparences et ses caractéristiques. Chaque élément, motif de beauté, se rejoigne, un par un, par le fil de la séduction, créant ce désir formel de voir ce qui nous est donné à voir. Cette image de l'assemblage des corps marque son empreinte picturale dans un cadre esthétique. Les formes de représentation offrent un plaisir formellement admissible et contribue à l'envie de savoir. La liberté d’aimer est énoncé dans nos trois films. Une esthétique propre au cinéma lesbien est ainsi développée en fonction des relations établies par l'ensemble des paramètres corporels significatifs aux différentes formes de représentations. Les rapprochements par syllogisme sont formels et formateurs d’une certaine innovation de sens de la figure homosexuelle. Le sens propre de l’image textuelle définit plus le sens figuré de ces femmes instrumentalisées. Il offre d'autant plus de chances de comprendre les homosexuelles à la source esthétique de leurs représentations. La multiplication des signes, en langage sémiotique, contribue à la croissance cognitive du sujet. Le signe se reproduit pour affirmer son existence mais dessert le contexte suivant les récits filmiques.
La question de la visibilité s’impose comme radicale à l’esprit des homosexuelles. Il semble difficile de supporter les violences extérieures dues à la différence de sexualité et par là même de genre sexuel. L’équilibre reprend aux portes de la réalité. Un monde résolument moderne, sans complexes de libertés de pensée, nous renvoie aux études de Michel Foucault et plus lointainement aux philosophes Hegel, Kant et Nietzsche. Les miroirs réfléchissent l’espace cinématographique dans l'espace de la réalité. De la route et de l’espace intérieurs, ils reflètent l’objet et le sujet. Ils permettent d'entrevoir le possible et le définissable. Il n’y a en fait qu’un seul miroir réaliste parce qu’il est imparfait c’est l’œil humain. D'autres figures sont possibles face à celles imposées comme universelles. Dans le système des focalisations, plusieurs miroirs sont nécessaires afin de montrer le vrai visage des femmes homosexuelles dans le contexte de leur époque. La vérité se révèle au travers des regards, de la beauté des corps, de l'expression des gestes qui les accompagnent et des comportements qui en découlent. L'étreinte des corps symbolise une forme de représentation de l'homosexualité suivant des figures chorégraphiques. La nature du signifiant au cinéma se retranscrit sur la forme de gestes libres. L’immobilisme du plan dans la séquence lutte contre le défilement naturel du mouvement, pour échapper à l'instant, pour vivre un autre instant à un autre moment. Ces oeuvres filmiques sont des oeuvres organiques vivantes.
Réinventer les formes à l’écran par la sensualité et le mélange des corps revisite la thématique de l'homosexualité féminine pour mieux la cerner. Dans le corpus de films, les règles cinématographiques s’appliquent à donner résonance à la construction narrative du sujet. Les rôles principaux se fabriquent à deux dans notre corpus. Ils façonnent leur propre image en tant qu'homosexuelle au fil du récit. Notre vision se restreint à l’essentiel de la visibilité du genre homosexuel féminin prescrite comme enjeu identitaire. Mais les clivages d'ordre sexuel constituent, dans la cohérence linéaire, une hiérarchisation des catégories sexuelles. Ainsi les corps, support de l'acte sexuel, atténuent cette distinction dans l'effet de ressemblances par la notion de désir puis de plaisir.
Les héroïnes ont leurs limites naturelles. Les femmes ont adossé tous les rôles possibles dans les récits filmiques, gravant leur présence par leur désir envers les femmes au travers de romances et d'histoires d'amour. Chaque auteure, abordant ce thème, se laisse impressionner par couches successives, fabriquant une œuvre fictionnelle aux frontières du réel. Le geste de la pensée, la parole du personnage, les lieux et les actions qui s’alternent dans un cadre, s'accordent en un tout unitaire dans la notion du « penser » du film.
Les caractéristiques principales de l'homosexualité féminine se situent sur le plan affectif et émotionnel. Le cinéma fait campagne avec la thématique lesbienne en imposant des personnages homosexuels mais souvent sous la forme du stéréotype. C'est pourquoi le défi est lancé pour les auteures de renouveler les images pour un meilleur décryptage de la visibilité lesbienne.
Les enjeux esthétiques et artistiques des films soutiennent la reconnaissance de cette thématique dans l'inscription d'un genre à part entière. La représentation existe de tout temps comme rempart aux reflets du miroir de la société notamment aux reflets des discriminations. Les objectifs de la représentation cinématographique de l'homosexualité féminine sont multiples. Les spectatrices, témoins des actes amoureux, développent des percepts sur le sujet en fonction de leurs propres affects.
Du film de représentation se décline le film de sensation imprimant spontanément l’effet de plaisir déployé par l’érotisme de la scène. Aucune émotion ne se formule sans point de vue subjectif même dans l'attente d'éclaircissement de la condition amoureuse de deux femmes au sein d'un contexte hostile. De la répétition des actes amoureux naît la question de soi sur soi comme une nécessité de découverte de soi ou encore comme l’enrichissement personnel et spirituel d’une pensée propre qui traverserait toute l'existence. «Les questions d‘identité sont mêlées à l‘importance et la place du sexe dans la relation homosexuelle. C’est vrai d’un point de vue artistique. Mais c’est vrai également au niveau du vécu de chacun d’entre nous.» [1]
Ainsi le cinéma pense dans la limite des corps . Il décrit l’univers spirituel qui les encense dans leurs postures sexuelles, connotant la place de l'homosexualité féminine dans le monde hétérosexuel. Les figures cinématographiques sont au service de « l’habillage de la femme homosexuelle » comme une seconde fourrure qui la cacherait du paysage traditionnelle. La cinématographe est une peintre chorégraphe qui figure une idée de représentation d’une figure en soi complexe.
Filmer la pensée homosexuelle est un code éthique au profit de la visibilité à titre individuel puis à celle du couple. D'une représentation non normative par le travestissement visionnaire des femmes à celle normative comme un sens de prédiction d’un rôle conventionnel à jouer dans la société, se définit celle qui évoluera à travers le temps. L’expression cinématographique participe ainsi, par le langage du corps, à la définition de l'homosexualité féminine à l'égal d'une narration spécifique. Selon la formule du titre d'un livre de Dominique Fernandez, « L’amour qui ose dire son nom : Art et Homosexualité », le ballet des corps se heurte indubitablement à des questions existentielles liées à la réalité. La matérialité sert à la définition de l'homosexualité devant l’inconnu et l’étrangeté de sa figuration initiale.
L'évolution des mœurs entraîne l'évolution des mentalités et, de ce fait, l'évolution des représentations. Mais le raisonnement inverse est-il possible à concevoir dans une ère peuplée d'images en tous genres ?
Un monde organique, défini par une densité et une intensité à l'image, délimite les formes de la représentation de l'homosexualité féminine. La représentation est l’acte en lui-même mais ses contours, ses lignes et ses courbes se dessinent de façon géométrique pour une adéquation des corps. L’amour, sous toutes ses formes chorégraphiques, évolue dans cette composition où les corps fusionnent. Il s'agit de la visibilité de l’intime. L'équation amoureuse peut se penser dans le langage du corps, le corps parlant son propre langage. Ce corpus de films, empreints de poésie, réfléchit, au travers des corps, des ondes propres à l'homosexualité féminine. La chair de l'image quand l'image prend corps exprime le corps de l'homosexualité féminine comme pensée physique de sa représentation.
L’identification d’une femme par sa sexualité lui confère une légitimité de son appartenance au genre de l'homosexualité. La personnification du rôle de la femme homosexuelle demande une contribution en ce sens personnelle de l'ordre d'une mise en scène du corps dans sa posture et sa gestuelle, de cette femme en train de représenter une autre. Cette autre serait le prolongement comme la différence non perceptible de prime abord. Ainsi se pose la question de savoir si les protagonistes sont véritablement des femmes homosexuelles.
Gilles Deleuze et Stanley Cavell refusent de séparer la théorie de l'esthétique de l'art avec l'expérience de l'art. L'art corporel implique directement le corps. L'icône trouve un prolongement dans la vie même. Le Body Art s'entend comme un au-delà de la peinture. Il s'agit d'une construction de soi sous le conditionnement sexuel qui s'effectue sous les regards des autres. L'interrogation est portée sur le genre et la sexualité prescrites qui détournent entre autres les rituels chrétiens. La voie cinématographique propose une homosexualité des plus saillantes de l'art corporel. Aux Etats-Unis, une fierté gay se manifeste à partir des années 1980-1990. La performance dans laquelle se manifeste à la fois une visibilité homosexuelle et les questionnements sur le genre sont inspirées par les réflexions de Judith Butler [2].
Le dispositif filmique met en avant la figuration d'où le corps réel s'est finalement affirmé. La rencontre des artistes et du visible est tout à la fois, approche et lutte, comme un corps à corps [3]. Peinture et poésie n'ont cessé de répondre à leur façon propre aux manifestations du corps humain. De l'esprit, le corps témoigne diversement dans son champ ou dans son silence, sa nudité, ou dans ses absences. Le progrès à l'image de la représentation de l'homosexualité féminine ouvre le champ de l'art contemporain à une réflexion esthétique et à une pratique plastique inédite sur le corps. S'investissant dans une morale de la visibilité, du partage, de la solidarité, certains aspects filmiques se répondent, comme le sens du rituel, la juxtaposition du sacré et du profane, la quête de l'identité, la mise en scène des corps, le jeu entre les femmes et la prééminence du désir.
L'acte de filmer devient créateur et novateur. Il déploie de nouvelles formes d'écriture cinématographique où le corps de l'autre constitue un lieu privilégié d'approche. Les corps se rejoignent, s'ajoutent, se soustraient aux désirs l'un de l'autre. En s'appropriant les corps, la fiction introduite par la présence de la caméra, peut donner un sens à un récit qui n'a pas d'autre réalité que celle d'être filmée. Le jeu de la représentation des corps n'est pas sans rappeler le dédoublement des images photographiques surréalistes. L'effet miroir renvoie à une photographie de Man Ray de 1924, « A demain », où le corps trouve son propre écho charnel. Le détail vient nous rappeler que nous sommes devant un dispositif totalement illusionniste dans le monde du cirque dans « When night is falling » ainsi que dans le monde marginal et underground dans « High Art », ici, par le vecteur même de la photographie. L'homosexualité féminine se base sur une pratique et a des caractéristiques qui sont marquées visiblement sur le corps ou se sont développées à partir du corps.
D'après la présence reconnaissable des homosexuelles à l'image, l'homosexualité féminine est devenue une identité fondée autant sur la discursivité du comportement que sur la pratique des actes sexuels. Les femmes cinéastes bâtissent l'image de l'homosexualité féminine à partir des corps féminins en fonction des figures et des formes que transmettent la société des images quand la complexité du contrôle des images joue son jeu. L’identité lesbienne actuelle est conditionnée par la reconnaissance d’une forme d’amour différente que celles représentées jusqu’à ce jour, toujours cachées même dans l’histoire de l’Art.
- [1] Citation de Don Shewey, «Cinémas homosexuels» sous la direction de Jean-François Garsi, éditions Papyrus, 1983.
- [2] Judith Butler, « Gender Trouble : Feminism and the subversion of identity », 1990.
[3] Jean-Louis Chrétien, « Corps à corps, à l'écoute de l'oeuvre d'art », éditions de minuit, 154 pages, 1997.
● 5) L'IMMOBILISME OPPOSE AUX MOUVEMENTS ET A LA CREATIVITE DANS L'IMAGE
Dans « Oublier Cheyenne », la temporalité se divise en plusieurs temps distincts. Le présent, le temps du personnage n’est jamais à sa place. Sonia et Cheyenne communique par télépathie. La discontinuité dans l’histoire homosexuelle contredit la stabilité et l’implantation même des mouvements encore largement indépendants des uns et des autres. Dans des réalités différentes, les temps se suspendent ou s’opposent pour brouiller les pistes de l’amour.
La représentation de la figure homosexuelle passe de la fixité au mouvement, la seule condition pour elle de survivre et d’évoluer. La mise en images du statisme se caractérise par l'acte photographique dans « High Art » et paradoxalement la mise en images du mouvement par le jeu des rencontres induisant les forces dans l'image. Epstein décrit les potentialités du cinéma comme notamment celle de la vérité intérieure du sensible et non du narratif grâce à l’écriture du mouvement par la lumière. Une des premières théories au cinéma a été de servir à réfléchir sur la décomposition du mouvement. Cette question théorique est indissociable de l'invention elle-même. Un double mouvement de déterritorialisation du personnage féminin permet de l'extraire de l'image pour une mise en lumière de l'homosexualité féminine. L’idée d’immobilisme est définie comme une force de protection. L’idée de fixité donne l’envie et le désir qui naissent de l’image. La représentation abstraite des personnages dégage un concept général ne retenant que les éléments formels c'est-à-dire les forces, les structures et la profondeur notamment chez « High Art ». L’image contenue dans l’image, le décalage par la mise en abyme, fait perdurer cette histoire. Le concept de l'image, à travers les concepts de Gilles Deleuze [1], travaillant les notions de mises en espace et de mises en mouvement de l'espace figé, par la mise en abyme réflexive de la photographie, établit une équation temporelle. La mise en images du temps comme les cristaux du temps permet d'aboutir au temps précisément mis en image au travers le personnage de Lucy. L'image photographique entre Syd et Lucy aboutit précisément à une image justesse dans la notion de refus psychanalytique de la figure de l'homosexualité féminine.
[1] « L’image-temps » de Gilles Deleuze, éditions de minuit, 378 pages, 1985.
● 6) DE L'INVISIBLE ET DU NON DIT VERS LA VISIBILITE
La représentation du couple de femmes a désormais un cadre au cinéma destiné au champ de la visibilité. La représentation n’est plus celle de l’acte sexuel en soi mais de la forme de cet amour. Sur la question de la visibilité, le passage de l’opacité à la transparence nécessite un travail de contraintes formelles de sa représentation, du passage de sa narration à la différenciation de ses formes. La visibilité de l'homosexualité féminine par dichotomie temporelle, dans l'histoire de ses représentations, a pu corser le mystère des amours. « Pendant longtemps, la forme de présentation était tolérée, acceptée en son sens comme figure d'appréciation de la visibilité par le manque de visibilité. Elle était considérée comme un aspect positif ». [1]
« Dans la série L-world, la lettre L signifie Lesbien mais il n'est pas décliné simplement et lesbien se trouve nouvellement caché ». [2] La signification de la lettre incite à l'introduction dans ce monde aux limites supposées et imposées. Toute la question de la visibilité réside en ce sens que la femme homosexuelle doit rendre compte d’une vision au monde qui se soumettrait à sa propre définition. La construction de la visibilité au fil des images nécessite de grandes précautions et interrogations pour mieux en percevoir le sens premier visible.
De la notion d’artificiel à celle de vérité dans la fiction.
Plusieurs erreurs sont commises dans l’inconnu où la fiction dépasse la réalité suivant les convictions d’époques sur la thématique de l'homosexualité féminine. La ponctuation de ces histoires tend vers une visibilité acceptée et compréhensible de toutes. La question fondamentale de l’identification en soi reste ouverte à tous types d’analyses scientifiques recoupant la thèse de la mise en image de soi afin de reproduire le schéma conventionnel amené dans la société par le manque de visibilité et par le manque de connaissance de la part du public.
La femme en elle-même ne cesserait de s’épanouir en s’écoutant plus que ce qu’elle pourrait entendre autour d’elle. La vie à l’écran de ces personnages féminins homosexuelles se conforteraient dans une position de catégorisable, de rationalisable et donc d'analysable en pensant appartenir à l’ensemble des analyses.
La période englobant le corpus de films, s'inscrit dans une émergence à échelle mondiale de communication et de sens. Donner corps à l'identité homosexuelle c'est donner une autre identité sexuelle au corps de la femme. Ce retour en arrière sur les années 90, des années fastes en cinéma quant à l'évolution des moeurs en fonction des mentalités, dispose de clés mais n'a pas de porte. Cette recherche se base sur des indices, des fragments de vérité, chaque fois différents et chaque fois riches de savoirs. La représentation de la femme homosexuelle est désormais jugée différemment.
La question réside en l'émergence de l'homosexualité féminine par le vecteur cinématographique. Sa répartition et son maintien sont autant de prérogatives à sa visibilité. De part ses spécificités et ses individualités, cette question devient inévitablement une part de sa définition elle-même. L'espace cinématographique lesbien est désormais ouvert. La problématique de l'invisibilité de la figure homosexuelle raisonne en écho avec celle de la visibilité. L'invisibilité du corps est compensée par la visibilité du corps imaginaire. Montrer devient pouvoir et démontrer apporte une vision personnelle sur la thématique de l'homosexualité féminine qui devient, avant d'être un engagement, une spécificité du cinéma de femmes. Elle offre la possibilité d'élargir le champ cinématographique aux orientations spécifiques du genre sexuel.
Le déclic amoureux passe dans le regard et rend hommage à la créativité du couple. Le corps est vecteur, fait sens de la représentativité de l'homosexualité féminine. L'identité sexuelle continue de se justifier par les procédés filmiques. Le concept filmique devient un concept de vie pour atteindre la notion d'image mentale. En donnant sens aux valeurs, le caractère didactique de la première lecture demeure symbole de ce malaise entre secret, doute, et incertitude de la condition homosexuelle et la deuxième lecture comme une possible dénégation d'un système de société qui comprend peu, voir occulte la condition homosexuelle. La problématique de la visibilité en fonction de la thématique de l'homosexualité féminine est liée à un concept pictural de représentation soit la représentation de la femme d'après sa sexualité. Le couple a plus de visibilité qu'une femme seule. Dans le genre féminin, l'homosexualité féminine passe désormais de branche ou sous-couche sexuelle au rang de catégorie sexuelle et s'inscrit dans les genres sexuels avec une ouverture sur le pluralisme des genres dans la sexualité. La visibilité permet ainsi de définir un rôle sociologique de la femme homosexuelle adapté à la société, en qualité d'intégration.
Les questions posées par les formes de représentations évoluent en figeant l'espace des réflexions. Le situationnisme et les figures de représentation associées développent ces questions multiples et rendent difficiles une évolution chronologique ou sociologique idéale par non plus une visibilité physique mais une visibilité dans la question de l'ordre temporel. Ainsi les formes de représentations sont de grande importance comme support de pensée en matière première mais aussi en terme de support visuel et sonore dans la question encore actuelle du manque de visibilité. La symptomatologie est la question du sens qui se fait à la surface, c'est-à-dire les mots pour eux-mêmes, le discours dégagé des normes. La poéticité se dégage des convenances représentatives quand le langage est autosuffisant dans le visible et l'audible. Il y a un remaniement de la représentation de la femme. La passion amoureuse se fige dans la tragédie chez « High Art ». Dans « When night is falling », ce drame se finit en happy-end en entrant dans la notion de “happying”. Dans « Oublier Cheyenne », la réconciliation amoureuse après la rupture justifie le combat des femmes homosexuelles face aux forces invisibles. L’audible gagne ici en activité et reste la fonction du visible. Il aide à raconter l'histoire et ne devient plus distinctif du visible. Pour le corpus de films, la sensibilité structure l'intelligibilité. Dans la notion de vraisemblance, le personnage homosexuel est identifiable par la fonction de mimesis. L'acte d’énonciation a la force d'intensifier sa compréhension. La parole donne à entendre et à voir. La question du visible devient une problématique. Soumis à l’autorité de l’audible, il est un support imageant indispensable quant à ses pouvoirs de sensibilisation sur la thématique de l'homosexualité féminine. Mais le visible par le langage des corps s’émancipe et se met à développer sa propre action scénique en tant que concurrent de l’audible. Le paradoxe de ce régime esthétique des arts est d'élaborer un espace sensible différent de celui ordinaire dans un sens commun qui soit capable de porter un regard. Il doit isoler la figure de l'homosexualité féminine qui soit capable en soi, de son isolement, de porter un regard.
La question de la visibilité, depuis les années 90, ne cesse d'être explorée au profit d'un cinéma de genre au travers de la sexualité par le support du corps. La question de la visibilité se pose ainsi au profit d'une meilleure acceptation de la différence et de rendre compte de l'état de l'évolution des pensées. « Le courage d’être vraiment ce que l’on est, on a tous besoin de cela. Les questions d‘identité sont mêlées à l‘importance et la place du sexe dans la relation homosexuelle. C’est vrai d’un point de vue artistique. Mais c’est vrai également au niveau du vécu de chacun d’entre nous. » [3]
Les spectateurs se soumettent à un cas de figure, l'homosexualité féminine, qu’ils rencontrent peu mais qui c’est démocratisé avec l’air du temps, au fil des générations. Le décalage que procure la fiction permet d'établir des distances avec cette thématique et d'y réfléchir en pensant à des possibilités d'avenir cinématographique. De tout temps, les femmes devaient cacher leurs relations homosexuelles au détriment d’une société en manque d’évolution. Le festival de films de Créteil, festival de films de femmes, ont mis à l’honneur les réalisatrices homosexuelles depuis 1979, en France. Aujourd'hui, en 2006, de nombreux festivals, dans chaque pays, proposent des films qui traitent de l'homosexualité féminine, offrant un panel de points de vue sur la question et bien sûr une meilleure visibilité dans le paysage culturel.
La problématique demeure très ancienne sur le questionnement des pouvoirs de l'image où la question de l'interdiction de l'image réside. La question des limites supposées de la représentation est posée. La question de la visibilité se porte désormais sur ses ramifications en évoquant l'équité des droits entre hétérosexuels et homosexuelles, en connotant les grandes questions du mariage, de l'adoption, de l'insémination artificielle, et bien sûr de l'homoparentalité. La prévention, la pédagogie sont autant d'éléments en constante mutation dans notre société. Le langage cinématographique est au service d'un enjeu de pouvoir.
- [1] et [ 2] Propos de Veronika Minder, réalisatrice du documentaire « Le bal des chattes sauvages », Suisse, 2005. Entretien en annexe.
- [3] Citation de Don Shewey, « Cinémas homosexuels » de Jean-François Garsi, éditions Papyrus, 1983.
● 7) APPROCHES PICTURALES : INTRODUCTION A L'HISTOIRE DE L'ART
Le champ culturel des femmes peut s’associer au champ cinématographique correspondant à une représentation donc à des évolutions formelles dans le genre lesbien, lui accordant une grande force de mutation dans un monde qui ne saura que les accepter de plus en plus. L'approche quelque peu philosophique aborde des questions esthétiques essentielles au questionnement des représentations du genre. La critique influencera sûrement son avenir au travers des choix artistiques de représentations idéales à analyser. La concrétisation des liens que les homosexuelles effectuent tous les jours dans leur construction personnelle se nourrira de réflexions liées à ces images. Celles-ci sont considérées inconsciemment comme représentatives, dans un premier temps, puis d’autres questions liées à l’esthétique interviennent pour opérer dans ce monde organique en pleine gestation.
L’image de la femme homosexuelle devient une image connue, reconnue, mise à nue pour une meilleure compréhension du genre. La thématique ne cesse d’être explorée au travers de la littérature, de la peinture, et des autres arts qui lui accordent une grande importance. La condition homosexuelle se véhicule au travers des différentes formes de représentations des divers Arts. Ils s’engagent à la reproduire étroitement en rapport aux mœurs de la société.
Peu de thèse n’aborde vraiment la question de l'homosexualité féminine dans l’art cinématographique pendant que celui-ci lui ouvre une voie dans le monde des Arts. Le constat de Florence Tamagne est que « l’Art a été pauvre en représentations de figures homosexuelles féminines au travers des siècles » [1]. Pour Marie-Jo Bonnet, « retrouver les traces d’un désir lesbien nié par l’histoire et longtemps gommé des représentations est une entreprise nécessaire ». [2] Un devoir de mémoire s'est imposé chez l'historienne féministe [3]. Elle démontre, au cours des siècles, toute la force et l’importance des femmes dans l’histoire de l’Art et dans l’histoire culturelle générale. Les homosexuelles ont joué un rôle considérable dans tous les mouvements artistiques et politiques. Ces femmes ont bel et bien existé dans chaque classe sociale. La visibilité est démontrée et approuvée avec les puissances et les énergies qui traversent les œuvres sensibles au sujet de l‘homosexualité. Marie Jo Bonnet retrace les époques par la méthode historique et aborde la question esthétique. L’écrivaine explore tous les groupes et les partis auxquels auraient appartenus certaines femmes, tantôt les tribades, les lesbiennes, tantôt Sappho et les femmes saphiques, ainsi que la secte des anandrynes. Elle retrouve les origines et les orientations sexuelles précises de nombreuses personnalités évoquées qui ont marqué l’Histoire. Les personnages sont convoqués à tisser des liens durables et sûrs dans l‘Histoire. L'auteure nous rassure quant à l’authenticité de ces données par un important travail d’investigation. Plongée, au cœur de chaque siècle, elle parcourt, en immersion totale, un monde fait de révélations. En 1550, une ode à Aphrodite et une ode à une aimée sont découverts. Ici se trouve le véritable choc identitaire. Le regard sur les femmes a évolué sous l'influence de l'humanisme et de la culture de cour. A partir du milieu du xix ème siècle, le couple de femmes s'inscrit comme un enjeu dans la représentation de la modernité. Il s'agit de dénoncer l'invisibilité de la femme homosexuelle dans la cité. Marie-Jo Bonnet entend démontrer que l'art a offert, alors même que l'homosexualité féminine était condamnée au silence par la justice divine et la morale sociale, une possibilité d'expression du désir lesbien. Louise Breslau ose ainsi se représenter avec son amie, dans un cadre intime affirmant 'la normalité' d'un désir longtemps présenté comme pervers. Les oeuvres de Marie-Laurencin sont réduites à l'expression d'un féminin délicat et naîf, et traduisent bien la difficulté d'accepter les implications amoureuses du couple de femme. La double affirmation des mouvements artistiques et des revendications homosexuelles entraîne une multiplication des oeuvres de femmes, soucieuses, d'une part, de se substituer au voyeurisme masculin, et, d'autre part, d'attirer l'attention des regards amoureux de femmes libres et autonomes.
Marie Jo Monzdain rejoint les thèses de Marie Jo Bonnet sur la question de la visibilité des homosexuelles. [4] La formidable rigidité des représentations de la femme, au xix ème siècle, conforte la notion de liberté individuelle et d'autonomie du sujet féminin à se situer dans l'histoire esthétique et voir, ainsi, sous un nouveau jour l'évolution de sa condition. Les artistes homosexuelles ont pratiquées le détournement, le procédé erratique de l'image, comme l'allemande Hannah Hoch (1889-1978), découpant des images de revues, de livres et de publicités pour produire d'équivoques photo-montages. D'autres appropriations ont fait de l'artiste une icône homosexuelle. Avec la complicité de sa compagne Suzanne Malherbe dite Marcel Moore (1892-1972), Lucy Schwob s'est forgée le personnage et le pseudonyme de Claude Cahun (1894-1954), idôle au crâne rasé. La série de ses autoportraits photographiques offre un modèle identificatoire puissant aux homosexuelles depuis les années 90. Ainsi s'instaure une relation de l'ordre du partage entre l'auteure et le destinataire. Les échanges des thèmes, d'images ou d'allusions entre Claude Cahun et Marcel Moore restent d'ordre privé. C'est en entrant dans le domaine public, en devenant de l'Art, que la relation intime s'est ouverte à d'autres destinataires, rendant alors possible la complicité d'une communauté, fût-elle minoritaire. La relation entre l'Art et l'homosexualité ne s'établit-elle pas précisément dans un rapport public au regard de toutes ? Ici intervient la fameuse notion intraduisible du «Camp», popularisée par l'écrivaine Susan Sontag, qui avance que « les homosexuels constituent l'avant-garde et le public le plus sophistiqué du Camp », en 1964. Il s'agit de déconstruire en quelque sorte, par l'ironie et la redondance, une marginalité imposée pour les homosexuelles, après la République de Weimar, le Paris de Brassai, les bordels, le lesbo imaginaire d'après Sappho ou encore l'usage de la figuration chez Cocteau (1889-1963). Andy Warhol (1928-1987) est le premier artiste Queer selon l'artiste Déborah Kass, en 1994. L'appartenance à la culture de masse fonctionne comme une façon d'officialiser les représentations des actrices au travers des corps, en fonction de codes marginalisés ou pas, et de leur offrir une reconnaissance et une visibilité. C'est une façon d'aborder la problématique de la forme. Romaine Brooks (1874-1970) , la compagne de Nathalie Clifford Barney a peint des portraits d'homosexuelles identifiables comme telles par leurs vêtements, leur coiffure, leur façon de se tenir et de se comporter. Empruntant une représentation traditionnellement masculine du XIX ème siècle, la pose du dandy,
Elle lui donne une signification homosexuelle produisant, sur le mode le plus aristocratique, celui de la peinture, un panthéon de l'homosexualité féminine. Plus tard, Monique Wittig a inspiré une tendance des « Genders Studies » que l'on appelle le mouvement « Queer » ou « Queer Factory ». Judith Butler, philosophe américaine, dans son ouvrage majeur « Gender Trouble » présente les intentions de son livre : Pour démontrer les catégories fondamentales de sexe, de genre, de désir qui sont les effets d'une certaine formation du pouvoir, il faut recourir à une forme d'analyse critique que, Foucault, à la suite de Nietzsche, a nommé généalogie [5]. Il s'agit pour cela de chercher à comprendre les enjeux politiques qu'il y a à désigner ces catégories de l'identité comme provenant de lieux multiples et diffus. L'objectif à atteindre est défini par une volonté de déstabiliser le phallogocentrisme et l'hétérosexualité obligatoire. Il s'agit de repenser l'organisation sociale selon des modèles homosexuels. Judith Butler montre comment la violence verbale qui s'exerce contre les minorités sexuelles constitue un discours ambivalent [6]. Il existe d'autres discours performatifs voire compétitifs avec ces discours. David Halperin dans « Cent ans d'homosexualité » s'inscrit dans les questions analysées par Michel Foucault. Il s'agit de réifier notre modèle actuel de la femme homosexuelle [7].
Reconstruire la généalogie de ces catégories permet d'introduire du neuf dans les consciences au niveau culturel, politique et personnel. C'est découvrir une nouvelle façon de voir, et c'est créer, peut-être, de nouvelles façons d'être. La philosophie a pris en considération une figure essentielle, la phénoménologie où la visibilité exceptionnelle du tableau devient ce cas privilégié. Suffit-elle à définir la visibilité ?
- [1] « Mauvais genre ? Une histoire des représentations de l'homosexualité » de Florence Tamagne, éditions EDLM, 286 pages, 2001.
- [2] « Les deux amies : Essai sur le couple de femmes dans l'Art » de Marie-Jo Bonnet, éditions Blanche, 305 pages, 2000.
- [3] « Les relations amoureuses entre les femmes du xvi ème siècle - xx ème siècle » de Marie Jo Bonnet, 413 pages, éditions Odile Jacob, 2001.
- [4] « Négocier le visible » de Marie José Mondzain, Art Press, n°216, septembre 1996.
- [5] « Gender Trouble : Feminism and the subversion of identity » de Judith Butler, Editions La Découverte, 2005.
- [6] « Le pouvoir des mots. Politique du performatif » de Judith Butler, Editions Amsterdam, 2004.
- [7] « Cent ans d'homosexualité » de David Halperin, Editions Routledge, 1990.
● 8) APPROCHES SOCIOLOGIQUES DE L'HOMOSEXUALITE FEMININE
Dans « Oublier Cheyenne », les transmissions de pensées reflètent les non-dits de notre société. Ces voix-off et ces voix-in face caméra, caractérisent un déséquilibre représentatif aux niveaux social et culturel. L’image de l’homosexuelle est désormais désacralisée pour se fondre dans la masse d’images et apparaître dans la société. La création d’un monde propre à ses spécificités doit respecter les normes usuelles sociologiques. La fabrication de concepts de vie, au fil des générations, doit libéraliser les idées préconçues jusqu'ici inexpliquées. Aujourd'hui le couple lesbien se positionne dans la société conservant les problèmes liés à son statut non pas sexuel mais à son statut homosexuel dans l'approche sociologique. Les films sur la thématique de l'homosexualité féminine travaille désormais la question de l'individu et du couple lesbien dans l'optique, dans sa perspective d'intégration dans la société en corrélation avec les thématiques de société non résolues comme la politique des identités. Les liens sont formels avec la question de l'homophobie donc du regard sur ce couple de femmes. Le regard des cinéastes a changé puisqu'elles fabriquent des personnages homosexuels qui posent de vraies questions à la société. Ceux sont des actantes de la société en tant que citoyennes. Elles ont une opinion, une pensée sur leur condition de femmes en tant qu'homosexuelles. Elles ne sont plus simplement des représentations d'elles-mêmes. La construction de soi autour d’une identité est en devenir avec un apprentissage au quotidien, dirons-nous sans risques, des problèmes rencontrés dans la société suite aux différences de comportement et de position sociale en tant que minorité.
● 1 ) CORPS ET SOCIOLOGIE
● DE LA RECONNAISSANCE DE SOI ET DE L'IDENTITE SOCIALE
Pour Jacques Rancière, la politique est considérée comme un groupe humain avec le partage du dicible et du sensible [1]. L’évolution de l'homosexualité féminine, depuis presque 40 ans, a permis l’acquisition des libertés et des droits au travers de révolutions, de pétitions et de manifestations après de longues attentes au profit des revendications. Les évolutions sociales et économiques jouent en faveur de la visibilité et de l’acceptation des femmes. Les mœurs admettent, de plus en plus, la communauté lesbienne formée par tous les groupes homosexuels féminins. Dans la mouvance du film de femme, la quête de l'indépendance sexuelle se vit au travers de la relation amoureuse. La femme reconnaît la volonté d'être cette femme désirée et de devenir la compagne idéale. Elle reconnaît la volonté de donner un sens à la fiction par rapport à son vécu. Celui-ci est perçu comme une entité de vie comparable à l'histoire de la fiction, se rapprochant, ainsi, des arguments narratifs. Les figures esthétiques traitent cette quête identitaire dans la notion de conception, de la reconnaissance à l'acceptation, suivant une grammaire structurée des formes.
L'identité réside cependant dans ce que l'on est, d'abord pour soi-même puis pour les autres. En psychanalyse, il s'agit de représentation de soi et donc de représentation du moi intérieur. L'identité est un système dynamique, défini comme un processus de structure en permanente construction. « L'identité constitue une sorte de bouclage indissoluble entre similitude et inclusion et entre différence et exclusion » [2]. Au niveau symbolique est l'identité culturelle dans la communion autour de croyances à la différence de règles de conduites spécifiques à l'homosexualité féminine. Ceci signifie la propre logique de l'identité homosexuelle s'opérant dans un projet de différenciation individuelle. L'identité personnelle renvoie le sujet à ce qu'il a d'unique soit à son individualité. Elle englobe des notions comme la conscience de soi et la représentation de soi.
- [1] « Le partage du sensible : Esthétique et politique » de Jacques Rancière, 80 pages, La Fabrique, 2000.
- [2] « La méthode 2, la vie de la vie » de Edgar Morin, Editions Seuil, Paris, 1980.
Il s'agit d'une constante dialectique impliquant le changement dans la continuité, dans une dynamique d'aménagement permanent des divergences et des oppositions. L'identité sociale englobe tout ce qui permet d'identifier le sujet de l'extérieur et fait référence au statut que le sujet partage avec les autres membres de son groupe. Elle comprend les attributs catégoriels et statutaires qui se rattachent à des catégories sociales où se rangent les individus. La question de la sexualité se traduit par une appartenance à une catégorie sexuelle. Les individus tentent de maintenir une identité sociale positive dans leur groupe au travers de l'évolution du genre, des moeurs, des lois et des codes qui les régissent. L'identité sociale positive est basée sur les comparaisons favorables qui peuvent être faites entre le groupe d'appartenance comme le groupe de femmes homosexuelles et certains autres groupes notamment le féminisme. Lorsqu'elle est insatisfaisante et imprécise, les femmes tentent de modifier leur groupe pour créer des sous-groupes distincts, spécifiques, aux traits communs de chacun, dans un sens positif.
● 2) GENDER STUDIES
L'étude des rapports et des identités de sexe comme ils sont construits socialement apporte une matérialité, un support du palpable pour l'identité. “Gender” ne peut être traduit directement par sexe, qui, en français, renvoie au biologique ou à l’érotique. Nous utilisons ce terme pour parler d’un concept basé sur un travail théorique impressionnant depuis une trentaine d’années. Ceux sont des travaux philosophiques, sociologiques et psychanalytiques produits en France.
Dans le monde anglo-saxon, « Gender Studies » est un vaste domaine d'études, de débats et de controverses portant sur la question du « Gender » c'est-à-dire du genre sexuel, une différence sociale faite entre les sexes biologiques qui s'est développée depuis les années 70. Les universités prestigieuses notamment celles américaines ont consacré certains départements à ce champ de recherche. Ce domaine d'études veut montrer comment les inégalités dont sont victimes les femmes s'appuient, d'une part, sur une idéologie légitimant, en fait, l'oppression des femmes, et, d'autre part, sur un ensemble de mécanismes sociaux entre les hommes et les femmes, y compris dans les sociétés qui se prétendent démocratiques et égalitaires. Cependant, dès 1968, Robert Stoller a montré les problèmes que pose cette équivalence [1]. En faisant de l'organe sexuel le support de l'identité sexuelle, les difficultés notamment la part d'élaboration que nécessite cet accès à l'identité sexuelle sont négligées. Cette réflexion a été totalement reprise par les féministes américaines dès 1972 [2]. En effet, poser une équivalence entre le sexe et le genre a l'inconvénient de présupposer que le genre est naturel et celui de sous estimer la dimension sociale de l'accès à l'identité sexuelle. Mais l'ouvrage de Robert Stoller fut finalement traduit par « Recherches sur l'identité sexuelle à partir du transsexualisme ».
En effet, la notion de sexualité recouvre un domaine plus vaste que celui du comportement sexuel. Suivant les apports de la psychanalyse, des philosophes et des chercheurs font de la sexualité un ensemble complexe qui comporte au moins trois dimensions. La pulsion générale est cette pulsion qui nous pousse, nous les êtres vivants, à nous reproduire en tant qu'espèce. La seconde dimension est le rapport que chacun entretient avec ses organes génitaux et leur emploi. Enfin, il s'agit de la question de la représentation induite, pour chacun porteur d'un organe sexuel, par les règles sociales qui régissent les rapports entre les êtres sexués.
Le débat américain a cependant l'intérêt de nous rappeler avec force que la sexualité est aussi un rapport au langage puisque la dimension de la représentation y est impliquée, une dimension que les français se permettent d'occulter en jouant sur certaines ambiguïtés qui lui sont propres comme le recours au 'neutre' dont les modalités d'expression apparaissent au masculin.
[1] «Sex and gender, on the development of masculinity and feminity» de Robert Stoller, 1968.
[2] « Sex, gender and Society » d' Ann Oakley, 1972.
● 3) LES DIFFERENCES : A LA LIMITE DE L'HOMOPHOBIE
LE REPRESENTABLE ET L'IRREPRESENTABLE
Susan Sontag dit : « Les homosexuelles ont fondé leur intégration dans la société sur la promotion du sens esthétique. Le Camp dissout la moralité : Il neutralise l’indignation morale ». « When night is falling » réalisé par Patricia Rozema, en 1995, au Canada, pose le double problème de l'homophobie dans le couple et de sa représentation dans la société. Nous partons d'une société calviniste considérant l'homosexualité féminine comme un tabou, un interdit, qu'elle a, elle-même, fabriqué pour la bonne régulation des moeurs. L'homophobie se décline sous des propos radicalement opposés à l'amour entre des personnes du même sexe. Camille, une des actrices principales, professeur de mythologie, est questionnée dans trois séquences du film sur ce qu'elle pense de l'homosexualité. Le révérend De Boer essaie à plusieurs reprises de la persuader du caractère hors norme et de l'incompatibilité du sujet avec la religion au sein du collège. Il s'agit d'un discours classique, d'arrière-garde, fondé sur les principes moraux de la société patriarcale. L'irreprésentable vient du fait que l'homophobie est un rejet pur, une sorte de violence envers des êtres humains de même sexe qui s'aiment. Précisons que dans le fim, Camille tombe amoureuse d'une jeune femme, Petra, artiste de cirque et se désengage auprès de son compagnon Martin qui veut l'épouser. Dans les dialogues du film, se véhicule cette différence qui devient un discours péjoratif, invoquant le non respect des droits de l'Homme et de la Femme et biensûr de leurs libertés individuelles. A plusieurs reprises sont cités le refus de tout contact, l'anormalité du statut homosexuel, ainsi que les contraintes liées à leur intégration. Toutes ces questions posées se soumettent aux us et coutumes de la communauté calviniste qui brave le mariage hétérosexuel, la famille, le travail et la fidélité. L'irreprésentable est cette forme de violence qui se matérialise dans les dialogues d'une catégorie d'individus qui pense représenter la majorité en terme d'opinions, définitivement sans tolérance ni compréhension du sujet. « L'homosexualité ne doit pas être un fardeau pour celui qu'il est mais au contraire une grande fierté », souligne l'écrivain Geneviève Pastre [1].
- [1] « De l'amour lesbien » de Geneviève Pastre, 322 pages, éditions Horay, 2004.
Voici les possibles définitions de l'homophobie :
-Phobie de l'homosexualité. Personne qui craint ou hait les homosexuels.
-Peur de l'homosexualité et des contacts émotionnels ou autres, avec les personnes du même sexe que soi. Hostilité marquée, attitude méprisante, manifestation aggressive envers les homosexuels, hommes ou femmes.
-L'homophobie renvoie à la peur, la haine, l'aversion et le sentiment de désapprobation envers l'homosexualité, sentiments négatifs conduisant aux préjugés où à la discrimination que subissent certains homosexuels.
La lesbophobie est un terme qui est difficilement définissable dans les dictionnaires classiques, sans doute parce qu'il est trop récent. Elle désigne les formes d'homophobie qui visent spécifiquement les lesbiennes. Elle associe généralement homophobie et sexisme.
Cette provocation, cette incitation à la haine, inspire tous les débats autour d'un sentiment d'injustice. Après la médiatisation de la souffrance de Sébastien Nouchet et de sa famille, en 2004, le dispositif législatif, permettant de considérer l'homophobie au même niveau que les autres discriminations, a suivi un parcours chaotique. Il a fallu presque une année pour qu'un texte pénalisant l'injure homophobe soit enfin voté. Et pourtant n'est-ce pas cette homophobie banalisée, presque culturelle parfois même instutionnelle qui alimente cette hiérarchisation des orientations sexuelles ?
Les homophobes ne subissent aucune peine dans les sociétés qui ne reconnaissent pas encore tous les droits des homosexuels. Le magazine français TETU a mis en avant le fait que près d'un tiers des français considèrent normal que les homosexuels n'aient pas les mêmes droits que les hétérosexuels, en 2004. On condamne et on pardonne aux homophobes, donc à l'homophobie. Certaines personnes continuent leurs appels à la haine, en toute quiétude. C'est donc,dès le plus jeune âge, qu'il faut sensibiliser, éduquer, ouvrir les esprits sur la question de l'homophobie. Les discriminations ne doivent plus être considérées comme mineures.
SOS HOMOPHOBIE, en France, depuis 1994, appelle les pouvoirs publics à s'associer à leur combat, à leur lutte pour plus de justice, d'égalité, de respect entre les individus, les citoyens. L'homophobie est un concept difficile à cerner. De nombreuses questions se posent encore à ce jour. L’histoire contemporaine est tragiquement ré-ouverte avec les Camps de Concentration et avec la Déportation des homosexuelles.
Au carrefour de l’Esthétique a-t-on le droit de faire des images sur des phénomènes sensibles ?
Cette question s’est cristallisée au Cinéma et dans les autres Arts. Godard, Spielberg , Langman,.. sont autant de noms propres représentatifs de la représentativité du jugement. Cette question a interpellé les plus grands philosophes actuels notamment Ricoeur, Rancière, Didi Huberman, Nancy,.. Selon Jacques Rancière, « il n'y a pas d'irreprésentable du point de vue de l'Art. Seul le point de vue éthique extérieur peut déclarer une chose irreprésentable ». [Revue Europe, « écrire l'extrême »]. Une raison de cette étude est que cette notion de l’Irreprésentable a donné lieu à une polémique assez violente entre les chercheurs et les philosophes depuis 2001. Un grand débat en cours est désormais en constante évolution. Chaque année, un rapport annuel est fait par SOS Homophobie, depuis 1997. C’est aussi une problématique très ancienne sur le questionnement des pouvoirs de l’image ou la question de l’interdiction de l’image. La question des limites de la représentation est posée.
Des limites lesquelles ? Pourquoi ?
Remonter le temps, quelques 30 siècles en arrière, la question de l’interdit reviendrait à remettre en cause la notion de tabou. Aujourd'hui, avec la Loi, on définit non seulement ce qui est, mais aussi ce qui doit être. Elle fait passer le choix politique par une nécessité scientifique. Il n'est pas possible aujourd'hui de définir, de manière politiquement neutre, l'homophobie, pour ensuite s'interroger sur le traitement juridique approprié. Définir l'homophobie est d'emblée un geste proprement politique. C'est donc en termes politiques autant que théoriques qu'il faut penser la définition. D'un côté, il existe les rejets des homosexuels et de leur homosexualité dans le registre individuel suivant une certaine psychologie. De l'autre, dans les inégalités des sexualités, nous voyons dans l'homophobie un hétérosexisme. Les libertaires, définis en opposition aux mouvements féministes et homosexuels, ne conçoivent, en réponse au procès de normalisation, qu'une libération affranchissant l'individu de la société. Cette alternative laisse impensée la bataille démocratique actuelle autour de la définition des normes.
Aujourd'hui, la question n'est plus : « Comment peut-on être homosexuel ? » mais bien « Comment peut-on être homophobe ? »
En France, il est ainsi devenu plus infamant peut-être de s'entendre taxer d'homophobie que d'homosexualité. Cette analyse montre que l'actualité du PACS, avec la floraison de débats sur le mariage et la famille qui l'a accompagnée, marque une rupture historique, une inversion de la question homosexuelle, pour la psychanalyse française, et plus généralement pour notre société, ceci expliquant cela, tout étant étroitement lié aux évolutions dans chaque domaine. Si depuis un siècle, la psychanalyse, avec l'ensemble des savoirs sur la sexualité, s'interroge sur l'homosexualité, c'est aujourd'hui l'homosexualité qui interroge ses disciplines. Dès lors que l'homosexualité pose moins de problème, c'est l'ordre symbolique qui ne vas plus de soi. Avec l'explication du débat public, l'évidence des normes a cédé la place à une interrogation sur le processus normatif. Plus largement, on pourrait donc dire que c'est moins la société qui soumet l'homosexualité à la question. En retour, l'homosexualité pose davantage de questions à l'ordre social en même temps qu'à l'ordre savant. C'est le recueil de textes de nombreux chercheurs, depuis novembre 1997, au moment où s'engage en France un débat public sur l'homosexualité, le mariage et la famille, qui permet de réfléchir sur la question de l'homophobie. Le PACS est la concrétisation avec le vote de la loi en 1999, en un assemblage de lois. Si l'état écarte l'état civil, pour exiger, non plus seulement la différence de sexe, mais aussi la différence de genre, c'est bien qu'il ne s'agit pas seulement de la loi, mais des normes, de l'ordre des sexes en même temps des sexualités. L'Etat n'intervient plus seulement comme garant de la loi, mais aussi de la Loi. Il s'agit bien de l'ordre symbolique, c'est-à-dire des normes qui régissent l'ordre sexuel. Il s'agit d'égalité de droits. Les lesbiennes sont supposées naturellement civilisées. Cependant aujourd'hui, les débats sur le mariage participent d'une dépolitisation des minorités sexuelles, et il en ressort une remise en cause, une problématisation donc des interrogations.
En effet, la question de la visibilité atteint les extrémités de ses ramifications en évoquant la question d'égalité des droits entre hétérosexuels et homosexuels en notant la question du mariage, celle de l'insémination artificielle et celle de l'adoption. Le débat porte bien sur l'extension du domaine démocratique en énonçant le PACS et ses évolutions possibles. Dans un autre temps, il s'agit non pas seulement de la définition du genre et de la sexualité, mais de l'emprise des normes en général, à partir de l'exemple spécifique des normes sexuelles.
-Les normes sont-elles jamais naturelles ou bien est-ce toujours la société qui s'autodéfinit ?
-Et dans les sociétés démocratiques, les normes peuvent-elles ne pas être appréhendées comme des normes sociales ?
Un an après le vote de la loi, en 2000, les pacsés sont nombreux, et l'opinion approuve : La réalité sociale l'a emporté sur les oppositions idéologiques et a dépassé celles psychologiques. Même si le PACS n'ouvre que des droits limités, en matière de filiation, de famille etc.., il fait bouger « l'ordre symbolique », autrement dit, les normes sociales. Il interroge la norme hétérosexuelle et la norme conjuguale sous la perspective du mariage non encore acceptée. La loi ainsi enclenche une logique d'égalité entre les orientations sexuelles. Il ne sera plus nécessaire ni pour l'Etat, ni pour la société, de séparer des classes d'individus, hétérosexuels d'un côté, homosexuels de l'autre, auxquelles s'attacheraient des droits différents et une légitimité inégale. Aujourd'hui, les revendications portent sur un droit égal pour chacun, indépendamment de son orientation sexuelle, de se marier, d'adopter ou de recourir à la procréation médicalement assistée. A l'occasion du dernier entretien publié de son vivant, dans « Le Monde » daté du 19 août 2004, Jacques Derrida marquait son soutien au mariage de Bègles qui, disait-il, « constitue un exemple de cette belle tradition que les américains ont inaugurée au siècle dernier sous le nom de « civil disobedience »: Non pas défi à la Loi, mais désobéissance à une disposition législative au nom d'une loi meilleure, à venir ou déjà inscrite dans l'esprit ».
● CONCLUSION
Après cette étude, il reste à prouver l'évolution des mentalités dans le dispositif de réception filmique. Dans les années 90, L’espace cinématographique est désormais ouvert au traitement de la thématique de l'homosexualité féminine dont la qualification actuelle pourrait osciller entre thématique et genre. Aujourd'hui, ce qui se passe à l'écran relève d'un besoin d'amener la spectatrice à une réflexion sur sa condition d'homosexuelle, dans l'évidence du rapport amoureux dans la symbolique du désir, et sur le statut d'homosexuelle dans la société. Cette thématique aborde désormais au cinéma, de façon réaliste, des thèmes comme l'insémination artificielle, l'homo-parentalité ou l'adoption, tout en continuant à traduire une crise identitaire en mal de reconnaissance. En parallèle s'est créee une infrastructure artistique qui développe sans cesse le mouvement homosexuel féminin. C'est au cinéma de genre qu’il faut s’adresser pour s’apercevoir de la grande richesse de la thématique de l'homosexualité féminine dans l’Histoire du Cinéma. Le cinema de genre, dans le sens de genre lesbien, n'est pas défini en tant que tel et peut être le sujet d'un mémoire. Les films sur cette thématique peuvent être classés ou appartenir à une catégorie de films dans le genre de films lesbiens. L’évolution des mœurs suivant l’évolution des mentalités provoque l’évolution des représentations.
Le nouveau genre cinématographique se réaliserait à partir d'un thème, dépassant les conventions, au-delà des normes, comme un genre pluridisciplinaire en comptant le film traitant des catégories sexuelles gay, bisexuel, et transexuel. Ainsi il n'y a pas de généalogie sans des histoires formelles et d'autres informelles par rapport aux premières à titre de comparaisons et de réflexions sur la thématique.
La notion de film lesbien dépasse la notion du genre de film en ce sens que le film à thématique homosexuelle propose l'exclusivité de son sujet dépassant la notion de drame, de comédie ou de policier. Le genre est au service de l'habillage de l'histoire. Elle est donc à démontrer. Les enjeux artistiques sont destinés à se renouveler pour mieux grandir de leurs expériences variées suivant les cultures et les représentations déjà inculquées à la société. Souvent des références immuables, statiques et difficilement détrônables s'imposent comme les représentations analogiques dans les corrélations esthétiques des champs culturels. La distinction s’affirme, devient force de conviction et de fabrication et donc de toute puissance de maîtrise de l’individu. Ainsi cet individu, une femme, maîtresse de son esprit, contrôlant les envies et les désirs de son corps, s’offre la liberté de se construire dans un monde où sa place liée à son rôle et à ses responsabilités nous rappelle les conditions de la démocratie entre autre comme « la liberté de conscience ».
FILMOGRAPHIE
Liste non exhaustive des films traitant de la thématique de l’homosexualité féminine
« A family Affair » comédie de Helen Lesmick
« Alice » drame de Sylvie Ballyot
« All over me » drame de Alex Sickel
« The Amazing Amazons » comédie de Anna Malkin
« Amidonnée » drame de Cath Le Couteur
« Anna Trister » de Léa Pool
« Antonia et ses filles » drame de Marleen Gorris
« Un autre regard » drame de Karoly Makk
« A village affair » drame Armstrong M.
« Le bal des chattes sauvages » documentaire de Veronika Minder
« Bang bang je t’aime » drame de Myriam Donnasice
« The beast in the heart » de Cristina Comencini
« Beaver run cafe » drame de Anita Gooloomian
« Before stonewall » documentaire de Greta Schiller
« Better than chocolate » comédie de Ann Wheele
« Blow » drame de Marie Craven
« Bluegate crossing » drame de Yee Chih-Yen
« Boys don’ t cry » drame de Kimberly P.
« Brandon teema story » documentaire de Susan Muska et de Greta Olaf s.
« Breaking up really sucks » drame de Jennifer Mac Glone
« Butterfly » drame de Yan Yan Mak
« By hook or by crook » drame de Marriet Dodge
« Le cahier volé » drame de Christine Lipinska
« La captive » de Chantal Akerman
« Cercle intime » policier de Samantha Lang
« Le chant des sirènes » drame de Patricia Rozema
« Chantilly lace » drame de Linda Yellen
« Charlotte dit charlie » drame de Caroline Huppert
« Chutney pop-corn » drame de Nisha Gametra
« Claire of the moon » drame de Nicole Conn
« Combats de femme un amour de femme » drame de Sylvie Verheyde
« Comme on respire » drame de Myriam Aziza
« Dom et alice » drame de R.M. Munroe
« D.E.B.S. » comédie de Angela Robinson
« Desert hearts » drame de Donna Deitch
« Les dessous » comédie de Keren Yedaya
« Desert hotel » drame de Liza J.
« Deux filles amoureuses » comédie de Maria M.
« Directement de la banlieue » comédie de Carole Ducharme
« Do i love you? » comédie de Lisa Gornick
« Du poil sous les roses » comédie de Agnès Obadia
« Eclosion tardive » comédie de Gretchen et Julia Dyer
« Ecstazy in berlin » 1926 érotique de Maria Beatty
« Elle restera avec moi » drame de Annette Ostro
« Emporte-moi » drame de Léa Pool « Enceinte ou lesbienne » comédie de Françoise Decaux Thomelet
« Entrevue » drame de Marie Pierre Munster
« Eros thérapie » comédie de Daniele Dubroux
« Ester » comédie de Dut Susos Melero et Maria Pavon
« L’exit » de Anna Marganta Albelo
« Fais un voeu » horreur de Sharon Ferrati
« Les filles ne savent pas nager » drame de Anne Sophie Birot
« Fire » drame de Deepa Mehta
« Fish and éléphant » drame de Yu Li
« Flying with one wing » drame d’Asska Hnadegana
« Forbidden fruit » drame de Sue Maluwa Bruce
« Forbidden love » documentaire de Aerlyn Weisman et Lynne Fernie
« Gallant girls » documentaire de Barbara Teufel
« La garçonne » drame de Jacqueline Audry
« Gaudi afternoon » comédie de Susan Seidelman
« Gazoline » drame thriller de Monica Stambrini
« Getting to know you » comédie de Liz Lachman
« The girl » drame de Sand Zeig
« Girl play » comédie de Lee Friendlander
« Go fish » drame de Rose Troche
« Goldfish memori » drame de Elizabeth Gill
« Grenselos Kjaerlighet » drame de Sarah Johnson
« Héroïnes de l’amour » drame de Lily Bersilly
« Hide and seek » documentaire de Su Friedrich
« High Art »de Lisa Cholodenko
« The history of pupu » drame de Kensalu Watanabe
« Hotel plasky » drame de Aurélia Barbet
« It’s in the water » comédie de Kelli Herd
« J’ai pas sommeil » de Claire Denis
« Jaune samba » drame de Cécilia Pagliarami
« Jeunes filles en uniformes » drame de Léontine Sagan
« Le jupon rouge » drame de Geneviève Lefebvre
« Kiss and tell » documentaire de Micheline Babich
« Koko »comédie de Anna Marguarita Albelo
« Lesbien raisonnable » documentaire de Josée Constantin et Catherine Gon Nard
« Les liens du coeur » drame de Magie Greenwald
« Lingerie d’occasion » comédie de Teresa Marcos
« Little black boot » comédie de Colette Burson
« Male dans ma peau féminine, masculine » drame de Michaela Watteaux
« Ma mère préfère les femmes » de Ines Paris et Daniela Fejerman
« Le matin l’amour en quatre actes » documentaire de Kim Wyns
« Mécaniques célestes » comédie de Torres
« Mimi » de Claire Simon
« Monster » de Patty Jjenkins
« Mrs Stevens hears the mermaziens singing » drame de Linda Thornburg
« Naming prairie » documentaire de Alexandra Juhasz
« Odd sock » drame de Colette Cullen
« Off the straightand narraow » documentaire de Katherine Sender
« Olivia » drame de Jacqueline Audry
«Only the brave » drame de Ana Kokkinos
« O trouble » drame de Sylvia Calle
« Oublier Cheyenne » drame de Valérie Minetto
« Outtakes » comédie de Karen Klopfenstein et Katherine Brooks
« Out of season » drame de Jeannette Buck
« Des parents pas comme les autres » drame de Laurence Katrain
« Paris » romance de Anna Marguerita Albelo
« Pas trop près » comédie érotique de Murielle Iris
« Peeling » drame de Heidi Anne Bollock
« Les pierres qui tombent du ciel » drame de Isabelle Ponnet
« Le placard de Kathleen » drame de Sheila Jordan
« Pourquoi pas moi » de Stéphane Giusti
« Pretty ladies : a super 8 explosion » film érotique de Catherine Crouch
« Prise au piège » de Helene Lessick
« Prom-troversy » comédie de Léanna Creel
« The well » drame de Samantha Lang
« Rebelles » de Léa Pool
« Regarde moi » drame de Sylvie Ballyot et Béatrice Kordon
« La répétition » de Catherine Corsini
« Revoir Julie » drame de Jeanne Crépeau
« Salmonberries » drame de Percy Adlon
« Salut Maya » drame de Claudia Lorenz
« Saving face » drame de Alice Wu
« Schlorkbabies an der Raststatte » drame de Petra Volve
« Le secret du chevalier d’Eon » comédie de Jacqueline Audry
« Sex revelations » drame de Jane Anderson et Marthe Coolidge
« Shake it all about » comédie de Hella Joof
« Some real fangs » comédie de Desiree Lim
« Spartacus » comédie de Virginie Lovisone
« Standing up » drame de Jennifer Garrison
« Straight from the suburbs » comédie de Carole Ducharme
« The ten rules » comédie de Lee Friedlander
« Tout ira bien » drame de Angelina Maccarone
« Tous les papas ne font pas pipi debout » drame de Dominique Baron
« Treading water » drame de Lauren Himmel
« La turbulence des fluides » drame Manon Briand
« Le trio » comédie de Hermine Huntgeburth
« Utena » manga de Kunihiko Ikuhara
« Les voisines » drame de Franziska Meletsky
« When night is falling » de Patricia Rozema
« 2 secondes » de Manon Briand
« 4 P.M. » de Samantha Bakhurst Royaume-Uni
« Abgrunde Geschichte » de Nathalie Percillier
« Abstraction n°1 » de Marcelle Thirache
« After the 2nd date » de Kathryn L. Beranich
« After the break » de Annette Kimberley
« Album de famille » de Shiri Tsur
« Alicia cada dia » de Gloria Nunez
« All around the clock » (Medien Projekt der Stadt Wuppertal) Collectif d'adolescentes
« All over me » de Alex Sichel
« Alles wird gut » de Angelina Maccarone
BIBLIOGRAPHIE
-« Esthétique du film », Jacques Aumont, Alain Bergala, Michel Marie, Marc Vernet, 238 pages, éditions Nathan Universités, 1997.
-« Cinémas homosexuels » de Jean-François Garsi, éditions Papyrus, 1983.
-« Les métamorphoses » d'Apulée, Editions Les Belles Lettres, 1956.
-« L'image-ouverte » de Georges Didi-Huberman, 408 pages, éditions Gallimard.
-« Malaise dans l'esthétique » de Jacques Rancière, éditions Galilée, 2004.
-« La fable cinématographique » de Jacques Rancière, éditions Le Seuil, 243 pages, 2001.
-« Le destin des images » de Jacques Rancière, éditions La Fabrique, 2003.
-« Le partage du sensible : Esthétique et politique » de Jacques Rancière, 80 pages, La Fabrique, 2000.
-« De la figure en général et du corps en particulier » de Nicole Brenez, 466 pages, éditions De Boeck Université, 1998.
-« Francis Bacon, logique de sensation » de Gilles Deleuze, éditions Seuil, 214 pages, 2002.
-« Corps à corps, à l'écoute de l'oeuvre d'art » de Jean-Louis Chrétien, éditions de minuit, 154 pages, 1997.
-« L’image-temps » de Gilles Deleuze, éditions de minuit, 378 pages, 1985.
-« Négocier le visible » de Marie José Mondzain, Art Press, n°216, septembre 1996.
-« Sex, gender and Society » de Ann Oakley, 1972.
-« De l'amour lesbien » de Geneviève Pastre, 322 pages, éditions Horay, 2004.
-« Mauvais genre ? Une histoire des représentations de l'homosexualité » de Florence Tamagne, éditions EDLM, 286 pages, 2001.
-« Les deux amies: Essai sur le couple de femmes dans l'art » de Marie-Jo Bonnet, éditions Blanche, 305 pages, 2000.
-« Les relations amoureuses entre les femmes, du xvi ème siècle au xx ème siècle » de Marie-Jo Bonnet, Éditions de poche Odile Jacob, 1995, mai 2001, 415 pages
-« La Pensée Straight » de Monique Wittig, Éditions Balland, 157 pages, 2001.
-« L'inversion de la question homosexuelle » de Eric Fassin, 202 pages, Editions Amsterdam, 2005.
-« Queer Zones : Politique des identités sexuelles et des savoirs » de Marie Hélène Bourcier, Éditions Amsterdam, 2006, 249 pages. Cette nouvelle édition comprend « le devenir femme » de Gilles Deleuze.
-« Rapport annuel sur l'homophobie », entre 1997 à 2007.
- « Le séminaire » de Jacques Lacan, 253 pages, Editions du Seuil, 1992.
-« Gender Trouble : Feminism and the subversion of identity » de Judith Butler, Editions La Découverte, 2005.
-« Le pouvoir des mots. Politique du performatif » de Judith Butler, Editions Amsterdam, 2004.
-« Cent ans d'homosexualité » de David Halperin, Editions Routledge, 1990.
-« La méthode 2, la vie de la vie » de Edgar Morin, Editions Seuil, Paris, 1980.
-« Sex and gender, on the development of masculinity and feminity » de Robert Stoller, 1968.
ANNEXES
Entretien avec le pseudonyme « Oublier Cheyenne » sur GAYVOX, un site internet de rencontres pour les homosexuelles, durant l'été 2007
« 18:16: sidonie30 :
Bonjour, voila j'aimerais savoir pourquoi tu aimes le film « Oublier cheyenne » ; j'ai vu le titre de ton profil qui correspond à celui du film; j'écris un mémoire sur ce film et sur des films sur l'homosexualité feminine c'est pourquoi cela m'intéresse de savoir ce que tu penses du film ?
18:20: sidonie30 :
Si tu es disponible pour répondre biensûr..
18:27 : scarpetta31 “Oublier Cheyenne” :
Ce que j'ai aimé dans ce film c'est sa réflexion sur la simplicité volontaire puisque c'est une démarche qui fait partie de mes préoccupations actuelles et puis de manière plus large qu'est t-on prête à accepter de l'autre dans une relation amoureuse et jusqu'où est -on prête à aller ... Ici c'est un choix de vie, la réflexion peut aussi se faire autour d'un choix amoureux... De manière plus pragmatique c'est un film que je venais de revoir en m'inscrivant sur Gayvox, je venais de me séparer de ma copine et ce titre trouvait un certain écho dans ma vie. Voila je ne sais pas si je réponds à ton attente... Et ton mémoire il est disponible et consultable quelque part... Sous quel angle l'as-tu écrit ? »
Le recueil de commentaires suivant est suite à un entretien entre la société de distribution française « Les films du Paradoxe » et la réalisatrice Valérie Minetto.
[...] « Tous les personnages se positionnent par rapport aux problématiques de la consommation et de l'engagement, qu'il soit amoureux ou politique. Nous ( la co- scénariste Cécile Vargaftig et la réalisatrice et scénariste Valérie Minetto ) voulions également raconter une belle histoire d'amour, et montrer que ce qui peut mettre en danger les relations d'aujourd'hui, c'est justement la cruauté économique et sociale actuelle. »[...]
[...] « La gageure de ce scénario était de raconter une histoire d'amour entre deux personnes qui, pendant les 40 premières minutes du film, ne sont pas ensemble. Comment faire croire à leur passion alors qu'elles n'apparaissent pas dans le même plan? Les rêves et la télépathie permettent ça.[...] »
[...] « Je suis heureuse de pouvoir montrer l'homosexualité comme quelque chose de simple, sans culpabilité ni revendication particulière. »
[...] « Chaque personnage est engagé, idéologiquement et affectivement, à sa manière. »
[...] « Ce qui m'intéresse de dire, au-delà du débat très contemporain autour de l'idée de décroissance, c'est de dire que l'engagement politique n'est pas indissociable de l'engagement humain. Les deux demandent la même forme de courage. »
« Le plan de Sonia (Aurélia Petit) parlant avec Béatrice (Guilaine Londez) en reflet dans la porte de la salle de bain, est un clin d'oeil à celui de Mankiewicz, dans « L'affaire Cicéron »: Danielle Darrieux communique, par le biais d'un miroir, avec James Mason dans une pièce adjacente. Il y a également une référence au « Kid » de Charlie Chaplin, au moment où Cheyenne met sa couverture comme un poncho. »
« Avant tout, elle (Sonia-Aurélia Petit) croit à la force de son désir, de la même façon qu'elle croit en son métier. Elle va jusqu'au bout, elle essaie de sauver ce qui peut être sauvé, et elle y arrive. Bien qu'elle ait l'air de davantage composer avec le monde de Cheyenne, elle est, d'une certaine façon, aussi courageuse.[...] »
« Je ne veux pas tout montrer. Pour moi, le cinéma permet de suggérer. Il fallait une scène d'amour pour signifier que la distance entre Cheyenne et Sonia était enfin abolie, pour montrer que ce qui les reliait à ce point, c'était le désir. Je voulais quelque chose de plus « chorégraphique » que « physique »: On suit une main, on voit la chevelure, de la peau, des visages épanouis...[...] »
[...] «Le découpage fabrique la sensation que ressentira le spectateur. Le reste, aussi. C'est pourquoi dans la fabrication d'un film, tout m'importe : L'image, le son, les décors, les couleurs... »
[...] « En écrivant, j'ai beaucoup pensé à « Johnny Guitar » de Nicholas Ray. J'adore le genre, j'adore les films de John Ford... [...] »
-Quelles ont été les scènes les plus difficiles à tourner ?
[...] « D'un point de vue artistique, c'est la scène d'amour entre Cheyenne et Sonia. J'ai réfléchi longtemps avant de la trouver. Comment filmer deux corps qui s'aiment ? Je me suis inspirée de ce que j'avais appris en filmant de la danse contemporaine pendant des années. J'ai cherché un mouvement caméra qui épouse celui des corps... »
-Vous teniez à un happy end ? Ensemble, Sonia et Cheyenne appréhenderont-elles mieux la misère qui les entoure ?
« Oui, nous voulions que l'amour triomphe. Cheyenne a envie de vivre. Elle choisit l'amour. Est-ce que leur couple durera ? Je n'en sais rien. Mais l'amour permet d'être plus fort, d'être dans le monde d'une façon plus épanouie, et donc souvent plus généreuse. »
ENTRETIEN AVEC VERONIKA MINDER A PROPOS DE SON FILM DOCUMENTAIRE « KATZENBALL » traduit « LE BAL DES CHATTES SAUVAGES »
Jeudi 19 juin 2008
« Vous avez fait un très grand travail de recherche. Quel a été le point de départ en substance, l'amorce de votre documentaire ? Est-ce que c'est particulier au langage cinématographique ? »
Veronika Minder : « Je voulais écrire un livre. J'étais exploitante de salles de cinéma, à Bern, en Suisse. Je me suis dit, je ne vais pas publier de livre parce que mon langage est lié aux images et à la musique. Dans le film documentaire, l'histoire se raconte avec des interviews et des extraits de films classiques. Je me suis occupée pendant longtemps d'un festival de films Gay et Lesbien. Depuis le commencement du cinéma, il y a des rôles féminins pour les Butchs, des femmes qui ont joué des hommes. C'était classique dans le cinéma des débuts. J'ai une grande connaissance du cinéma muet. J'ai suivi le cinéma lesbien parmi les « cent derniers ans ». Je me suis décidée d'essayer à faire un film. Comme on est pas seul à faire un film, on est là avec des autres personnes, d'abord j'ai trouvé une protectrice avec l'amour lesbien aussi ».
« Votre recherche de documentariste s'est basée sur une approche historique ou sur une approche sociologique ? »
Veronika Minder : « Au départ, j'ai fait une recherche historique, parce qu'il n'y avait pas de livres sur ce sujet en Suisse. Il y a seulement un livre pour thème les années 30, quand il y avait partout dans le monde, à Berlin, à Paris, des clubs pour femmes lesbiennes et des clubs pour hommes aussi. Sur ce sujet, il existe un livre mais il n'y a rien sur la période des années 20 ni sur les années 40, 50, 60 jusqu'au mouvement gay international. Au départ, je me suis rendue compte qu'il fallait parler de ces femmes maintenant parce qu'après quand elles meurent il n'y a plus besoin de raconter leurs histoires. C'est pour ça que j'ai voulu faire un film, parce que je connaissais cette femme photographe Liva Tresch qui a fait des photographies depuis les années 48 jusqu'aux années 68 dans des clubs féminins. J'ai voulu profiter de cette connaissance pour élargir ma recherche dans la Suisse. J'ai commencé dans la Suisse allemanique mais je me suis dit c'est dommage puisque j'ai des connaissances à Genève, à Lausanne, à Zurich, à Bale. Au départ, j'ai voulu prendre une histoire qui n'avait jamais été racontée. C'était plutôt le départ historique. J'ai choisi cinq femmes parmi une cinquantaine de témoignages. C'est au cours du documentaire que je me suis posée des questions sociologiques parce que je m'étais concentrée sur ces artistes, sur ces pauvres et ces riches, parce qu'il y avait une certaine mixité. C'est plutôt la base historique mon point de départ. Raconter les cent dernières années du mouvement homosexuel par rapport à la vie de ces femmes ».
« Ces cinq femmes sont des générations différentes parce que ceux sont des cycles de vie quelque part ce reflet, cette image. On parle d'abord de la représentation. Ces représentations sont toutes différentes. Est-ce que cela veut dire pour vous qu'il y a une multitude de représentation de la femme homosexuelle ? »
Veronika Minder : « Cela veut dire qu'il y a une multitude aujourd'hui. Il y a cent ans, les femmes homosexuelles étaient ces premières femmes qui portaient des pantalons. J'ai commencé les interviews avec cette question : « Tu as acheté le premier pantalon avec qui ? » Parce que cela a aussi changé tu vois. Dans les années 20, 30, les femmes portaient le pantalon. Après les années de guerre, c'était interdit dans les écoles de porter le pantalon. Pour les femmes lesbiennes d'un certain âge c'était tant mieux. Le pantalon était la relation entre la femme et la butch ».
« Ursula Rodel dit « Cacher son corps, changer son corps » comme les oppositions masculin et féminin, matriarcat et patriarcat; de filmer les corps, la pensée dans le corps, penses-tu qu'il faut à l'image le corps homosexuel et le discours homosexuel ? »
Veronika Minder : « Oui, porter des pantalons, cela donne une force mais cela donne une certaine visibilité. On peut te lire, on peut lire qui tu es quand tu portais ces pantalons. Il y a 50 ans, c'était visible. Ce n'était pas visible quand tu portais une jupe ou bien une blouse
Le pantalon c'etait comme une bague à la main. Pour moi le pantalon c'est un thème comme le chiffon pour les femmes ménagères. Cela affichait l'homosexualité avec la coupe de cheveux ».
« Votre documentaire propose les portraits de plusieurs générations ? »
V.M. : « Oui, depuis les années 20, à l'international, à Berlin, à San Francisco, là où l'histoire des femmes homosexuelles a existé.. »
« Vous avez réalisé un documentaire qui permet de véritables réflexions en rapport avec l'histoire du XX eme siècle. Ce rapport avec la réalité nous met complètement dans cette réalité, celle d'aujourd'hui.. »
V.M. : « Tout à fait, Samira Zingaro d'origines italienne et palestinienne a son propre comportement, avec ses habits, elle se déguise en hétérosexuelle elle va dans les lieux hétérosexuels pour danser, elle va un peu de partout elle ne s'affiche plus comme lesbienne aujourd'hui, on peut le faire mais aussi ne pas faire parce qu'il y a les piercings ce n est pas seulement les lesbiennes qui les portent les tatouages du corps. »
« Le montage du film est très pertinent. Nous avons encore cette dualité à l'image de cette ressemblance. Vous illustrez les propos de chaque femme par des images, Ursula Rodel sur la question de la mode et Liva Tresch aussi sur la question du travestissement. Cette culture cinématographique est indissociable de la condition homosexuelle ? Est-ce que ce rapport à l'image, finalement est-ce que la femme homosexuelle renvoie toujours à une image ? »
V.M. : « Les extraits de films ont deux propos un propos de montrer une histoire lesbienne comme il n'y avait pas un cinéma clairement affiché homosexuel, alors les lesbiennes ont conclu ou bien ont lu les films d'une autre façon. Le regard était considéré comme un flirt lesbien, les yeux dans les yeux. J'ai mis le regard lesbien des films publicitaires des films populaires. C'est un lien culturel comme étant lu chez les lesbiennes. De l'autre côté, il y a un point de vue historique sur le point de vue de la femme, sur l'émancipation de la femme. J'ai pris des images de la télévision des années 50. Le regard de la femme a ce côté misogyne. Les femmes lesbiennes ont presque toujours travaillé. Comme Liva Tresch, elles vivaient seules de petits travaux en gagnant peu, ou bien elles étaient dans le social parfois maître d'école. Au commencement, elle s'est dit que s'elle avait été un homme elle aurait fait des études. »
« Les utilisations d'archives ont ce côté ironique dans une certaine vérité aux yeux de ce que vous évoquait dans le film comme l'histoire politique. L'usage des portraits propose un discours solide aujourd'hui sur la condition homosexuelle. Ces femmes ont agi dans le sens dans leur propre vie.. »
V.M.: « C'est vrai, on peut le voir comme ça.. »
« Parlons de cette dualité dans l'image. Il y a un effet dans l'image. On a toujours une image de la femme homosexuelle, un cliché, un stéréotype, on s'en défait avec cette émancipation et votre documentaire prouve, après tous les combats et toutes les luttes, que les clichés ont plus ou moins changé.. »
V.M. : « On peut aujourd'hui jouer avec les clichés maintenant. Alors qu'avant le cliché c'était la réalité. C'était pour faire visible. Pour avoir la possibilité de se rencontrer, d'avoir des histoires d'amour, il a fallu les clichés. Ces comportements c'est aussi un jeu de rôles mais c'est aussi une histoire qu'on peut vivre.. »
« Que penses-tu de l'image qui va perdurer de ces femmes parce qu'elles ont un regard sur leur passé et sur leur condition homosexuelle. On en revient à la question : « Est-ce qu'il y a plusieurs conditions d'être homosexuelle comme le désir d'être ou d'être le désir commme cela a été dans les années 50, pour la deuxième moitié du Xxème siècle ? » On comprend dans votre film qu'il y a une multitude de représentations de la femme homosexuelle en fonction de leurs discours dans l'histoire, on est toujours dans la recherche identitaire. A ce propos que peux-tu m'en dire ? »
V.M. : « La différence entre une femme lesbienne et une autre femme; depuis je dirai qu'il y a une différence. Il y a toujours des choses dans lesquelles on nous enferme; à l'école, apres ça continue on dit certaines matières sont plus pour les filles et d'autres pour les garcons. Certains métiers comme secrétaire sont destinée aux femmes. »
« C'est très lié au statut que nous donne la société, en fait. C'est toute une construction identitaire.. »
V.M. : « C'est une identité cherchée ou une identité trouvée. Il y a 50 ans c'était difficile pour les femmes de prononcer le mot lesbien. C'est pourquoi la série L-World fonctionne sur ce tabou du mot lesbien, c'est seulement le L, elle joue avec ça, avec ce tabou sur les mots. Aujourd'hui les mots tabous sont devenus faciles entre nous mais s'affichait lesbienne pour une jeune c'est toujours difficile. »
« Quelque part on revient sur la théorie sociologique entre nature et choix.. »
V.M. : « Les personnages qui sont dans mon film pensent toutes qu'elles sont nées comme ça. Elles pensent que dans la vie il y a des choses qui les ont rassurées dans cette tendance. Ursula et Liva voulaient être un garçon. Liva a cherché son corps, prier les saints quand elle était jeune parce qu'elle voulait absolument être un garçon. Elle aurait pu changer de sexe. Cela fait penser aux transgenres. On est lesbienne ou hétérosexuelle mais il y a d'autres possibilités aussi. Soit ces femmes ont voulu être des garcons parce qu'ils avaient plus de liberté dans leur vie que les femmes. Soit leur ressembler ou soit encore cette envie de changer le sexe quand c'est possible quand on a le choix de le faire comme maintenant. »
« Il y a plusieurs dimensions dans votre film. Est-ce-que tu penses que ce film peut être un documentaire de patrimoine ? »
V.M. : « Je pense qu'on peut le regarder dans dix ans encore dans des petits clubs lesbiens. Il y a des histoires avec des femmes superbes, magnifiques, intelligentes. J'ai voulu donner du courage à la jeune génération d'aujourd'hui. J'ai fait six ans de recherche pour ça, j'ai rencontré plus de cinquante femmes pour en choisir cinq qui soient typiques c'est-à-dire très différentes qu'elles ne tombent pas dans l'oubli. »
« Tu parles de l'histoire des femmes, mais on a un regard sur la minorité homosexuelle. Est-ce-que tu penses à un film qui pourrait être en correspondance ? »
V.M. : « Je vois ce qui a changé. Ceux sont les personnages gays et lesbiens dans les séries américaines qui apparaîssent de façon normal. Dans la Star Academy allemande, il y a une lesbienne, une butch qui a gagné cela veut dire qu'on est devenu sympa.. »
« Revenons à l'image par rapport au fait que tu aurais pu écrire un livre pour parler de l'histoire des femmes.. »
V.M. : « Dans le livre, j'aurai pu mettre beaucoup plus de recherches. Le film en 90 minutes ne peut pas tout raconter. Ca veut dire que c'est l'image qui raconte beaucoup alors que dans un livre il y a beaucoup de détails, on peut raconter plein de choses. (...) On est plus scientifique tandis qu'un film veut divertir, moi j'ai voulu divertir. Dans le cinéma classique lesbien, il n'y a jamais eu des Happy End. Dans « Killing the sister georges » ou avec Billie Wilder, c'est un peu la tragédie innée dans le film lesbien alors l'histoire d'amour entre lesbiennes a une fin malheureuse alors que dans la réalité elle n'est pas comme ça. Il ya des couples lesbiens homos qui peuvent durer toujours pour longtemps. Là dans le film c'est pour ça qu'il y a de l'amour c'est positif, je donne un message positif. Je pense que les gays et les lesbiennes n'ont pas vraiment ce concept de monogamie. Aussi le concept de la monogamie se base sur la famille ce n'est pas tellement évident pour une lesbienne aujourd'hui. Le mouvement est devenu un petit bourgeois. Avant, le couple, tous les deux vont au travail. Avant les lesbiennes s'étaient fixées ne pas avoir des enfants, c'étaient des femmes libres et autonomes se libérant de ce concept de famille. »
« Souvent il y a cette dualité encore entre la représentation de la femme seule et les deux amies, la representation du couple, la rencontre amoureuse, c'est le choix de faire parler les femmes au travers de leurs vies amoureuses. C'est une démarche moderne. La représentation de la femme seule peut se raconter au travers d'une histoire qu'elle a pu vivre. C'est quoi en fait l'homosexualité, ça serait cette représentation des deux femmes ensemble comme la représentation étudiée par Marie Jo Bonnet ou bien la femme seule qui s'exprimerait ? »
V.M. : « J'ai pris le choix de la femme seule qui parle chez moi. Je te répondrai que ce concept est le concept de l'Histoire de l'Art et aussi de la littérature non un concept du cinéma. J'ai fait une interview où je parle de la sexualité. Le lesbiannisme c'est quelque chose qui se définit par l'érotique et par la sexualité que tu vis. Les peintres femmes ont affiché leur homosexualité en terme d'amitié profonde. Le regard lesbien est dans les peintures, dans le film, au bar, dans la réalité. Mais dans un film, le regard lesbien s'est
91 déjà fait. Le regard lesbien appartient à l'histoire du cinéma. Dans « The Killing of Sister Georges », dans la séquence dans le club lesbien, il y a tous ces regards lesbiens, aussi dans les films muets. Dans le cinéma actuel, les regards ne sont plus aussi importants. Les femmes du début du cinéma avaient les yeux maquillés de couleurs pour faire le regard encore plus fort. »
« Votre travail, c'est un devoir de mémoire ? »
Veronika Minder : « Oui, c'est un mémoire. »
Entretien avec SOS HOMOPHOBIE des Bouches du Rhône, à propos de la sortie du livre « Le rapport sur l'homophobie 2007 », le mercredi 20 juin 2007, à la librairie « Les mots pour le dire », à Marseille, 6ème arrondissement.
«Nous appartenons à la délégation régionale Provence Alpes qui regroupe depuis quelques mois tous les départements de la région PACA. C'est une création un peu nouvelle pour situer un peu le scoop. Ce que nous sommes en train de monter, notamment sur Marseille, permet de relayer notre travail avec celui effectué sur Paris et sur l'Ile de France. SOS HOMOPHOBIE est avant tout une ligne d'écoute en 01, pour alimenter la région parisienne. L'association a été créée en 1994. Elle compte une trentaine de membres répartis sur toute la France. Aujourd'hui, on a commencé à ouvrir des bureaux à Marseille, à Lille, à Nice, et d'autres antennes dans différentes régions. L'objectif, à la base de sa création, était de créer une association relais pour les victimes de l'homophobie, les gays et les lesbiennes sur Paris. A l'époque, on n'avait rien et à l'image de l'association, à l'époque, on s'est dit « On va lancer quelque chose sur l'homophobie ». Notre action est d'écouter les gays et les lesbiennes, également les trans,
grâce à des appels anonymes et gratuits. C'est plus du soutien par rapport à d'autres associations et de la réorientation par rapport à d'autres organismes. Aujourd'hui, nous recevons 500 à 600 appels par an. Cela ne nous paraît pas beaucoup mais évidemment on n'a pas de ligne nationale, on est en ligne locale. On ne veut pas l'être par des temps pareils. Nous sommes bénévoles et consacrons deux heures tous les soirs aux appels. Il faudrait trouver plus de monde pour assurer les permanences. Grâce au site internet de SOS HOMOPHOBIE, depuis trois ans, cela nous a permis de doubler le nombre de témoignages par rapport à la ligne téléphonique. Pourquoi est-ce important d'augmenter ces témoignages, c'est parce que ceux sont ceux-ci qui permettent d'éditer, chaque année, depuis 1997, « Le rapport sur l'homophobie ». Nous, notre objectif, c'est d'essayer le plus objectivement possible de dresser un portrait de l'homophobie en France, tous les ans , de voir ce qui change, de pouvoir alerter les pouvoirs publiques. A côté de ce rapport, on fait autre chose, déjà cela occupe beaucoup de gens; Laure et moi (Olivier) avons été formé à l'écriture de ce rapport parce que ce n'est pas que des témoignages mais c'est aussi de l'ambiance de la société actuelle qui en découle. Dans ce rapport 2007, vous verrez une partie sur la presse. On essaie nous en tant que bénévoles de lire plusieurs quotidiens; Laure effectue une étude sur les hebdomadaires, et les mensuels féminins pour voir comment les sujets sont traités sur l'homosexualité féminine. Nous avons trois pôles. Au delà du rapport annuel, un pôle de prévention et soutien, un pôle d'écoute et de soutien par la ligne d'écoute et par internet et un pôle d'action. Si quelq'un veut garder l'anonymat, on le réoriente par rapport à l'association, comme relais derrière lui. Depuis trois ans, soit en 2004, on arrive à être reconnu comme une association de la lutte contre l'homophobie. Le pôle de prévention est le pôle d'intervention en milieu scolaire. C'est dur avec l'Education Nationale. Autant l'association n'a pas vraiment de mal à intervenir en région parisienne, depuis 4 ans, autant en PACA, c'est beaucoup plus dur. Il s'agit de prévention, c'est-à-dire de parler directement aux élèves. Il y a aussi une formation pour adulte qui a pour but de former des professeurs, des éducateurs, des assistantes sociales. Le but c'est d'informer les jeunes sur l'homosexualité et sur la lutte contre les discriminations. Le pôle d'action s'occupe du rapport annuel, de la communication et d'informer des objectifs de l'association. En 2007, il y a plus de 10% de témoignages par rapport à 2006. On n'a pas l'habitude de % d'écart comme ça, d'année en année; mais notre travail reste objectif en fonction de statistiques établies. Les témoignages qu'on reçoit viennent principalement du monde du travail (un recrutement qui ne s'est pas fait à cause de l'homosexualité; c'est un appel sur 30); également l'homophobie sur les lieux publics et le voisinage; puis vient la famille avec 11%, et les propos homophobes sur internet avec 9%. 10% des appels sont de personnes qui disent ne pas être bien. Majoritairement ceux sont des appels venant de jeunes hommes ou d'hommes gays. Le rapport est basé sur les chiffres très détaillés d'une année de recensement de l'homophobie, suivant le sexe, l'âge, le type d'agressions physiques et verbales, et surtout dans quel domaine : Travail, amis, voisinage, lieux publics, famille, internet, ... Par rapport aux agressions physiques, l'association est un lieu de veille qui essaie de répondre aux appels des victimes et de résoudre les problèmes. D'autre part, les médias véhiculent des images négatives de l'homosexualité. Nous les détectons; tout ce qui est à caractère homophobe. Concernant la lesbophobie, les agressions et les discriminations envers les femmes sont beaucoup plus insidieuses. Ceux sont de mauvais traitements, des insultes plus banalisés, mais c'est quand même en diminution. C'est d'abord dans le monde du travail, puis en famille, puis dans les lieux publics que la lesbophobie se manifeste. On peut difficilement porter plainte surtout au niveau de la famille. Le rapport 2007 pour l'année 2006, établit 173 témoignages soit plus de 30% d'augmentation. Un tiers des estimations de cas de lesbophobie se situe en famille. Donc il y a le rejet en famille, puis celui des amis, de l'entourage. Ensuite viennent les insultes, le harcellement moral. On trouve toujours des problèmes avec les gynécologues qui ne souhaitent pas recevoir d'homosexuelles sous prétexte de leurs pratiques injustifiées. Nous nous intéressons à la visibilité des lesbiennes dans les médias. Apparemment, la lesbienne n'existe pratiquement pas ou est absente du milieu médiatique. L'attaque homophobe se fait sur l'identité des lesbiennes en tant que femmes. Un cas particulier également à citer est le fait du rejet des juges lors d'un divorce, pour la garde des enfants pour un couple d'homosexuelles. Un autre cas est celui des insultes du voisinage; ceux sont des petites accumulations au quotidien. La question aujourd'hui est de savoir si le milieu associatif n'est pas trop centré sur les gays, mettant en exergue les femmes homosexuelles. Les témoignages analysés servent à comprendre la spécificité de la lesbophobie, mélange d'homophobie et de sexisme. Notre démarche est de dire, de dénoncer les actes et les propos lesbophobes. Car le silence ne protège de rien, il ne rend pas justice et il n'efface pas la douleur. »
Articles parus dans la revue culturelle « LA REVUE MARSEILLAISE DU THEATRE »
« Quatre minutes » de Chris Kraus, Allemagne, 2008, durée 1h36. Avec Monica Bleibtreu, Hannah Herzsprung, Jasmin Tabatabai, Sven Pippig et Richy Muller.
Frau Traude Kruger enseigne le piano au centre pénitencier de Manheim. Quatre femmes détenues, incarcérées pour peine lourde, pourront suivre les cours de musique depuis l'arrivée du nouveau piano. Dans l'enfer carcéral, Jenny Von Loeben est remarquée par le professeur Kruger. Attisant toutes les jalousies, Jenny découvre sa vocation cachée puis révélée. Enfance tragique, elle est accusée d'un meurtre violent et purge une peine importante. Traude Kruger doit inculquer les règles à Jenny. Elle accumule les concours de piano jusqu'au grand concours du conservatoire sous le regard attentif et sérieux de son professeur.. Dans une mise en scène sobre et concise, Chris Kraus réussit le contraste entre les deux personnalités féminines. Dans un univers filmique sombre voire obscur, la pâle clarté de l'extérieur demeure éphémère. La grande force du film repose sur les interprétations magistrales des actrices Monica Bleibtreu interprétant Traude Kruger et Hannah Herzsprung dans le rôle de Jenny Von loeben. A elles deux, elles apportent de l'humanité, ce souffle de liberté nécessaire à ce monde clos. L'histoire sous-tend, dans une ambiance « noire », d'une part, le poids de l'enfermement et le repli sur soi incarnés par le personnage de Jenny. D'autre part, le film nous mène de révélation en révélation portée par la patience et l'enseignement de Traude Kruger. Une série de flashbacks effroyables nous dévoile son homosexualité sous la seconde guerre mondiale. Une porte est désormais ouverte grâce peut-être à cette clé qui ouvre le piano. La jeune détenue Jenny est guidée dans son apprentissage de la musique classique. Elle doit réussir « sa mission ». Au travers de thématiques difficiles, une vie brisée se voit bouleverser. Sauvage et impulsive, elle se plie difficilement aux cours. A chaque plan où elle apparaît les épaules courbées, elle s'impose le regard fou et méchant. Ainsi accepte-t-elle d'écouter et d'apprendre en se vouant une passion sans limites pour le piano. Dans son combat permanent du jour le jour, Jenny se découvre pianiste prodige, adulée par la presse qui reconnaît en elle tous les talents. Mais elle demeure associale et déconnectée de la réalité. Ses émotions les plus secrètes se retranscrivent sur la partition de Robert Schuman. Les forces hermétiques se concentrent dans sa vocation. Mais le film se veut fataliste, croit encore aux potentiels de chacune qui lutte en contraste permanent de leurs positions, celle de la liberté et du savoir pour Traude Kruger et celle des souffrances et de la violence pour Jenny. Ce film dur, émouvant, sans clichés, rend hommage à Madame Kruger, ayant réellement existé (1917-2004). Grand courage d'un côté, adversité et persévérance de l'autre, Traude Kruger enseigne le piano à Jenny pour améliorer son jeu et non pas sa nature.
Coup de projecteur sur le Festival REFLETS 2008, « Des films d’aujourd’hui pour penser demain »
La 7ème édition du Festival REFLETS organisée par MPPM (Moving Project / Projets en Mouvement) s'est tenue avec succès au Cinéma Les Variétés, salle classée Art et Essai, à Marseille, du mercredi 23 avril au dimanche 27 avril 2008. Depuis 2002, REFLETS est un festival de Cinéma exclusivement sur les thématiques Lesbiennes, gays, bi et trans. Michèle Philibert et Florence Fradelizi, les programmatrices, ont proposé, cette année, des œuvres de tout horizon cinématographique sur des sujets liés à l'actualité, mais aussi traitant des différences sur la base des identités et des genres. Le public au rendez-vous de toutes les émotions a su apprécier, en ce début de printemps, la grande richesse et diversité des thèmes en un choix pertinent des films. Autour du désir et de l'amour, le cinéma de genre n'est plus celui de la caricature ou du cliché. En constante réflexion et évolution sur lui-même, les barrières tombent.. Des oeuvres réalistes, venues d’ici et d’ailleurs, porteuses de sens, touchent aux mouvements mêmes des sociétés. Le festival a montré des films inédits en salles. En avant-première, dans la section « Vers ailleurs », le film « Riparo » de Marco Simon Puccioni avec Maria de Médeiros développe les thèmes de l'homosexualité et de l'immigration. Le film indien de Ligy J. Pullappally « Sancharram, un amour secret » traite de l'homosexualité féminine alors qu'elle est actuellement pénalisée en Inde. Dans la thématique « Elles écrivent, elles tournent », la réalisatrice Sylvie Ballyot a présenté le court-métrage «Tel père, telle fille», avec Salomé Stévenin, en sélection à Cannes 2007 et le problématique documentaire « Love and Words (are politics) ». La cinéaste Laurence Rebouillon était présente pour la projection de son film « West Point », une fiction expérimentale en super 8, hors norme. Une carte blanche au Ballet National de Marseille a permis la projection du film, au carrefour de l'Art post-moderne et du Cinéma, « Cremaster 5 » de Matthew Barney, proposant une réflexion sur le corps d'après les origines des sexes et des genres. Les prometteurs courts-métrages « Les corps silencieux » de Luz Diaz, « Bouche à Bouche » de Louis Dupont et « Entracte » de Yann Gonzales ont animé la soirée de clôture. Dans le cadre des séances scolaires, les collégiens et les lycéens de la Région Paca ont découvert les films « Fucking Amal » de Lukas Moodyson et « Echo Park L.A. » de Richard Glatzer sur les thèmes de l'adolescence et de la sexualité. L'exposition de Naïel a suscité l'interêt des festivaliers avec entre autre son oeuvre « Ni Rose, ni Bleu », sur le thème du Masculin et du Féminin.
L'association Vidéochroniques a présenté les vidéos performatives de l’artiste gay Steven Cohen travaillant les figures du travesti, du queer et du dragqueen. N'oublions pas les soirées du Festival avec les concerts de Lord Maria à la guitare et aux sons synthé saturés, la voix chaleureuse et expressive de Rona Hartner portée par une musique accoustique colorée et festive ainsi que l'electro pop subtil, précis et sombre d'Olga Kouklaki entre guitare et synthé.
« Riparo » de Marco Simon Puccioni, Italie-France, 2008, drame, durée 1h38, VO. Avec Maria De Medeiros (Ana), Antonia Liskova (Mara), Mounir Ouadi (Anis), Gisella Burinato (Laura, la mère d'Ana) et Vitaliano Trevisan (Salvio, le frère d'Ana)
Ana et Mara rentrent de voyage. A leur arrivée à Nice, elles découvrent, avec stupeur, dans le coffre de leur voiture, un jeune marocain Anis. Caché, il tente de passer clandestinement la frontière italienne. Malgré tout, elles décident de l'aider.. Ana, trente-cinq ans, fait partie d'une riche famille d'industriels de la chaussure. Elle vit confortablement avec sa compagne Mara, de dix ans sa cadette, à Udine, en Italie du nord. Celle-ci occupe depuis cinq ans le poste d'ouvrière dans l'entreprise des parents d'Ana. Quand Anis le clandestin s'introduit dans la vie du couple, Ana lui accorde toute sa confiance malgré les réticences de Mara. Elle prend la décision de l’héberger et elle lui trouve un travail non déclaré dans l’usine de son frère Salvio. Une relation particulière va s'établir entre ces trois personnages. Bientôt se créent des tensions entre Anna et Mara par la présence inattendue d'Anis.. Marco Simon Puccioni a écrit le scénario d'après un sujet conçu par Monica Lametta et Clara Ferri. Pour son deuxième long-métrage, le cinéaste italien choisit de croiser les thèmes de l'homosexualité féminine et de l'immigration clandestine. Il développe ainsi les rapports de classe, les relations familiales et inter-générationnelles dans un contexte sociologique qui s'y prête. Le réalisateur réussit ainsi à exposer ces multiples thématiques à résonnances avec l'actualité. D'une part, l'illégalité du jeune immigrant Anis pose problème dans une société en pleine mutation économique. D'autre part, l'homosexualité d'Ana et Mara soulève encore la question des différences d'ordre sexuel. Chaque sujet nous questionne donc dans leur problématique. Le film « Riparo » se propose d'être le support de ces réflexions dans leurs dissemblances. Ainsi le rapport des classes établi entre chaque personnage devient un rapport complexe. Les différences de sexualité posent la question de l'acceptation mais aussi celle de l'homophobie. Dans leur composition remarquable, les actrices Maria De Medeiros et Antonia Liskova sont émouvantes de vérité ainsi que le jeune acteur Mounir Ouadi qui joue avec justesse le clandestin Anis. Les trois personnages décrits successivement par affinités forment ce trio particulier voire improbable. Ils sont chacun, tour à tour, mis en face de leur propre réalité, subissant les pressions du monde extérieur. Dans cette triangulaire existentielle et amoureuse naît un propos résolument contemporain ouvrant le champ des questions sur toutes les formes d'inégalités sociales. Dans son précédent film, le réalisateur avait travaillé avec un jeune acteur parce qu'il aime, dit-il, aussi « les manières 'non-intellectuelles' de jouer la comédie ». Naturellement, les actrices confirmées Maria De Medeiros et Antonia Liskova, qui ont joué dans de nombreux films, sont parfaitement crédibles dans leurs rôles de femmes homosexuelles. « Riparo » peut rappeler le film « Théorème » de P.P. Pasolini dans sa plus grande modernité.. Grand Prix et Prix de la meilleure interprétation féminine pour Maria De Meideros au Festival du cinéma italien d'Annecy
Rencontre avec le cinéma d'auteur, le cinéma de femmes : « Elles écrivent, elles tournent », lors du Festival REFLETS 2008
« West Point » de Laurence Rebouillon, France, 2007, fiction expérimentale, super 8 et super 16 en projection Béta. Avec la Compagnie Ex Nihilo : Isabelle Ronayette, Bernard Cef, Agnès Pontier et Johan Leysen.
Jeanne et Louise, Alexandre le frère, la mère.. Le film s'amorce sur une énigme, une intrigue quelque peu dérangeante et déroutante, mystéreuse et particulière. Sur un ballot de blé, botte de foin, une femme nue, allongée sur le dos, impact au thorax, une cicatrice et aucune explication. Une enquête se déroule tandis que d'autres crimes de femmes avec la même mise en scène se succèdent, victimes sans doute d'un sérial-killer qui opère dans les mêmes conditions, de la même façon. En quelques plans, Le climat noir est posé, installé. Filmer à Marseille, sur l'île du frioul, à l'hôpital Caroline, la grande richesse du film réside en ce travail gigantesque de contraintes esthétiques formelles et informelles.
Laurence Rebouillon pratique les supports pellicule Super 8 et Super 16 utilisés pour le son synchrone, le texte et la voix off. Commence comme un polar, un film de famille bouleversé par la mort subite, le meurtre de la mère. Le travail esthétique entre noir et blanc et couleur s'effectue par l'effet d'obturation dans le raccord des plans. La réalisatrice, à partir d'un scénario, travaille l'image par le cadre, en ses qualités esthétiques du support super 8 rare à l'écran. La fiction expérimentale s'inscrit dans la catégorie de films de recherches, innovante et dans la performance. Après le décès de leur mère, Jeanne et son frère Alexandre enfants grandissent sous un poids. Leurs vies se croisent, leurs chemins se séparent. Jeanne danseuse pour la compagnie Ex-Nihilo rencontre Louise avec qui elle vit une véritable passion au-delà des mots. Une série de meurtres sans résolution devient ce climat pesant, atmosphère lourde qui réduit le cadre et ouvre le champ. Fragments d'images, Jeanne et Alexandre sont voués à fabriquer leur vie, le cadre. Le lieu d'espace narratif, tente de contenir, de reconstituer leur parcours.
Anne Lebovitch, immigrée et communiste, est cette inconnue.. Jeanne est dans une compagnie de danse Ex-Nihilo. Elle se produit en extérieur en fonction des lieux et des rencontres. Les mouvements des corps, entre statisme du plan, sans mouvements de caméra, véhiculent des forces. Handicap, blessure, douleur intérieure traduite en image sur un texte en voix-off, sous le poids du passé, l'expérimental côtoie la fiction. Jeanne sauvage, garde ce mystère dans son regard. Son projet de danse va la conduire avec sa compagnie à voyager dans de nombreux pays.
Marseille, Portugal, Argentine, New york...
Jeanne et Louise s'aiment, se découvrent, se montrent, se cherchent et essaient de vivre ensemble comme un couple. Louise la trompe mais Jeanne accepte. Autant d'éléments qui s'assemblent, se juxtaposent, en un travail remarquable de plan à plan. Une réalité porte cet amour entre femmes. Nues, allongées, Jeanne et Louise appartiennent définitivement à ce cadre, cette fenêtre ouverte sur un monde en approches figurales dans un monde de représentations. Dans l'esprit instinctif, dans l'esprit de Dziga Vertov dans « L'homme à la caméra », Laurence Rebouillon a l'intuition permanente de l'être-là à l'image. De l'incision d'un journal intime, des fragments cachés sont révélés. L'homosexualité est visible, palpable, indifférente aux principes. Ici et ailleurs, leur Mère. Hommage à Anne Lebovitch. Une famille, dans le déracinement, voyage, fatalement se retrouvant dans un mouvement, la translation des corps.
Rencontre avec le cinéma d'auteur, le cinéma de femmes: « Elles écrivent, elles tournent », lors du Festival REFLETS 2008
« Tel père, telle fille » de Sylvie Ballyot, France, 2007, drame, 20 mn, 35 mm. Avec Salomé Stévenin (Julie), Bernard Blancan (le père) et Sophie Cattani (Céline). Sélection « Quinzaine des Réalisateurs » - Cannes 2007 -
Julie, interprétée par Salomé Stévenin, retrouve son père, dans sa maison au bord de mer, à Montpellier. Quelque chose les sépare peut-être est-ce l'handicap du père, amputé au genou. Dans son quotidien, comme ce plan fixe dans l'escalier, un changement de point de vue se soumet à la présence de sa fille. Julie fait la rencontre de Céline à la Villa Rouge, lieu emblématique des soirées gays et lesbiennes. De l'envie et du désir naîtra peut-être l'amour entre les deux jeunes filles. Les relais des points de vue s'opèrent ainsi à travers les flous sur chacun des personnages Julie, le père puis Céline. La musique empathique concentre l'attention sur le propos pour combler les non-dits, le silence qui en dit long. Parti pris, choix d'un regard, la réalisatrice montre, sans tout dévoiler par le caractère elliptique du montage, cette relation particulière entre un père et sa fille. Quand les questions se posent, les doutes et les incertitudes sur chacun s'installent. De la provocation découle cette incommunicabilité. Entre Julie et son père, les dialogues bruts s'échappent comme ce manque à comprendre malgré l'amour. Par ce jeu de mots dans le titre, le discours filmique se laisse porter par le regard. Quand Julie retrouve son père, elle n'a rien à lui dire seulement lui dire qui elle est. Un père et une fille sont dans ce rapport du monde des adultes. Elle l'aide, le soigne de son handicap. La jambe tronquée peut faire référence au sexe masculin qui manquerait à Julie dans son homosexualité ou encore être le symbole de mutilation d'un idéal. Autant de dissemblances les opposent et
les éloignent de leur vérité. Le cadre au cinéma, celui d'une réalisatrice prometteuse, crée cette réflexion délicate sur l'acceptation de soi puis des autres. Dans la filiation des idées, Julie et son père essaient un dialogue qui n'est pas forcément facile. Julie aime les filles.
Elle rencontre Céline. Julie est homosexuelle. A travers un amour choisi, un amour imposé, son père n'accepte pas cette différence. Elle cherche à se rapprocher de lui mais l'inévitable transparaît. Ce regard porté sur l'homosexualité féminine à partir de la thématique de la famille révèle un discours presque silencieux entre un père et une fille dans une triangulaire amoureuse. Elliptique, choix pertinent du sujet, ce court-métrage
d'auteur est annonciateur du premier long-métrage « Eden » de Sylvie Ballyot, actuellement en préparation. Salomé Stévenin convainc à l'image, véritablement actrice de cinéma « dans le genre lesbien » depuis « Clara, cet été-là » de Patrick Grandperret. La réalisatrice Sylvie Ballyot confirme ainsi sa maîtrise de l'image par son regard de femme.
« Love and Words ( are politics) » de Sylvie Ballyot, France, 2007, documentaire de création, 44 mn, VO, super 8 en projection Beta SP et numérique. Narratrice : Sylvie Ballyot.
« Je pars au Yémen, pour filmer une femme. Le tournage s'arrête au bout de quelques jours car il met la vie de cette femme en danger. Filmer dès lors ce que je voulais s'avère impossible. » Tel est le point de départ du documentaire de création dans la réalisation impossible du premier documentaire. Il ne pourra se réaliser suite à la réquisition des cassettes filmées, les cinq premiers jours, par les autorités du pays. Bruit sourd de l'intérieur, Sylvie Ballyot écrit, sur les images, le texte de ses pensées comme un scénario sur une machine à écrire. Réflexion, introspection, « L'amour » quand il n'est plus doit s'exprimer.. Au Yémen, la réalisatrice veut filmer une femme yéménite mais au bout de cinq jours, le tournage est interrompu. Les autorités lui interdisent de filmer « cette femme ». Point de départ d'un autre documentaire, celui-là même qui filme, celui
qui fait penser et vivre, celui qui n'existe pas. Poème écrit et narré, lyrisme, des émotions et des pensées se traduisent tout au long du voyage. Complexité pour la documentariste,quand l'autre, une femme ne peut-être filmée. Autre expression, dualité du regard, celui qui montre et celui qui ne peut être vu. « De dos, je n'ai pu filmer que ses cheveux.. » Cette femme qu'on ne peut filmer, l'accompagne dans son documentaire. Sylvie Ballyot fait le choix alors de se filmer, debout, statique, le visage découvert, parmi la foule, en plein coeur de la ville, parmi les yéménites empreints des traditions religieuses et politiques de leurs pays. Contraste fort des cultures et des identités. Elle recueille des informations, dans le souci de mieux comprendre les mentalités sur un sujet universel : L'amour.
Les interviews se composent de plusieurs questions :
-« Qu'est-ce que l'amour? »
-« C'est le mariage ou ton mari? »
-« Connais-tu des homosexuels? »
- « Non, il n'y en a pas... »
- « Que dirais-tu si j'étais homosexuelle? »
Ceux sont des étudiants de confession musulmane d'un centre universitaire, dans la capitale de Saana. A la question universelle : « Qu'est-ce que l'amour ? » : Une réponse d'une étudiante « L'amour de la famille, de l'entourage et des amis »; ou encore « L'amour n'existe pas » pour Souleya, une étudiante. Un étudiant expert en communication propose sans compromis la manipulation pour revenir à la notion de mariage. Il continue son propos en affirmant qu'une femme passée de 30 ans non mariée a sûrement des problèmes de fertilité. On comprend que l'amour est toujours perçu en fonction de la religion et des traditions. Circonspect de réflexions devant cette dure réalité, le fond noir caractérisant ce silence, ce non-dit, cette interdiction formelle, cette censure entre deux grandes cultures.. Sylvie Ballyot est excédée, sous la colère, dans l'esprit de provocation. Dans la frustration des différences, dans un équilibre fragile en filigrane, s'instaurent les silences, preuves de cette incommunicabilité.La réalisatrice écrit sur l'écran de ses images, comme un journal intime de son parcours. Son discours décrit avec lyrisme,entre justesse des mots et sentiment inavoué, son parcours vers l'extérieur hermétique aux valeurs fondamentales de l'amour. Elle a ce fort intérieur débordant de libertés pour vivre cette homosexualité. Sylvie Ballyot peut nous rappeler loitainement mais secrètement Anne- Marie Schwarzenbach, dans son livre « La mort en Perse », même si la réalisatrice cherche d'autres issues, comme celle du pouvoir filmer face au non pouvoir de filmer.
Le pays du Yémen est un pays des plus pauvres, à majorité de religion musulmane. Les yéménites respectent la loi coranique et se soumettent au dogme religieux. Il y est pratiquement interdit de photographier les femmes. L'acte d'homosexualité est considéré comme un péché et une perversion pour la plupart des sociétés musulmanes et des pays islamiques. Les homosexualités féminines et masculines sont illégales au Yémen. Il est un des pays avec notamment l'Arabie Saoudite, l'Iran et l'Afghanistan qui les condamnent gravement, pouvant imposer jusqu'à la peine de mort.
FICHE TECHNIQUE DU FILM « WHEN NIGHT IS FALLING » DE PATRICIA ROZEMA
Film réalisé au Canada en 1995 d'une durée de 1h35.
Réalisation et scénario : Patricia Rozéma
Production : Barbara Tranter
Photographie : Douglas Koch
Sociétés de production : Alliance Communications Corporation, Crucial Pictures, The Ontario Film Development Corporation, Telefilm Canada
Distributeurs : October Films Etats-Unis, Antiprod France
Langue anglaise canadienne
Format couleur, dolby digital
Genre drame romantique
Filming locations : Toronto, Ontario, Canada
Musique : Symphonie numero 4 en d mineur opera 13 composé par antonin dvorak, réalisé par le « West Bohemian National Orchestra »,conduit par Stanislav Bogunia. « Hallelujah » écrit par Leonard Cohen réalisé avec la permission de Stranger Music Inc. et arrangé par Lesley Barber. Musique originale par Lesley Barber
Equipe artistique
Pascale Bussières : Camille Baker
Rachael Crawford : Petra
Henry Czerny : Martin
Don Mckellar : Timothy
David Fox : reverend Deboer
Tracy Wright : Tory
Clare Coulter : Tillie
Karyne Steben : Artiste trapeze n°1
Sarah Steben : Artiste trapeze n°2
Jonathan Potts : Hang glider 1
Tom Melissis : Hang glider 2
Stuart Clow : Hang glider 3
Richard W. Farrell : Board president
Fides Krucker : Roaring woman
Thom Sokoloski : Man with goatee
Version originale anglaise sous titrée français
Sortie en France le 3 avril 1996
Sortie aux USA le 17 novembre 1995
Cinq nominations
Patricia Rozema a été nominée à l'Ours d'Or de Berlin en 1995. Don Mckellar a été nominé au Chlotrudis Awards en 1995. En 1996, Linda Muir a été nominée au Genie Awards pour les costumes. David fox et Pascale Bussières ont été nominés au génie Awards.
Article « A place in the sun » par Patricia Rozema à propos du film « When night is falling », au printemps 2000
« Après le journalisme pour la télévision, sur le terrain de la fiction, « When night is falling » s'inscrit dans le thème et la stylistique de mon film primé et connu « I've heard the mermaids singing », en 1987. Cette histoire d'amour entre femmes peut rappeler la composition musicale de forme libre-chanteur qui allait de ville en ville en récitant des poèmes. Le film situe contemporainement l'histoire sous une perspective d'un désir excessif, avide, et doué psychologiquement sur le mythe. Il a été invité en compétition au festival de film de Berlin, au festival de films de Créteil et au festival international de film de Melbourne. Il y a une place pour la beauté physique dans mes films « Passion: a letter in 16 mm », « I've heard the mermaids singing », « When night is falling », « Six gestures ». parce que cela me stupéfait. C'est un moment de grâce. The Royal Bank Plaza est une cathédrale moderne par les formes sculptées. Ceux sont des fenêtres qui ont été habillées d'une petite quantité de feuilles d'or, c'est différent sous chaque angle et cependant c'est unifié. Je suis sûre que beaucoup de choses va dans cette idée. La structure demande, réclame, je crois, quelque chose de divin. « When night is falling » caractérise de façon aiguisée, pointue, aigue, nettement, vivement, brusquement les espaces contrastées : Les voutes et les pierres austères pour Camille et son côté rétro folk contre le coté 'gilded', magasin de brocante, camelote, velours et 'burgundies' de Petra et son cirque des tours 'her Sircus of Sorts'. »
Pendant toute sa carrière, le même fil conducteur a relié toutes les oeuvres de Patricia Rozema : « Mes films reposent sur le féminisme. Mes personnages et tout ce qui leur arrive laisse supposer que les femmes ont clairement le droit de faire tout ce qu' elles veulent faire.. » Propos recueilli par Janis Cole et Holly Dale dans « Calling the Shots : Profiles of women filmmakers », 1993.
FICHE TECHNIQUE DU FILM « HIGH ART » de LISA CHOLODENKO
Réalisation et scénario : Lisa Cholodenko
Image : Tamy Reiker
Montage : Amy E. Duddleston
Musique: SHUDDER TO THINK
Producteurs : Dolly Hall, Jeffe Levey-Hinte, Susan A. Stover
Etats-Unis, couleur, version originale, durée 1h35, 1998
Film interdit aux moins de 16 ans
Fiche artistique
Ally Sheedy : Lucy Berliner
Radha Mitchell : Syd
Patricia Clarkson : Greta
Gabriel Mann : James
Bill Sage : Arnie
Lisa Cholodenko révèle l'origine de son film :
« Je suis très intéressée par le monde de la photo et je suis amie avec la photographe Jojo Whilden. Dans les années 80, nous étions étudiantes et j'ai été de nombreuses fois photographiée comme ses amies et amantes.»
FICHE TECHNIQUE DU FILM « OUBLIER CHEYENNE » DE VALERIE MINETTO
Réalisation : Valérie Minetto
Scénario : Valerie Minetto et Cécile Vargaftig
Directrice de la photographie : Stephan Massis
Compositeur : Christophe Chevalier
Monteuse : Tina Baz
Ingénieur du son : Eric Boisleau et Nathalie Vidal
Producteurs : Dominique Crevecoeur
Production : Bandonéon
Distribution : Les Films du Paradoxe
France, réalisé en 2004, durée 1h30. Sortie en 2005
Fiche Artistique
Mila Dekker : Cheyenne
Aurélia Petit : Sonia
Malik Zidi : Pierre
Laurence Côte : Edith
Guilaine Londez : Béatrice
Eleonore Michelin : Sandy
Miglen Mirtchev : Vladimir
Pierre Hiessler : Le copain de travail
Je remercie les 3G, le CEL, le Festival REFLETS, Véronika, Françoise, une pensée à toutes pour Barbara Hammer